Une semaine avant de dévoiler son nouvel album Girl(s), on prenait l’apéro avec Rosaway. C’est à cette occasion que le duo nous a accordés un entretien o combien féministe autour de ce nouveau projet. Rencontre !
Est-ce inconsciemment l’histoire de cette voisine qui lors du premier confinement appelait au secours alors qu’elle subissait des violences de la part de son mari qui a motivé Rosaway à réaliser cet opus ? « Ça nous a vraiment marqué, des enfants pleuraient, des portes claquaient, et nous on criait « ne vous inquiétez pas madame, la police arrive »… » détaille Rachel en passant commande dans le café où nous avons rendez-vous, sous le regard attendrit de Stef, assis à sa gauche. Durant notre entretien, c’est elle qui répondra principalement à nos questions dans le but de mettre fin au sexisme à tous les niveaux et dans tous les milieux et réaliser la pleine égalité en droit et en pratique.
Rosaway, c’est la rencontre de deux talentueux artistes issus de deux univers musicaux qu’à priori tout oppose : le classique et le blues. En couple à la scène comme à la vie, Rachel Ombredane et Stephane Avellaneda forment un duo aussi surprenant qu’élégant, adepte d’une pop feel good, porté par la voix suave et puissante de Rachel. Quatre ans après le superbe Dreamer, accueilli avec enthousiasme par la critique où Rosaway était au sommet de sa créativité, le groupe revient sur le devant la scène à l’occasion de la sortie de leur nouveau projet Girl(s). La femme est l’avenir de l’homme écrivait le poète, et des femmes il en est question dans Girl(s). C’est la voix des femmes portées par le timbre chaud et unique de Rachel, qui rend ici hommage à toutes les femmes et surtout à celles qu’on ne voit jamais à travers 10 courtes histoires. De « Wake me up » à « Girl », en passant par « Blues skies », le tandem nous plonge dans l’ambiance des grands albums disco de la fin des années 70, en apportant un touche de modernité.
De la philosophe, essayiste et romancière Simone de Beauvoir, Prix Goncourt pour Les Mandarins et considérée comme une théoricienne majeure du féministe, qu’elle cite en référence en passant par la chanteuse, pianiste et auteure compositrice américaine de soul, jazz et Gospel Aretha Franklin, jusqu’à la chanteuse et actrice américaine Whitney Houston surnommée « la voix », Rosaway se raconte et nous y raconte aussi parce que finalement GIRL(S), c’est une histoire de femmes à partager avec tous les hommes.

Quand on retrace l’histoire de Rosaway, à la base c’était le projet personnel de Rachel ?
Rachel : Rosaway à la base c’est moi, mais depuis on joue en duo. Je viens de la musique classique.
Stef : on vient d’univers différents. Moi je viens du Blues, j’ai été batteur de blues pendant très longtemps. Mes parents, spécialement mon père était/est toujours d’ailleurs guitariste de blues, j’ai baigné dedans très tôt.
Comment on arrive à marier vos deux univers ?
Rachel : En ne se posant pas la question (rire). On a juste eu envie de faire de la musique ensemble et on s’est retrouvés sur un langage commun qui pourrait être qualifié de culture jazz, parce finalement dans le jazz il y a du classique, du blues … on fait partie de cette famille éclectique et on ne s’est jamais posés la question. C’est vrai que maintenant on se pose la question parce que tout le monde nous la pose. Je crois que c’est comme la rencontre de deux personnes, on ne se pose pas toujours la question de où on vient, je pense que ça s’est fait comme ça.
Votre dernier projet c’était Dreamer en 2020 ?
Rachel : Oui c’est ça, le vrai album. Après on a sorti un single qui s’appelle « Midnight », qu’on retrouve d’ailleurs l’album et on a sorti « blues Sky » qu’on retrouve également sur l’album.
Votre nouvel album porte sur un sujet ô combien féministe, qui ne cesse de défrayer la chronique. Pourquoi un tel choix ?
Rachel : parce que je suis une femme (rire) et je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas mal de choses à dire sur le fait d’être une femme, sur le fait de raconter aussi les femmes qui gravitent autour de moi, et même si on commence de plus en plus à parler des femmes, je crois qu’il n’y aura jamais assez de voix pour en parler .
Au départ on ne s’est pas dit qu’on allait faire un album entier sur les femmes. On avait des chansons sur des femmes et à un moment on s’est dit qu’on allait faire un fil conducteur comme un concept album sauf qu’on ne suivrait pas l’histoire d’une femme mais de plusieurs femmes qui pourraient être une seule. Une mais multiple.
Stef : c’est vrai que c’est un sujet qu’on avait déjà abordés, « Work » c’est sur les femmes sdf, en l’occurrence on avait une en bas de chez nous.
J’imagine que le choix de la date du 8 mars n’est pas anodin ?
Rachel : Évidemment ! Mais c’est quand même un concours de bonnes circonstances parce que quand on est dans un label, les sorties se font généralement le vendredi et il se trouvait que le 8 mars est un vendredi.
