Retour sur notre rencontre avec Lakna qui nous a accordé quelques minutes pour en savoir plus sur ses projets, en marge de la 47e édition Paléo festival à Nyon, où elle était programmée pour la première fois.
En ce dernier week-end du mois de juillet à Nyon en Suisse, une vague de chaleur règne en maître sur la plaine de lasse, le site où le Paléo festival prend ses quartiers chaque année. Pour sa 47e édition qui s’est déroulée du 22 au 27 juillet 2024, l’affiche était alléchante avec des poids lourds internationaux, qui côtoyaient des artistes émergents. Dans cet écrin de diversité qu’offrait la programmation du plus célèbre des festivals de musique généralistes en Suisse, on retrouvait la jeune prodige Lakna. C’est d’ailleurs avec cette Suisso-Burkinabée originaire de Lausanne, que nous avions rendez-vous le samedi 27 juillet dernier, une heure après son passage sur la scène du Club Tent, où elle a livré une prestation à la fois prenante et fédératrice.
Ayant servi de tremplin à plusieurs artistes, l’exposition qu’offre le paléo est immense, un rêve éveillé que l’artiste, submergée par une vague d’émotions dès sa sortie de scène, a eu du mal à réaliser en tombant dans les bras de ses équipes. Si Lakna en est arrivée jusque là aujourd’hui, c’est à force de travail et d’abnégation. Son r&b teinté de neo soûl a su séduire les amoureux de ce style de musique et bien au-delà. Avec deux albums à son actif et plusieurs EP dont le dernier en date UTC-0, un projet introspectif au titre faisant référence à ses origines Burkinabés. Elle Y aborde les thèmes du métissage « Lait de coco », de sa double culture « San écran », ou encore des adeptes de fétichisme « Tetris ». Des sujets sur lesquels l’artiste qui vit désormais à paris, a bien voulu revenir pour nous pendant un entretien furtif durant lequel elle ne se séparera jamais de son ventilateur portatif, signe de la chaleur oppressante qu’il faisait cet après-midi là.
Comment commencer cette interview sans te demander qu’est-ce que ça te fait de jouer au paléo pour le première fois ?
Lakna : Pour moi c’est incroyable, quand tu commences la musique ici, le Montreux jazz ou le Paléo, c’est un rêve, mais un rêve qui est presque in atteignable. Quand on l’atteint c’est ouf. Quand je suis sorti de scène je pleurais, mon copain a pleuré, mon booker a pleuré, mon manager a pleuré, on a tous pleuré.
Par rapport à ton concert à paris, est-ce c’était aussi le pied ?
Lakna : franchement j’ai adorée. À paris ce qui m’a choqué, c’est que je ne venais pas de là et il y avait une foule de gens, et même des gens assis par terre, c’est pas vraiment beaucoup, mais pour moi c’est énorme. Je me suis sentie validée quand je suis arrivée à paris, par à rapport à ici en Suisse, dans la mixité il y a peu de gens parce que c’est un petit pays. À paris j’ai sentie que c’était une plus grande ville avec plus de mixité et les gens étaient plus en phase avec ce que je proposais.
Les émotions en forme de Tsunami énoncées dans ton dernier album sorti en mars 2023, sont-elles toujours d’actualité ?
Elles sont toujours d’actualité… je suis une personne instance, qui a parfois l’impression qu’on cherche à l’enfermer dans une petite boîte et ne doit son salut qu’à la scène. C’est sur la scène que je peux vraiment m’épanouir. Ça, ça ne va pas changer, ça ne va pas changer du tout.
Ton nouvel EP s’intitule UDC-0, faut-il y voir une signification particulière ?
C’est le fuseau horaire du Burkina Faso.
