Six jours de concerts non stop, voilà ce que promettait l’affiche de la 30e édition du Sziget, qui s’est déroulée du 7 au 12 août en rassemblant près d’une centaine de nationalités autour de plus de 1000 shows répartis sur sa cinquantaine de scène. Retour sur cette édition anniversaire sur l’île de la liberté
Premier festival à ciel ouvert d’Europe, qui accueille chaque année près de 500.000 festivaliers d’une centaine de nationalités, le festival Sziget célébrait à l’occasion de cette édition 2024, son 30e anniversaire, qui s’est achevée le dimanche 12 août par le concert grandiose du DJ et producteur de musique pop électro, Fred Again. Depuis 30 ans, le plus grand festival de musique et d’art vivant en Europe investit l’île d’où il tire son nom sur le Danube, appelé aussi « l’île de la liberté », pour six jours de fête non stop. « Nous voulions célébrer nos 30 premières années d’existence par une édition spectaculaire, vibrante et inclusive, et à en croire les retours, il semblerait que ce soit une réussite », a déclaré Tamás Kádár, principal organisateur du festival.
Avec une moyenne de 60 à 70.000 festivaliers durant six jours, l’île de la liberté a vécu au rythme de ce qui fait son originalité : un monde parallèle de bienveillance où tout n’est que amour, acceptation et liberté. Ici, plusieurs cultures et nationalités coexistent, presque coupées du monde, et dans une ambiance très festive autour de plus de 1000 shows sur sa cinquantaine de scènes, où tous les genres étaient représentés. Le « Woodstock Européen » comme l’on surnommé certains, qui n’est financé ni par l’état ni par la ville de Budapest, peut compter sur les recettes de sa billetterie qui couvre 84% de son budget. C’est ainsi qu’il est devenu au fil des années le paradis des amoureux de musique en tout genre, et de l’esprit « Peace and love ».
Sur cette « Island of freedom« , tout a été mis en place pour offrir aux festivaliers, une safe place loin des nouvelles de plus en dramatiques. Une île sur laquelle on a du mal à se retrouver le premier jour, depuis le K-Bridge, le pont qui mène à l’île, et sur lequel flotte les drapeaux du festival avec l’inscription « Sziget Island of freedom« , en passant par l’allée principale pavoisée de drapeaux de plusieurs pays, les spectacles de rues, les différents campings qui se trouvent tous à l’intérieur du site, les restaurants, les bars et la foule. Une marrée humaine impressionnante au milieu de laquelle il a fallu vivre durant six jours et six nuits endiablés, surtout avec des scènes électro comme la Bolt Party Arena et le Yettel Colosseum, qui proposait des raves jusqu’au petit matin.
Parce qu’ils ont aussi prôné l’amour en tête d’affiche
Kylie Minogue, dix ans plus tard et pas une ride. Devant l’immense fosse de la grande scène qui peut accueillir jusqu’à 75.000 personnes, le public s’impatiente. Certains sont arrivés à l’ouverture du site à 9h et campent devant cette majestueuse scène depuis le début des concerts à 16h, lancé par le groupe pop hongrois Margaret Island. Mais celle qui est programmée en clôture de cette même scène, et que la foule, venue des quatre coins du globe, attend telle une reine, n’est autre que la superstar australienne, Kylie Minogue. Et ça ne va pas louper. Précédée de ses talentueux musiciens et danseurs, la prêtresse de la pop a fait son apparition sur scène dans un pancho noire et jambières de la même couleur. Nichée au dernier niveau d’un décor en forme d’escalier d’honneur, micro dans la main droite, elle lancera toute de suite les hostilités. « Are you ready to sing with me ? » demande-t-elle à la foule. Une question rhétorique, puisque le public n’a pas attendu qu’elle pose la question, il le fait depuis le départ.
« Contente de vous entendre (…) ce qui est fou c’est que j’étais excitée d’être là et maintenant me voici devant vous. Il y a 10 ans j’étais ici, merci de m’inviter à nouveau. ». Quelques minutes plus tard, elle adressera un « Thank you » à une fan qui lui offre une peluche. Mais on a du filer avant la fin pour être aux premières loges du concert de nos valeureux représentants du groupe l’Impératrice, qui se produisait quinze minutes après Kylie. En quittant cette marée humaine, on passe devant plusieurs personnes, tapis dans l’herbe et à l’abris de l’excitation de la foule, qui ont préféré suivre le show à travers les écrans géants.