Stef : ça tombait aussi pile poile par rapport à notre enregistrement. On sait quand même que la composition et l’enregistrement ça prend des mois et des mois. Et le fait que tout soit prêt à temps et que ça puisse sortir le 8 mars, c’est quand même fou. Je n’y croyait pas trop.
Votre dernier single « Wake me up » traite des violences faites aux femmes. Est-ce que c’est quelque chose que tu as personnellement vécue Rachel ?
Rachel : Je n’ai pas d’histoire personnelle, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes et ça fait que forcément il y a des femmes qui sont victimes de violences autour de moi sans que je ne le sache. Le premier chiffre qui m’avait vraiment marqué c’est les enfants victimes d’incestes parce qu’il y’a 1 enfant sur 10 qui en est victime. J’ai fait le calcul et je me suis dit que dans ma classe j’en avais au moins deux à trois enfants qui étaient victimes sans le savoir. Les violences faites aux femmes c’est à peu près les mêmes chiffres voir plus. Je me suis dit autour de moi, j’ai beaucoup de violences qu’elles soient physiques ou psychologiques. Je me suis dit que finement on en sera jamais trop à en parler parce même si il y a le mouvement « mee too », et je trouve ça bien qu’on ai les chiffres des feminicides, mais finalement les chiffres ne décroissent pas et je me dit qu’il y a encore un long chemin à faire.
En tant que femme, on a besoin de s’affirmer et pas de s’excuser…
Rachel
Le titre « Girl » démarre sur un ton fort qui ne laisse aucune place à la contradiction…
Rachel : En plus il commence par un cri parce que je crois que en tant que femme on a besoin de s’affirmer et pas s’excuser d’être une femme. Et la c’est un cas particulier parce que c’est une chanson sur la transsexualité, mais pas que, c’est sur l’affirmation de soi, l’acception de soi et l’acceptation de soi par les autres et le fait de l’affirmer sans peur. C’est une espèce de reprise de pouvoir sur son identité.
Pourquoi le (s) dans le titre de l’album ?
Rachel : Parce que souvent, d’ailleurs le premier nom de la journée internationale des droits des femmes c’était la journée de la femme. Des sociologues ce sont penchés sur la question et en on conclus que la femme ça voudrait dire que c’est un groupe homogène or les femmes ne sont pas un groupe homogène. C’est donc devenue la journée des femmes et puis après la journée internationale du droit de femmes, parce que c’était vraiment les droits des femmes. C’était pour reprendre cette idée à la fois d’un tout avec du particulier dedans donc « Girls » parce qu’à la fois on fait partie de la femme comme on fait partie de l’homme avec un grand H, et en même temps c’est toutes ses petites particularités qui font qu’on n’est pas un groupe complément homogène et que chacun a son identité propre dans une identité féminine. Finalement le grand groupe c’est girl et qu’on existe aussi par le (S).
« Simplement Moi » c’est toi Rachel ?
Rachel : on ne peut rien vous cacher.
Tu t’adresses à la femme que tu es devenue ou à quelqu’un d’autre ?
Rachel : Non, je m’adresse vraiment à quelqu’un. Je l’ai écrit sur mon métissage à moi et on peut s’y identifier.
Parce que à un moment tu dis « pourquoi le blanc serait roi ? »
Rachel : En tant que femme métisse, on me projette toujours des identités qu’elles soient blanches ou noires. Je trouve que c’est une identité qui est, je ne vais pas allée jusqu’à « bafouée », mais un peu. C’est à dire que d’un coup c’est une identité qui n’existe pas. C’est un truc que je ne comprends pas parce que je ne me retrouve pas dans une identité blanche, ni une identité noire. Le début « tu m’espérais couleur de nuit » ça c’est plus parce que ma mère espérait que je sois plus foncée et j’ai les cheveux bouclés. Quand je suis sorti j’étais très très blanche.

On retrouve un seul duo sur le disque et c’est avec un homme noir…
Rachel : (Rire) déjà la couleur ne s’est pas posée (rire)… finalement ça permet de rebondir sur le métissage parce que Rosaway c’est un projet métissé depuis le début, on avait cette réflexion hier et je me disais que j’ai tout fait différemment depuis que je suis née. J’ai grandi sans avoir de modèle à la télé ou au cinéma, il n y avait personne qui me ressemblait, en plus j’ai choisi la flûte traversière, j’aurai du faire de la guitare pour être une rock star… je faisais de la musique classique ou il n’y a pas beaucoup de noirs, on fait une musique qui n’est pas vraiment du jazz, si j’avais fait du jazz c’était bon, mais quand on fait de la pop on vient sur un truc un peu plus glissant et en plus on a décidé de faire flûte batterie ce qui est un mélange improbable. Finalement on a demandé à Shaun Martin d’intervenir sur notre album parce qu’on aime tous ses trucs multi genres et il se trouve que c’est l’un des plus grands dans ce domaine. C’est un groupe à géométrie variable, ce que ce qu’ils apportent dans la musique est hyper intéressant et maintenant ils sont considérés comme des maîtres, mais ils ont galérés aussi. Avoir une figure de ce groupe avec nous c’était incroyable.
