Patti Smith, la marraine du punk

C’est devant un monde fou qui alternait entre ceux qui l’ont connu à ses débuts et le jeune public habitué de la route du rock que la reine Patti Smith a fait son entrée sur la scène du fort de Saint-Père sous un tonnerre d’applaudissements.

Accompagné de l’un de ses fils Jackson à la guitare, Patti interprète « because the night » un clin d’œil au père de ses fils Fred Smith décédé en 1994.

En tournée européenne, la star américaine était au festival « fête du bruit » avant sa prestation à la route du rock pour ce qui est de sa dernière date française et de l’avant dernière de sa tournée.

Une pluie d’hommage s’ensuivra, actualité oblige, elle pense à Jérusalem qu’elle aimerait voir en ville libre ou chacun pratique librement sa religion en interprétant « Ghost Dance ». Elle rend également hommage à Aretha Franklin et Kofi Annan décédé ce jour avec le titre I can’t Help Falling in love with you rendu célèbre par Elvis Presley dont on commémore les 41 ans de décès cet été.

Du haut de ses 71 ans, Patti profite pour donner quelques conseils elle qui « continue à être foutrement heureuse » même si rien ne va dans le monde. Elle prononce une à une les lettres du titre gloria dont elle a fait son hymne depuis son album Horses en 1975. Album dont elle a présenté la captation du concert-documentaire « Horses, Patti and her band » un peu plus tôt dans l’après-midi devant quelques 300 privilégiés au cinéma de la passerelle à Saint-Malo.

En fin de soirée elle nous exhorte à travers le titre people have the power écrit avec son défunt époux à sauver « notre air, notre eau et notre terre », à réaliser individuellement nos rêves et surtout à ne pas oublier « d’utiliser nos voix » pour dénoncer ou infléchir les politiques insensés de certains dirigeants.

Quelques heures avant d’assister au show de Patti Smith, je suis arrivé au Fort de Saint-Père distant de 20 minutes en navette de la gare de Saint-Malo. C’est la première fois que je couvre la Route du Rock, après une halte à l’espace presse pour assister à la conférence du photographe richard Bellia, je retourne au cœur du festival.

De gauche à droite les deux scènes bien distantes se font face celle du Fort et celle des remparts ou le public s’est agglutiné pour écouter le premier passage après l’ouverture des portes.

Le country et le pop Cut Worms

Sur la scène des remparts Max Clarke alias Cut Worms est le premier à donner de la voix en ce début de soirée ensoleillé. L’américain, guitare à la main, en chemise rouge nous entraine avec ses pop folk aux mélodies travaillées devant un public compact, pinte à la main, qui se met doucement en place.

Le Rocker Texan Josh T. Pearson

Il n’était pas revenu à la RDR depuis 2001, c’est un Josh métamorphosé qu’on retrouve ce soir plus électrique que jamais notamment avec A love Song qui fait le bonheur du public. Il se risque à quelques plaisanteries dans un français approximatif qui ravit le public. Il n’est pas dans sa meilleure forme lorsqu’il joue the straights hits, il a semble-t-il abusé d’un peu de vin français la veille et n’a commencé à jouer avec deux de ses musiciens qu’au début de la semaine. Faute avouée…

La bande masquée de Jonathan Bree

Après la défection de John Maus suite au décès de son frère, Jonathan Bree a rejoint la programmation à sa place. Le néo-zélandais accompagné de sa bande masquée, ne m’a pas totalement emballé avec son visage à la fantomas et ses deux danseuses qui n’étaient vraiment pas dans le rythme. Mais je garde à l’esprit you’are so cool son morceau que nous trouvons superbe.

J’ai eu envie de me poser un peu après l’excellent concert de Patti Smith dont je vous ai parlé plus haut, je passe à côté du concert d’Ariel Pink qui vient de débuter sur la scène des remparts. Il a l’air déjanté sur scène flanqué de sa bande.

Le cérébral Nils Frahm

C’est le moment de se laisser envoûter par l’électro planante de l’allemand Nils Frahm et l’heure s’y prête puisqu’il est presque minuit. Passant d’un instrument à l’autre et seul sur scène, le multi instrumentiste arrive à nous faire oublier qu’on aimerait sauter plutôt qu’écouter l’un des maîtres du classique moderne.