Sam Smith, mythique. Est-ce que en s’adressant au public avec une petit larme, Sam Smith pense-t-il aux droits des personnes LGBTQIA+ de plus en plus bafoués en Hongrie ? Lui qui voulait venir à Budapest depuis sa tendre enfance, fait preuve de courtoisie en remerciant le public de l’accueillir au Sziget et de faire partir de son aventure. De sa voix unique, le chanteur qui célèbre cette année les dix ans de son premier album à succès In the lonely hour, revisitera plusieurs des tubes de ce dernier comme « Stay with me » ou encore « I’m Not The Only One« . Le show touchant à sa fin, la pop star est revenue sur scène dans une robe bustier noire pour des adieux très touchant. « We love you so much, but now sing this song », avant l’apothéose sur « Unholy« , extrait de son dernier album Gloria sorti en janvier 2023 et qu’il défend actuellement à travers le monde.
Aurora, un rayon de soleil en pleine nuit sur l’île. À l’affiche du 2e jour du Sziget festival, la norvégienne de 28 ans, Aurora a créé la surprise pour sa première venue, en fédérant, sous un chapiteau plein à craquer, un public qui a eu du mal à lui dire adieu. Deux mois après la sortie de son 4e album What happened to the heart ? L’artiste est venue présenter quelques extraits au public du Sziget. Influencée par Léonard Cohen et Bob Dylan, qu’elle cite en référence, avec ce timbre de voix mainte fois comparé à celui de la chanteuse islandaise Björk, elle sera l’éclat de cette 2e soirée en envoûtant le public avec ses mélodies. Arrivée sobrement pieds nus sur scène dans une longue robe rouge, elle ne se départira jamais de son sourire et de ses petites mimiques.
« If the world don’t understand you, who care ? You are perfect and we are perfect… », lance-telle avant de federer autour de « The Seed », qu’elle interprète divinement bien. Alors que tout le monde s’attendait à un rappel sur son tube « Runaway » sorti en 2015, la jeune scandinave ne reviendra pas sur scène, douchant ainsi les espoirs d’un chapiteau qui avait du mal à admettre, que ce soit déjà la fin de cette parenthèse très enchantée.
Louis Tomlinson, sur la route des festivals. De son propre aveux, les festivals sont une nouveauté pour Louis Tomlinson, qui se produisait sur la Main stage du Sziget samedi 10 août en fin d’après-midi. Arrivé sur scène au rythme de « The greatest« , dans un Marcel jaune, pantalon noir, basket aux pieds et lunette de soleil au visage, il n’en fallait pas plus au britannique, pour mettre la foule en transe. Même s’il n’est pas souvent allé en festivals, l’artiste souligne le côté imprévisible de ces événements inclusifs où règne tolérance et amour. En convoquant « Night changes » ou « Drag me down », Louis a ramené le public à ses années One Direction, avec l’assurance que cela déchaînera les fans. Des fans au soutien inconditionnel sur lequel la pop star anglaise peut compter, dont certains téméraires qui campaient devant la grande scène depuis le début de la matinée.
Parce que c’était aussi la France
La France était représentée au Sziget cette année par de valeureux ambassadeurs à l’image de l’Impératrice, dont on vous a fait un compte rendu le lendemain de leur prestation. Le premier soir également, le rappeur Zola a fait honneur au rap français, en embarquant un public composé pour la majorité de « Belles femmes », dans son univers. Dimanche soir à l’heure du dîner, c’est NTO qui régalait tout le monde avec un live survolté qui n’avait rien d’Invisible.
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Mais c’est Chéri, le gagnant français du tremplin Sziget, qui accueille chaque année les artistes émergents et leur offre une exposition internationale, qui a retenu toute notre attention. Après Yamê en 2023, il était programmé le jeudi 8 août sur la scène ibis X All presents The Buzz, où il était impossible de le rater avec l’inscription en grands caractères « But who the fuck is Cheri ?« . Le français, qui a pu compter sur la présence de ses compatriotes venus en nombre le soutenir et surtout entendre ce qu’il avait dans les tripes, a distillé sa Cheripop bien matinée dans l’assistance. Avant de repartir pour d’autres cieux avec son Vilaine Garçon Tour, il a presque été envahi par un « Torrents de larmes », qu’il a fallu ravaler pour peut-être éviter le « Karma » qu’il chante en duo avec Chilla dans son single sorti en 2023.