Comment s’est fait la connexion entre vous ?
Rachel : Il se trouve que son projet solo est dans le même label que nous, on y est allé au culot, on lui a juste envoyé un mail en disant qu’on sort une chanson qui est une reprise d’un standard du jazz, on a rajouté du français pour une question de métissage, est ce que tu veux jouer dessus et il a dit oui tout de suite.
La composition des titres se passent comment entre vous ?
Rachel : On n’écrit pas du tout de la même manière. Moi j’écris par contrainte, c’est à dire que je vais me dire que je veux écrire dans tel style, je veux écrire sur ce thème précis… alors que Stef lui il a la musique qui lui vient directement. Du coup on croise les deux façons de penser et ça fait des « chocapic » (rires).
Stef : ce qui est drôle c’est que parfois on se croise et parfois pas. Par exemple je vais proposer une idée à Rachel et par miracle il y a un seul petit truc qu’elle aime bien. Un truc que j’ai commencé à composer va devenir complément son idée que finalement je vais arranger.
Rachel: par contre on s’inspire quand même beaucoup du contexte littéraire et on vient coller la musique dessus.
Au départ on était vraiment très instrumentistes finalement les paroles et les thèmes étaient vraiment un prétexte alors que maintenant le contexte littéraire va être vachement plus important et on vraiment essayé d’avoir la musique qui vient coller là-dessus. C’est à ce niveau qu’on a évolué en terme de songwriting.
On en sait pas quel genre de musique on fait, mais on ne fait pas de la musique cool. J’ai toujours été impressionné par ses femmes qui arrivent à danser toute seule sur la piste de danse et en même temps il y a ce côté gênant de trop de libertés, je me dis que je en serai jamais capable de faire ça et quelque part ça me gêne que quelque un soit capable de faire ça et que je ne sache pas le faire.
À l’image de cet album qui parle de femmes, est-ce qu’il y a des femmes qui vous inspirent au quotidien ?
Rachel : on a pensé notamment à Whitney Houston parce qu’on est fan, il se trouve qu’au début de l’été on a vu le biopic. Il y en a eu plein finalement dans le monde de la musique de ses femmes qui ont été plus que des chanteuses, des icônes de la musique et de vie. Aretha Franklin qui a été violé et a eu un enfant à 11 ans et n’a jamais dit de qui il était, elle en a eu un autre à 13 ans. Et ces femmes qui étaient à la fois des porte voix de ses femmes qui en même temps ont eu une part d’elle qui était complètement sous emprise. Il y’en a pas mal de femmes comme ça et puis il y’a des grandes figures comme Simone de Beauvoir et puis en ce moment il y a des femmes qui me viennent à l’esprit comme Judith Godrèche… bref toutes ces femmes qui d’un coup incarnent une société et un nouveau chapitre en faisant le lien entre l’ancien et un nouveau chapitre.
Là tu viens de citer Judith, est ce que en tant que femme, tu penses comme Judith que certaines femmes parlent et on ne les entend pas ?
Rachel : oui, je pense qu’il y a beaucoup de femmes qui parlent et qu’on entend pas. Je pense qu’on entend d’une façon générale pas assez les femmes. On les entend on ne les écoute pas. Il n’y a que les femmes qui s’en rendent comptent. Je pense que ça va aller mieux grâce notamment à ces femmes là. La paroles des femmes n’est pas assez écoutées parce qu’elles ont toujours à dire.
Est-ce que toi à ton niveau dans le monde de la musique tu te sens écoutée ?
Rachel : je me sens parfois écoutée parfois pas du tout. J’ai l’impression qu’il faut que je parle plus fort quand même, mais c’est pas forcément bien vu de parler plus fort qu’un homme. C’est vrai qu’un homme qui parle fort il a du charisme, une femme qui parle fort c’est une grande gueule.
Couple à la vie et sur scène, comment on arrive à faire la part des choses quand on est tout le temps ensemble ?
Rachel : ce n’est pas évident, après c’est une forme de résilience aussi. Il faut faire la part des choses, quand c’est du travail on le fait. C’est vrai que dans nos métiers qui sont des métiers passions, il y a le mot passion, parfois ça clash, parfois il y’a beaucoup de sentiments qui rentre en jeu et parfois la frontière est hyper perméable. c’est une énorme force d’être un couple à la vie et à la scène parce qu’il y a ce truc d’une extrême confiance d’être certaine que l’autre veut le bien de l’autre. Parfois ça ne marche pas, parfois on ne prend pas de bonne décisions mais on sait que la décision qui a été prise au départ était en toute bienveillance. C’est aussi une force de se connaître par cœur et de pouvoir se sentir sans se parler.
Vous arrivez à vivre de votre projet ?
Rachel : oui, on est tous les deux intermittents, on vit du projet depuis 2021. Ce n’est pas tous les jours facile, ça demande beaucoup de travail, mais on peut dire maintenant qu’on vit du projet.

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