Jeune artiste belge émergente, Leea trace sa route telle une grande en explorant les facteurs qui influencent notre conception de l’amour et les maux qui y sont associés. Rencontre avec une artiste à la mélancolie douce et aux mélodies envoûtantes !

Avec trois titres à son actif, dont le dernier en date, Fin de l’été, Leea explore les histoires d’amour de notre génération, souvent complexes et multiples, influencées par des défis propres à notre époque. Elle se lance dans une quête de sens et de complétude personnelle qui devient d’autant plus difficile dans un monde où l’individualisme est fréquemment valorisé.

Avec Leea, la recherche de l’autre semble parfois être aussi une recherche de soi, ce qui complique la construction de relations équilibrées. En marge du MaMA Music & Convention qui s’est déroulé à Paris du 16 au 18 octobre dernier, nous avons rencontré cette artiste, qui se définit de prime abord comme « indécise », mais dont l’univers musical redonne vie à l’émotion.

Quel a été ton parcours jusqu’à présent ?

Leea : J’ai 22 ans, j’ai vécu à Liège et à Avalon, dans le sud de la Belgique. J’ai commencé des cours de solfège là-bas, parce qu’une amie en faisait, et je ne connaissais pas du tout ; j’ai trouvé ça génial. Ensuite, mes parents ont déménagé à Liège où j’ai continué le solfège. J’ai aussi pris des cours de piano, puis j’ai rejoint une chorale, qui a été une sorte de révélation. C’était super, j’avais environ 14 ans.

Mes parents ont déménagé de nouveau dans le sud de la Belgique, et j’ai tout arrêté à ce moment-là parce que je savais que je ne retrouverais pas la même dynamique musicale là-bas. J’ai cessé les cours et j’ai commencé à composer et chanter seule. Ensuite, est arrivée la période du Covid, pendant laquelle j’ai écrit mes premières chansons. Un an après, j’ai installé un logiciel de musique et commencé la production. Par la suite, j’ai rencontré un ingénieur du son, OEL Record, avec qui je travaille depuis deux ans. Je lui envoie mes maquettes ; nous allons en studio, enregistrons et coproduisons ensemble. C’est là où j’en suis, et j’adore ça.

Crédit photo : Louis Lepron

Si je comprends bien tu n’as pas grandi dans un environnement familial propice à la musique ?

Pas du tout. C’est mon père qui m’a fait découvrir la musique à l’époque, quand j’avais 8 ans. Il avait une vieille Volkswagen un peu bizarre, orange flashy. Il mettait tout le temps une clé USB, et le seul son qu’on écoutait en boucle, c’était La fièvre de Mtn. Par la suite, j’ai découvert plein d’autres styles musicaux, mais c’est vraiment mon père qui m’a transmis l’amour de la musique. Personne dans ma famille ne fait de musique, donc ça a été assez difficile de leur dire : « Hello, j’ai arrêté mes études », mais ils sont quand même super fiers.

Ton premier titre « J’ai envie de danser » est sorti il y a un an, est-ce que la danse c’est vraiment quelque chose qui te caractérise ?

« J’ai envie de danser », c’est très vague. En fait, je déteste danser, c’est ultra paradoxal, mais c’est ce truc où, dans une relation amoureuse, tu as envie de te lancer vers quelque chose que tu ne connais pas, quelque chose que tu n’oses pas faire. Plonger dans l’amour, c’était un peu ça. C’est une histoire très métaphorique où tu parles d’amour, mais d’une manière différente, avec de la danse et une atmosphère très printanière.

Tu es une personne nostalgique de l’été ?

Je suis de nature nostalgique et ultra mélancolique ; j’aime bien être triste. Il y a Tim Dup qui a sorti une chanson qui s’appelle Mélancolie heureuse, et je trouve que c’est la définition parfaite de ce que je suis et de ce que j’aime ressentir.

Alors c’est quoi l’histoire derrière « La fin de l’été » ?

« Fin d’été » a été écrit en deux parties. La première partie, je l’ai écrite quand j’étais encore dans une relation amoureuse ; c’était cette phase de désir, où tu découvres une personne pour la première fois. Deux ans plus tard, j’ai écrit la suite, au moment de la rupture, quand tu te rends compte que tout cela s’est envolé et que l’amour est éphémère. Ensuite, le refrain est venu tout à la fin, quand j’ai essayé de relier ces deux moments de ma vie.

Et tu as réussi à trouver une réponse à la question « comment se dire adieu sans se déchirer ? »

Pas vraiment, je pense qu’il faut laisser les choses suivre leur cours. Ce sont des moments merveilleux, mais ils doivent bien finir un jour, pour devenir des souvenirs. J’aime créer des musiques pour garder ces souvenirs, comme des photos.

Tu es vraiment une personne indécise dans tout ce que tu entreprends comme le laisse entendre ton 2e single dévoilé l’été dernier ?

C’est un enfer (rire). J’ai écrit cette chanson parce que j’étais chez mes grands-parents à la campagne. Quand je suis chez eux, j’ai toujours envie de sortir avec mes potes, et quand je suis avec mes potes, j’ai envie de me retrouver dans le cocon familial avec mes grands-parents. Ma vie, en général, ressemble un peu à ça : chaque fois que je viens à Paris, je prends déjà mon billet retour, mais finalement je décide de rester plus longtemps. Je suis une fille indécise, mélancolique, et peut-être un peu malheureuse.