Une musique de chambre qui fascine les festivaliers venus en nombre l’écouter, on serait tenté de dire qu’il joue à guichets fermés ce soir comme dans la plupart de ses prestations à travers l’Europe depuis la sortie de l’album Felt en 2011.

Ma soirée s’achève là, j’ai voulu regarder un bout de la prestation de Ellen Allien, mais un problème technique qui a retardé son passage, m’a fait jeter l’encre. Demain est un autre jour.

Dimanche 19 aout 2018

Je commence mon après-midi par la plage de l’éventail au centre de Saint-Malo où a lieu le grand tournoi multisports de la route du rock, je trouve des équipes composées de festivaliers et organisateurs qui s’affrontent au foot, dodgeball et touch rugby…

Je m’allonge sur ma serviette de plage sous un soleil au zénith (qui a dit qu’il pleuvait tous les jours en Bretagne) et un dj qui passe ses sets sur ce sable fin. Je sursaute une heure plus tard d’une sieste bien méritée, car la nuit a été de courte durée, il est presque 15h30, il faut que je file de l’autre côté de la ville à la plage Arte Concert pour le live de Forever Pavot.

La plage est pleine à craquer entre ceux qui piquent une tête et ceux posés tranquillement dans le sable pour suivre dans une ambiance de repas dominical.

De retour au fort de Saint-Père vers 18h, je me rends à la conférence de presse donnée par les organisateurs du festival, françois Floret le directeur du festival et Alban Coutoux programmateur nous livrent un bilan en baisse en termes de fréquentation. Ils ne sont que 21.000 à avoir foulés les hauteurs du fort contre 24.000 l’année dernière. Une baisse qui n’a rien à voir avec la programmation selon les organisateurs, mais plutôt avec la soirée du dimanche qu’ils pensent sérieusement à zapper et commencer le festival plus tôt dans la semaine. La cause de cette baisse peut aussi s’expliquer par la concurrence de « la fête du Bruit » à landerneau qui s’est tenue le même week-end que la Route du Rock, une mauvaise concurrence que le directeur veut éviter à l’avenir en rencontrant en amont les responsables des autres festivals Bretons pour mettre en place un calendrier : « ça ne fera pas de mal de ne pas se marcher dessus »

Charlotte Gainsbourg la douce

Programmer charlotte Gainsbourg dans un festival rock hors de son cadre habituellement feutré où le public est bon enfant n’était pas évident, mais la fille de Gainsbourg dans son jean d’ado, t-shirt blanc épousant parfaitement les bottines noires qu’elle a aux pieds, a su relever le défis flanqué d’un choriste qui chante à l’unisson avec elle. Elle est « heureuse et très émue » d’être là ce soir. Lemon Incest résonne dans l’ensemble du fort porté par cette voix qui ne chuchote pas mais chante sensuellement derrière un piano sous un décor mouvant. C’est aussi l’occasion pour elle de jouer quelques morceaux qu’elle fredonnait enfant avec son père comme Charlotte forever ou encore son titre Kate, en hommage à sa sœur Kate Berry décédée en 2013. L’émotion se ressent dans le public à la fois triste et revigoré lorsqu’elle disparaît derrière la scène.

Les effets soniques de phœnix

C’est la tête d’affiche de cet soirée de clôture, les versaillais de Phœnix débarquent sur scène dans un décor haut en couleur où les effets soniques transcendent de toute part pour un live haut en couleur, sans doute le meilleur de la programmation.

Le groupe repasse son dernier album en revue, notamment Ti Amo que le public reprend en cœur dans une ambiance qui flirt le romantisme et pousse Thomas Mars à se jeter dans le public à plusieurs reprises après son interprétation de Playground Love, c’est la classe ultime, venant de Versailles, ça ne m’étonne point.

C’est sous cette ambiance de Dolce vita que je quitte le fort la tête dans les étoiles pour regagner Paris. C’était la première fois que je couvrais le festival la Route du Rock et malgré une fréquentation en baisse cette année, la programmation était aux niveaux de toutes mes attentes, le plus petit des grands festivals a bien tenu sa promesse. Il ne reste plus qu’à régler cette fameuse soirée du dimanche qui pose du soucis à beaucoup de festivaliers qui n’arrivent pas à profiter du festival à fond quand il faut aller travailler le lendemain matin.

Crédits photos: Nicolas Joubard & Julien Hay