Shikki se fait poète des cœurs en peine en abordant les thématiques de l’amour et des sentiments dans son nouvel EP Les larmes que je n’ai pas pleurées, qui sonne comme la déclaration d’amour d’un cœur brisé. Rencontre avec un cœur d’artichaut

Moins d’un an après la sortie de son premier EP Harmonies des cœurs grâce auquel il a cumulé près de 5 millions d’écoutes et 520k auditeurs sur Spotify en 2023, Shikki revient sur le devant de la scène avec une nouvelle proposition un brin autobiographique qui sonne comme une déclaration d’amour d’un cœur brisé. Pour nous, il a bien voulu se livrer un peu plus en détails en nous recevant dans les locaux de son studio d’enregistrement rue Saint-Denis à paris le 13 février, veille de la sortie de son nouvel EP

(C): John Riggs

Quand on entend parler de Shiki, on pense immédiatement au roman d’horreur de l’écrivaine japonaise Fuyumi, du moins les amoureux de ce genre littéraire qui s’inscrit dans le registre de la peur. Loin de nous l’idée de susciter chez vous angoisse et effroi aujourd’hui en vous proposant une rétrospective de la littérature de l’horreur. Il s’agit plutôt d’aller à la rencontre d’un autre Shikki (avec deux K), un poète dans l’âme en provenance de Madagascar qui aborde l’amour par le prisme de la rupture et des peines de cœur dans son nouvel EP Les larmes que je n’ai pas pleurées, disponible depuis le 14 février et produit par Leoh (A2H, Monsieur Nov, Ateyaba…) et Clurz.

Un projet sept titres dans lequel il a laissé parler tous ses sentiments, même si parfois le doute s’installe et lui faire penser qu’il est un « raté ». Il peut tout autant vous emmerder « Fort », que vous souhaiter la paix dans une démarche de sincérité au travers duquel il laisse éclater toute sa sensibilité en parlant de santé mentale. C’est qu’il est comme ça notre Shikki, il casse les codes de la romance et se positionne comme un antihéros. Même s’il garde une lueur d’espoir de revivre une histoire d’amour avec celle qu’il imagine être « La femme de ma vie ».

Quoi de plus beau que la mélancolie dans laquelle nous plonge les titres comme « Sayonara » ? Un entêtant piano-voix qui fait la part belle à l’épure, la simplicité et s’avère être aussi le focus track du projet, donc le clip en noir et blanc signé Willy Guittard, accompagne la sortie de l’EP. « Si je devais faire une histoire par rapport à Shikki, disons qu’il y avait « Aligatou » au début en mode souvenir et « Sayonara » vient clôturer toute cette période. Je pense que c’est le morceau qui porte vraiment le projet. Personnellement c’est l’un des morceaux qui me touche le plus et l’un des meilleurs que j’ai pu composer jusqu’à présent. J’aime beaucoup ce que je fais dedans, j’en suis vraiment fan. » déclare l’artiste.

Un très beau clip introspectif, à la fois très conceptuel et très abstrait, moins axé sur les clichés des amoureux. Il met en scène Shikki vivant cette histoire dans une ambiance très émotive qui transperce l’écran.

Ça fait deux ans que ça dure et c’est le plaisir total

Quel a été ton parcours jusqu’à présent ?

Shikki : c’est assez particulier parce que je suis né à Madagascar et j’ai grandi là-bas. Je suis arrivé en France en 2017 pour mes études. J’ai fait du droit et j’en fais encore d’ailleurs, actuellement je passe le barreau pour devenir avocat. Au début la musique n’était pas vraiment quelque chose que je considérais ou même que je faisais. Disons que ça m’arrivait de chanter comme tout le monde le fait sous la douche, mais la réelle volonté de composer pour moi est arrivée avec le premier confinement. Je ne sais pas si on peut dire que c’était de l’ego quelque part, mais je me suis dit que même si j’aimais ce que des artistes comme Dadju, Lonepsi … faisaient, je me devais de raconter ma part d’histoire.

Et je me suis lancé. Au fur et à mesure ça s’est développé avec l’arrivée des lives. Je pense que c’est après mon premier morceau « Arigatou » qui a pris une ampleur différente des autres, que les choses ont commencé à bouger. C’est ainsi que les gens ont commencé à envoyer les freestyles que je pouvais faire sur TikTok à A2H. Il a aimé et il m’a DM (message privé) sur Instagram « Je vois ce que tu fais sur les réseaux c’est très fort, je suis en train de montrer ma structure, est-ce que ça te dirait de signer avec nous… ». J’ai sauté sur l’occasion parce que j’aime beaucoup l’artiste de base, j’écoutais déjà avant, le fait qu’il soit malgache en plus, je me suis dit que c’est peut-être le destin. Ça fait deux ans que ça dure et c’est le plaisir total.