Toutes tes chansons sont autobiographiques ?

C’est vraiment une manière de parler de mes sentiments, de ce que je ressens. Je commence à écrire seule, dans ma chambre, devant mon piano. J’essaie de tout coucher sur papier, de faire sortir tout ce que j’ai envie d’exprimer. Ensuite, quand j’arrive en studio, on retravaille l’écriture en général et les productions, puisque je produis aussi. Puis, on trie vraiment les idées pour ne garder que le meilleur de tout ça.

Tout à l’heure tu parlais de tes grands-parents et ton dernier clip tu l’as fait en famille, c’est important pour toi d’être entourée de ta famille ?

La famille, c’est super important. J’ai une petite sœur de 7 ans, je l’ai vue grandir, et la famille représente vraiment les personnes vers qui je me tournerai toujours. Dès que j’ai un problème, je sais que ce sont les seules personnes qui pourront vraiment m’aider, me soutenir. Pour le clip de Fin d’été, c’était un soir où je n’étais pas bien, j’étais super triste. Je fumais une clope avec mon père et je lui ai dit : « Ça doit être le moment parfait pour aller tourner ce clip. » Il m’a répondu : « Enfile ta veste et on y va. » J’ai mis ma veste, et on est partis au bord de l’autoroute, sous la pluie et le vent, pour tout filmer avec un iPhone.

Est-ce que le mode bedroom est quelque chose que tu privilégies ?

J’aime bien cette idée de faire toutes nos petites thérapies en solo dans nos chambres. Je trouve ça tellement cool et relaxant. On est face à soi-même et on crée quelque chose que l’on va partager avec les autres. C’est ultra intime, ultra personnel, et ça fait du bien de l’exprimer. Ensuite, tu te rends compte que beaucoup de gens arrivent à s’y reconnaître, et je trouve ça magnifique.

Comment fais-tu dans tes moments de doutes pour remonter à la surface ?

Je pense qu’il faut parfois que je tombe très bas pour pouvoir ensuite me relever. Évidemment, ma famille est là pour me soutenir. J’ai vraiment besoin d’avoir des moments où je suis seule, où je n’ai pas envie de parler, puis de me rouvrir petit à petit. Je me rends compte alors que la vie est belle, qu’il y a des solutions à tout et que tout peut se régler. À ce moment-là, tout va bien.

Après la fin de l’été, vient l’automne, ensuite l’hiver, quelle est la suite ?

Là, je prépare un EP pour 2025. Nous allons nous diriger vers une direction artistique (DA) un peu plus sombre, avec beaucoup plus de textes, des morceaux plus rapides et des sonorités à la Radiohead. Je veux vraiment que ce soit quelque chose qui soit à moi à 100 %. Je viens de terminer un morceau il y a quelques semaines, et c’est vraiment moi ; il va refléter le plus intime de ma personnalité. Je vais parler de trahison, de doute et de toutes mes peurs, et chaque fois que je les exprime, ça fait du bien. En les réécoutant, cela me permet aussi de comprendre l’état d’esprit dans lequel je me trouve.

En france la pop a le vent en poupe avec des artistes belges comme Angèle ou Pierre De Maere, est-ce que te mettre dans leurs pas te fait rêver ?

Je trouve ça très cool. La pop est un genre ultra écouté, et j’aimerais avoir une audience aussi grande que celle des artistes belges que tu viens de citer. Mais avant tout, je n’ai pas envie de penser à ça ; j’ai envie de me concentrer sur ce que j’aime et sur ce que je suis vraiment. La musique que je fais, je la crée en m’amusant. J’ai envie d’être moi-même et de défendre quelque chose qui me ressemble. Si ça marche, tant mieux ; si ça ne marche pas, j’aurai fait de mon mieux et je me serai éclatée.

Crédit photo : Louis Lepron

Est-ce que tes textes seront toujours autobiographiques ou tu pourras accepter d’interpréter des propositions venant d’autres personnes ?

C’est un super exercice de pouvoir écrire. Comme je te le disais, cela m’aide à comprendre mes problèmes dans ma vie en général. J’adore faire ça, même si je trouve ça très difficile parfois ; c’est un peu se forcer à sortir le meilleur de soi. Après, avec grand plaisir, si je peux coécrire avec quelqu’un ou si une personne m’écrit un texte, ce serait super. Mais pour l’instant, j’ai encore ce besoin de faire un peu de psy avec moi-même et de libérer toutes mes émotions, qu’elles soient belles ou moins belles.

S’il fallait faire un bilan aujourd’hui, est-ce que tu penses vraiment avoir trouvé ta voie avec la musique ?

Je ne sais pas si ça me convient vraiment, mais je ne peux pas faire autre chose. Je vis uniquement pour ça ; je pense à la musique tout le temps, et c’est le seul truc qui me fait vraiment vibrer.

La musique n’a jamais été un rêve d’enfant pour toi ?

Quand j’étais petite, je voulais être regardée, être clown ou faire quelque chose qui attire l’attention. Dès que j’ai compris que je savais chanter juste et que j’avais quelque chose d’intéressant à montrer, j’ai vraiment réalisé ma passion. Quand j’ai fait mes premiers concerts, j’étais dans l’état d’esprit suivant : « Je veux faire ça, et si ça ne marche pas, je m’en fous, je le ferai toute ma vie. »