Parce qu’ils nous ont aussi fait vibrer
L’ancien leader du groupe Oasis, Liam Gallagher, était l’une des principales têtes d’affiche du Sziget le vendredi 9 août dernier. C’est dans le cadre de la tournée Definitely Maybe 30 years, qui célèbre l’anniversaire de la sortie du premier album de son ancien groupe en 1994, que le britannique a fait un stop sur l’île de la liberté. C’est ainsi que le public a eu droit aux classiques comme « Live forever », ou encore « Rock’n’ roll star » extrait de l’album en question, dont il a interprété pratiquement tous les titres et quelques faces B de l’époque de leur début.
En fin d’après-midi le samedi, c’est un autre Britannique en la personne du rappeur Stormzy, l’une des têtes d’affiche du jour, qui a suscité notre curiosité sur la grande scène. Le londonien qui n’en avait cure que le public sache qui il est ou aime sa musique, a ramené dans ses affaires son 3e album This is what I mean, a donné tout ce qu’il avait dans les tripes afin de susciter l’intérêt d’une foule parfois absente. Mais c’était sans compter sur la ténacité de l’auteur de « Shut up », qui avait déjà prouvé lors de son dernier passage en 2018, qu’il n’est pas un novice.
Alors qu’il avait dosé son entrée sur scène en enchaînant les hits derrière ses platines, le Dj superstar Martin Garrix a eu quelques frayeurs en milieu de prestation où il a fallu gérer une panne de courant durant cinq minutes. Mais plus de peur que de mal, puisque le show autant visuel que sonore, a pu se poursuivre, avec pour apothéose un beau feu d’artifice. Ou quand Martin Garrix est plus fort que la panne. Le vendredi 9 août en fin de soirée sur la Revolut Stage, c’est l’américain Teezo Touchdown, qui déversait une dose de fraîcheur sur le public sans jamais lâcher son micro orné de fleurs fraîches. Quant à Meute, il a bufflé tout le monde avec sa fanfare techno le jeudi. De leur côté, les irlandais de Fontaines D.C. n’étaient pas en reste le dimanche soir. Les dublinois qui se sont imposés comme l’un des groupes très engagés de cette édition. Et enfin, en dandy anglais qui se respecte, Warhaus, a offert un moment hypnotique au public.
Parce que sur l’île de la liberté aussi, l’amour c’est l’amour
Qui dit « Île de la liberté », dit tolérance et ouverture sur le monde avec comme objectif les droits et la visibilité des personnes LGBTQ+. Au Sziget, nous avons vécu des moments inoubliables, en particulier au Magic Mirror, l’espace dédié à la communauté LGBTQIA+ qui soufflait sur ses 21 bougies et où alterne débats, comédies, drag show et soirées festives très colorées. Dans un pays où le gouvernement conservateur a adopté des lois restreignant l’égalité des droits avec l’interdiction du mariage gay ou la non reconnaissance juridique des personnes trans, le Sziget a toujours défendu les droits de l’homme, et en particulier des personnes LGBTQIA+ marginalisées, à qui il offre une sorte de « safe place » avec sa scène Magic Mirror. Tout ce que le pouvoir en place exècre.
En forme de chapiteau haut de gamme et situé non loin de l’entrée principale, Magic Mirror a reçu cette année le gagnant de Drag Race UK Danny Beard, et son groupe pour une résidence de six jours. En journée les festivaliers avaient droit à des ateliers de mode, des tables rondes dans le cadre de Mirror talks, où les sujets plaisirs sujets étaient abordés parmi lesquels la drogue, les rapports sexuels ou encore la pornographie. Le show n’était pas en reste avec des performances de drag queens à l’image du brunch musical du Queens Brunch Vienna, animé durant trois jours par l’activiste gay Stéphane Magloire. De leur côté, Drag of anarchy était chargé d’enflammer les nuits avec des soirées cabarets très prisées par les noctambules.
Avant de se donner rendez-vous du 6 au 11 août 2025 pour la 31e édition, nous concluons ce reportage sur le Sziget avec les mots de son responsable Tamás Kádár, « Il y a plus de 30 ans, nous avions un rêve : un endroit où nous pourrions être ensemble pendant une semaine, où chacun·e pourrait faire l’expérience de la liberté, de l’ambiance, du « rythme » qu’un festival peut proposer, où différents styles, activités et cultures peuvent coexister. Le Sziget est rapidement devenu un symbole. »