Ton entrée dans le monde de la musique a démarré sur les chapeaux de roue avec ton single à succès « Arigatou ». Tu avais misé sur lui ?

Pas du tout. Honnêtement, pour moi c’était comme les autres morceaux, à la diffenrece que c’est un morceau qui m’a vraiment touché parce que c’était une histoire « live », c’est pas du réchauffé, c’était du vécu. Je crois que le premier couplet que j’ai posté sur tiktok et Instagram je l’ai écrit en même pas 30 minutes.

L’année dernière tu as sorti ton premier EP, et quand on regarde on se rend compte que les peines de cœur sont ton domaine de prédilection. Pourquoi avoir cherché à construire ton projet autour de ce thème ?

C’est une très bonne question. En vrai je pense que quelque part je n’ai pas vraiment chercher à en faire mon domaine de prédilection. Dans mon ressenti à moi, il y avait plus de non dit de ma part en amour que dans d’autres domaines. Je pense que j’ai toujours été le genre à mettre l’autre avant moi, je pensais que si l’autre était heureux, tout allait pour le mieux. Plus tu fais ça, plus tu te rends compte que tu as beaucoup d’émotions que tu retiens en toi. Je pense qu’à un moment, écrire sur l’amour m’a fait du bien. Je ne pouvais pas forcément cracher ma haine, mais envoyer tous mes sentiments que ce soit de la haine, de la tristesse, de la joie… je pense que pendant longtemps ça été mon truc de pouvoir m’exprimer sur le sujet sans avoir peur du jugement des autres.

Est-ce qu’on peut parler d’une suite du premier EP ?

Pas exactement. À la différence du 2e, dans le premier j’essayais un peu de me trouver, j’avais grace au label, la chance de pouvoir expérimenter plusieurs univers. Sur ce nouveau projet, j’essaie de me centrer beaucoup plus sur ce qui me parle et m’enchante vraiment. C’est comme si j’ai pris mon expérience et je l’ai centré sur ce que j’appréciais faire. Dans ce projet, j’y ai mis des vrais frustrations, de vrais sentiments, et même des émotions que je n’ai jamais mis ailleurs. Ce projet c’est vraiment les larmes que je n’ai pas pleurées pour ne pas dire pas encore écrites.

Je suis quand même un amoureux de l’amour mais qui connaît les conséquences de celui-ci.

C’est un cœur brisé qui parle, « un antihéros qui abordes l’amour par le prisme de la rupture » peut-on lire dans le dossier de presse. Qu’entends-tu par la ?

J’aime beaucoup cette question. Quand je dis « peur de l’amour », c’est plus le fait de savoir ce que l’amour te fait. L’amour c’est très beau, je suis quand même un amoureux de l’amour mais qui connaît les conséquences de celle-ci. On peut dire que l’amour dans sa forme la plus pure, est faite de haut et de bas. Les hauts sont majestueux quand tu y es mais les bas peuvent t’enfoncer plus bas que terre. Dans la plupart des cas le début de ces ténèbres de l’amour, commence avec la rupture. Je me dis autant se concentrer sur les bords de la douleur pour pouvoir mieux les interpréter et mieux les assimiler.

Parlons justement de douleur… tu ouvres ton EP avec un titre assez « fort » qui aborde la question de la santé mentale. Est-ce que tu l’as vécu personnellement ?

Je pense que j’avais besoin de ce morceau pour me dire que je pouvais me donner vraiment sans parler d’amour, sans parler de ce que les gens attendent, afin qu’ils puissent découvrir qui je suis, d’où je viens et pour moi ce morceau est fait pour. J’ai connu mes bas, des gens qui m’ont montré mes bas, j’ai été harcelé à l’école parce que j’étais assez gros, je n’avais pas la force de me battre, j’aurai pu mieux me battre mais je ne trouvais pas la force car inconsciemment, ils avaient réussi à rentrer en moi à tel point que j’y croyais vraiment.

Sur le coup que tu as vécu ça comme du harcèlement ?

À Madagascar c’est un peu plus compliqué parce que la notion de harcèlement est et un peu plus difficile à définir, parce que comme tout le monde le fait un peu sans le dire, tu te dis que c’est normale. Je pense que quelque part je savais que c’était du harcèlement sans vraiment pouvoir mettre de mots dessus, c’est plus tard que j’ai compris que ce n’était pas normal.

Tu te fais mélancolique sur « Raté », tu laisses parler ton cœur, « je te vois comme un raté » …

C’est pas exactement le fait de voir la personne comme un « raté », c’est plus la relation que je vois comme un raté. C’est à dire que je sais que la personne en question est quelqu’un d’incroyable, je sais que les sentiments qu’on a vécu étaient très beaux, mais malheureusement on a foiré cette relation. Est-ce qu’il y a vraiment une faute à attribuer ? je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est ce que j’ai aimé ce qu’on a vécu et pour moi le fait que ça soit fini n’est pas vraiment une bonne chose.

