Nouveau venu dans le paysage musical français avec un premier EP autobiographique en bandoulière, Siyé s’illustre par une plume qu’il met au service d’un univers qui se veut intime. Rencontre avec un talent émergent à surveiller de près.
« Sur ce premier projet j’avais besoin de trouver un moyen de sortir tout ce que j’avais en moi. Ça m’a fait vraiment du bien de les coucher sur une feuille et d’en faire un truc joli. J’avais une écriture très personnelle axée sur moi, mais je n’écris pas que sur moi… » lâche comme une évidence Siyé, sourire en coin, tout en sirotant son coca à la terrasse du café où nous avons rendez-vous en fin d’après-midi ce mardi 2 avril. Sa sensibilité, son émotivité excessive, ainsi que sa rêverie, voire sa naïveté, en font une personne fleur bleue qu’on a pris plaisir à découvrir tout au long de cet entretien. Des traits de caractère qu’il n’aura aucune honte à souligner, agrémenté de longs rires sans fausse modestie, dont on entend encore les retentissements.
Le chanteur de 32 ans, qui vient de publier son premier album Amour Béton, semble faire sienne la citation de Camus disant « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde… ». En choisissant d’aborder le thème de l’amour par le prisme des relations amoureuses, Siyé nous entraîne sur un terrain escarpé dont il maîtrise les dangers. « Je n’ai pas vraiment choisi de parler d’amour… Je dirais que c’est l’amour, mais pas forcément celui d’un amoureux. Pour moi l’amour à plein de facettes, amical, fraternel, évanescent… C’est un peu la base, c’est pourquoi j’en parle beaucoup, même si je ne parle pas que de ça. » Très solaire comme le titre d’ouverture de son nouveau projet, il fera également preuve d’une extrême sincérité tout au long de cet entretien.
À cœur ouvert
Siyé est l’ater ego de Johan, le petit qui n’était pas prêt d’aimer un garçon lorsque adolescent survint le premier amour. C’est la confession qu’il fait dans le titte éponyme « Amour béton », une chanson très personnelle sous forme de déclaration d’amour au petit garçon qu’il était et qui s’assume désormais. Son enfance bercé par le choix musicaux de ses parents n’y est sûrement pas étranger. « je viens d’une famille de mélomane, mon père faisait de la guitare, ma mère écoutait du Dombolo. Depuis tout petit je chante, à l’adolescence c’est resté… »
Sous sa plume d’adolescent, il s’épanche sans réfléchir, un peu inconsciemment en mode cahier intime. Mais plus tard, il devra bien s’y résoudre. Son boulot qui consistait à être en relation avec les artistes et les accompagner en concerts, le motivera encore plus dans cette direction. « Je ne pensais pas chanter mes chansons plus tard. J’ai vraiment commencé à écrire en 2019, après avoir quitté le label dans lequel je bossais… ». Une rencontre a été déterminante pour donner naissance à Amour Béton, celle de son producteur Saint-Louie en 2020 « il a compris l’univers dans lequel je voulais évoluer et a réussi à traduire toutes mes références pour en faire quelque chose qui me ressemble beaucoup… »
À la manière d’un Baudelaire dans Les fleurs du mal, Siyé parle de sentiments sous emprise en mariant « Violence & poésie » dans cette chanson conçue comme une plainte. « J’aime bien les contrastes, ça permet de créer des choses interessantes. Cette chanson est née d’une relation tellement intense avec un mec, qui d’un autre côté comportait également des moments de violences. Je ne comprenais pas pourquoi on arrivait pas à dépasser cette opposition et trouver plus le côté amour. Ça ne m’était jamais arrivé d’avoir cette dichotomie dans une relation. »
Jamais sans l’amour
La solitude est une bataille que même les artistes doivent mener seuls. Surtout quand ils sont confrontés à la disparition d’un être cher. A travers « Anne-marie », Siyé rend hommage à une amie qui, minée par les problèmes de drogue, a décidé de mettre fin à ses jours. « Ça été un choc pour nous sa bande d’amis et on n’a pas su faire le deuil ensemble, mais chacun a du gérer cela individuellement… C’était son choix, mais ça m’a laissé un peu sans voix et j’ai voulu mettre ça en musique… »
« L’enfer c’est les autres » disait Jean-Paul Sartre, « mais le paradis aussi » lui répond Siyé pour qui on ne parle pas assez des déceptions amicales comme des déceptions amoureuses « Je me suis rendu compte que les ruptures amicales peuvent être violentes. » Laisse-t-il pour autant tomber l’amour ? En l’air comme perdu dans le cloud, il lui arrive aussi de considérer l’amour comme un jeu, ou le sexe prend toute sa place. « C’est tellement facile de passer à autre chose que les gens ne prennent plus le temps de s’arrêter. Nous sommes dans la consommation immédiate. »
Siyé semble nous inviter dans un univers dont il ne connaît pas encore toute la porté même s’il porte le rnb en lui comme un héritage « Tant mieux que ma musique ne soit pas complément définie, ça veut dire que j’ai plein de possibilités qui s’offrent à moi pour la suite…. » La suite justement il la voit comme un « Clair de lune » à la fois très dansant et très sensuel dans un langage cru comme pour répondre inconsciemment à un jeu de séduction. Comment s’en sortir quand on est fatigué de courir après l’amour ? « J’ai tellement galéré pour avoir des relations stables. Je parle du champs des possibles, c’est le multivers de l’amour… »
Plus d’infos
Après son concert à La Caserne à Paris le 21 mars dernier devant 250 personnes, Siyé prévoit d’autres dates à venir.