Une référence à tes origines …
Oui. Je voulais faire un double EP, (Il y a l’autre partie qui va sortir) où je voulais montrer un peu les deux faces de la mixité. J’ai voulu aller dans quelque chose de profond, un peu très hard, j’avais besoin de prouver ça. Parce que parfois, quand vous êtes une femme et que vous produisez des sons pour que les gens bougent, ils vous disent : « Vous n’êtes pas vraiment une artiste… » Ensuite, j’ai voulu revenir sur un plan plus chaud, avec les sonorités qui viennent du Burkina. Et là, pour l’autre partie, elle prendra le nom du fuseau horaire de la Suisse, parce que j’ai envie qu’il ait tout le temps les deux faces.
À qui t’adresses-tu dans « Depuis que t’es plus là », le dernier titre du EP qui parle de la mort ?
Hein… je te préviens que c’est glauque. Je me suis imaginée (parce que je suis quelqu’un de très anxieuse et je pense tout le temps que les gens vont mourrir) confronter cette peur de voir les gens mourir par l’écriture d’une chanson qui parlerait de ce que je ressentirais une fois que quelqu’un aurait été tué. J’ai été inspiré par la « Rua Madureira« , de Nino Ferrer, où il raconte toutes les histoires qui se passent dans le passé etc, et à la fin, vous comprenez qu’il n’a jamais vécu cela, mais il raconte comme s’il avait vraiment perdu quelqu’un là-bas …
Est-ce que tu es une personne plutôt solo, pour faire référence à l’un de tes titres ?
Oui sans hésitation (rires). Même si je peux paraître très extravertie au premier abord, je me définis plutôt comme une personne « Solo« . Je suis quelqu’un qui ne sort pas beaucoup, j’ai toujours envie d’être seule, je ne sais pas pourquoi. Je pense que c’est en rapport avec mes émotions, je suis vite accaparée par tout ce qui se passe autour et pour me ressourcer j’ai besoin d’être dans le noir complet dans ma chambre, par exemple.
Dans « Lait de coco » featuring KT Gorique, tu n’y vas pas de main morte en déclarant notamment « J’mets pas de lait de peau, je ne mets que du lait de coco, ça cache tous mes défauts, car ma peau marque les bobos… »
Pour moi, c’était une référence à la peau avec la mélanine parce que nous avons une chose liée avec les cicatrices qui marquent très vite, et pour moi, ce sont aussi des cicatrices d’un passé. Pour moi grandir en suisse c’est comme si j’avais une cicatrice de ne pas venir d’un milieu aisé, de ne pas être blanche. C’est comme si je devais me gommer pour rentrer dans le moule.
Tu as fait des feat avec plusieurs artistes comme le dernier qui en date, comment s’est fait la connexion ?
Là c’était vraiment grâce à mamanageuse, Ama. On s’est dit, on va aller au Ghana. Parce que moi je viens du Burkina Faso, mais elle vient du Ghana, c’est aussi une femme métisse. C’est un pays limitrophe du Burkina Faso, mais la situation au Burkina faisait que moi je pouvais y aller, mais pas mon équipe. On s’est dit on va au Ghana, en plus il y a toute cette mouvance avec le Nigeria, l’Afrique du Sud… on s’est dit on va vraiment là-bas pour rencontrer des gens. Et ce qu’elle a fait, elle a recherché sur Wikipedia les meilleurs producteurs ghanéens, et je travaillé avec le top du top. Il avait remporté les African Music Awards. Et c’était juste par un contact sur Instagram.
Est-ce que en tant que femme, tu te sens à ta place dans le milieu un peu hard de la musique ?
Je me sens à ma place, mais je suis vraiment consciente que ce que je fais en 48 étapes, d’autres le font en une étape, et je le vois tout le temps et du coup ça me rend folle. J’en parle parce que c’est important, sinon je n’en tiendrais même pas compte.
Quand est-ce qu’il sera disponible le nouvel EP ?
Il sort un peu en pointillé, parce que je voulais que ça s’étale sur la durée. J’avais déjà sorti « Refresh & Restart« , « San Pe » featuring Chayuta, et j’ai une autre chanson qui sortira plus tard avec une artiste canadienne.