En fait c’est la relation qui est ratée pas les deux personnes qui sont en cause ?

Pas du tout, c’est vraiment pour moi le fait de dire que elle et moi, dans notre tentative d’être heureux à deux jusqu’à la fin, on s’est ratés.

Il n’y a pas que des « Raté », tu parles aussi de la femme de ta vie, ce qui laisse une lueur d’espoir. Est-ce que cette femme est imaginaire ou réelle ?

Quand j’ai écrit « La femme de ma vie », j’étais toujours dans ma période de célibat, c’était toujours le truc de me dire que actuellement, je ressens le fait de faire une pause, je vais d’abord me recentrer sur moi et je verrais le reste par la suite. Cette musique c’était vraiment le truc qui me donne envie d’avoir une personne avec moi, du coup je me projette dans le futur. Je me dis que je ne la connais pas encore, mais je l’aime déjà. Qui que tu sois, il y a de l’amour pour toi, qui que tu sois je vais prendre soin de toi et m’assurer qu’il ne te manque rien.

C’était important pour toi d’avoir une autre voix sur ce titre ?

Oui, c’était vraiment nécessaire parce que Randjess en plus d’être un ami, je trouve que c’est artiste incroyable, il a des mélodies qui me touchent et j’aime sa manière d’écrire. Je me suis dit que c’était le meilleur moyen d’exprimer ce sentiment, parce que c’est très beau et fort quand il parle d’amour. J’aurai pu écrire un deuxième couplet, mais je pense que sa patte à lui me manquait.

Tu parles finalement d’espoir dans « femme de ma vie », tu l’imagines alors que tu ne la connais pas. La beauté de l’amour ne réside pas dans la surprise ?

C’est justement ça le piège. Dans le morceau ce n’est point tant les critères que je donne, c’est plus l’inverse, c’est plus des promesses unilatérales que je me fais. Je ne fais pas dans le matériel femme de ma vie, mais dans l’idée de la femme de ma vie, c’est à dire qu’on est fait pour se retrouver.

Est-ce que cet album peut-être résumé comme l’autoportrait d’un cœur brisé ?

On peut le dire, c’est le cas pour la plupart des morceaux, mais j’ai quand même voulu faire, pas un aparté, mais raconter dans « les larmes que je n’ai pas pleurées », des larmes qui ne sont pas forcément amoureuses comme on a pu le voir dans « fort », le morceau sur la santé mentale. Disons que ce projet est un autoportrait d’un amoureux qui cherche l’amour et qui est tué par l’amour. Il a aussi d’autres larmes qui concernent sa vie en elle-même et son envie de continuer à explorer ce monde.

Aujourd’hui tu se situes dans quel univers ? Hip-hop ? Chanson française ?

En tant qu’artiste, j’ai du mal à me situer, parce que je me vois plus comme un artiste qui réagi et qui tire son émotion de la prod directement, elle n’a pas forcément à avoir un style, je dirais juste qu’elle a juste à me toycher. Mais ce projet je pense qu’on est plus dans la chanson française.

Malgré tes chagrins d’amour, et pour paraphraser un de tes titres, est-ce qu’aujourd’hui tu te plais « sous le ciel de paris » ?

(Rire) elle est vraiment très bien trouvée cette question, bravo. Oui, je m’y plais parfaitement, c’est un plaisir d’y être et d’y vivre.

Est-ce que dans le futur tu te vois retourner à Madagascar ?

Honnêtement pour y habiter je ne sais pas parce que je pense qu’au niveau des opportunités je ne me vois pas y retourner. J’ai envie de me développer ici, fonder une famille pour plus de sécurité et d’opportunités par rapport à l’avenir.

Qui refuserait d’avoir un amour véritable ?

Pourquoi avoir fait le choix du 14 février qui est un jour où on déclare sa flamme pour la sortie de ton projet, alors que ce n’est pas une déclaration d’amour ?

Certes le 14 février on célèbre l’amour, mais il n’y a pas que des amoureux ce jour là. Il y a ceux qui n’ont plus l’amour, il y a ceux qui cherchent et ceux qui s’en foutent complement. Maid pour autant ils doivent voir ce jour comme étant un jour qui célèbre tout le monde sauf eux. Je me suis dit que c’était un très bon moyen avec ce projet de mettre un peu la lumière sur ces gens là.

Finalement le mieux c’est pas l’amour séquentiel ?

(Rire), c’est vrai, mais si on peut l’avoir en soi. Je pense que même ceux qui détestent l’amour, ce sont les gens qui ont juste été trop blessé par celui-ci et n’osent pas revenir dedans. Qui refuserait d’avoir un amour véritable ?

Plus d’infos

Les larmes que je n’ai pas pleurées, le nouvel EP de Shikki est disponible sur toutes les plateformes.

La release party aura lieu le 20 mars prochain à le Nondi à paris.