Duo atypique de la scène française, Kaori nous transporte avec Dans l’attente d’un signe, un album qui explore les tensions du monde tout en laissant place à l’espoir. Rencontre !
Dans un monde où tout semble aller trop vite, où les incertitudes se mêlent aux espoirs d’un avenir meilleur, Kaori, duo masculin à l’identité poétique et engagée, fait le pari d’une musique qui interpelle autant qu’elle apaise. Composé de Thierry Folcher, chanteur et compositeur, et Alexis Diawari, guitariste, ce tandem donne vie à un univers musical où la tradition se marie harmonieusement à l’audace et à l’exploration. Le nom du groupe, emprunté au kaori, arbre millénaire des forêts de Nouvelle-Calédonie, symbolise leur enracinement culturel tout autant que leur ouverture à l’infini des possibles.

Avec leur nouvel album, Dans l’attente d’un signe, Kaori plonge au cœur des tensions du monde contemporain, tout en tissant des mélodies porteuses d’espoir. À travers leurs textes poétiques et leurs accords envoûtants, ils nous invitent à faire une pause pour réfléchir, ressentir et rêver. En concert ou sur disque, leur musique est une invitation au voyage, un appel à chercher l’essentiel, même au milieu des incertitudes. Rencontre avec un duo dont les sonorités touchent à l’universel.
Avant d’aborder votre nouvel album, pouvez-vous nous parler des débuts de Kaori ? Comment tout a commencé et pourquoi avoir choisi ce nom ?
Alexis : La rencontre, ça remonte à plusieurs années, déjà plus de 35 ans. On s’est connus en jouant des reprises, dans les bars à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.
Thierry : Et Kaori, c’est depuis sept ans maintenant. On est un duo à géométrie variable. Par exemple, pour l’événement du 14 novembre au Sunset, on jouera avec des musiciens belges qu’on a rencontrés ici, dont l’ancienne section rythmique de Morane. Ils ont bien voulu nous accompagner, avec aussi un harmoniciste parisien. Donc, là, on est cinq. Mais à la base, on est un duo qui peut se configurer de différentes façons. On joue en duo, ou en quintette, selon les besoins.
Alexis : Le nom “Kaori” vient d’un arbre emblématique qui pousse dans la région du Pacifique, particulièrement chez nous. On l’a choisi pour ce qu’il symbolise : l’enracinement et l’ouverture. Le Kaori est un arbre grand, majestueux, un peu l’équivalent du chêne. Ses branches s’ouvrent vers l’extérieur, et c’est une image forte pour nous, qui venons d’une île où partir, s’ouvrir au monde, c’est essentiel.
Votre nouvel album s’intitule Dans l’attente d’un signe. Ce titre semble faire écho à votre précédent opus, À ciel ouvert. Est-ce une continuité dans votre démarche artistique ?
Thierry : On peut effectivement voir un lien entre les deux. Il y a une continuité, un cheminement philosophique dans notre démarche. À cœur ouvert était une invitation à la franchise, à la sincérité. On a cherché à s’exprimer avec vérité, que ce soit en parlant de la condition humaine, de l’amour ou des choses graves qui nous touchent. Dans l’attente d’un signe, c’est un prolongement, une autre étape de ce cheminement.
Alexis : Nous concevons la musique comme une réflexion sur le monde, une vision. Avec Kaori, on ne cherche pas à donner des leçons, mais plutôt à poser des questions, ouvrir des débats. Par exemple, dans le morceau « Se tendre la main », on s’adresse à une réalité très concrète qu’on a vécue en Nouvelle-Calédonie, mais qui résonne aussi ailleurs. Les tensions, les divisions, ce n’est pas spécifique à notre île : on voit ça partout. L’idée derrière cette chanson, c’est d’inviter à une prise de conscience sans culpabiliser.
La chanson « Se tendre la main » aborde des tensions sociales fortes. Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a inspiré ce morceau et son message ?
Thierry : « Se tendre la main » est né d’un choc. On a vu notre île se radicaliser, avec deux camps qui se faisaient face. Une haine qu’on ne soupçonnait pas est montée, des slogans, des drapeaux, des tensions. On ne comprenait pas. Ça nous a effrayés, parce qu’on s’est dit : “Mais ça peut arriver n’importe où.” C’est une chanson qui parle de ce moment où tout peut basculer dans l’irrationnel, dans la violence collective. Ça nous a rappelé les grandes idéologies du passé, qui ont mené à des guerres, des hystéries collectives.
C’est effrayant de voir à quelle vitesse les gens peuvent se transformer en lyncheurs. C’est ce qui nous a inspirés cette chanson. On a voulu dire : au lieu de serrer le poing, il faut peut-être tendre la main. Ça peut paraître naïf, mais c’est une réflexion nécessaire. Et aujourd’hui, quand on voit que Nouméa a brûlé, qu’il y a eu des meurtres, on se dit que notre perception était juste.
Vos textes oscillent souvent entre poésie et observation réaliste du monde. Comment parvenez-vous à trouver cet équilibre dans l’écriture ?
Thierry : Il y a deux pôles dans notre écriture : le poétique et le réaliste. On ne veut pas sombrer dans des chansons sinistres, mais on ne veut pas non plus être complètement déconnectés. La musique, c’est un équilibre. Elle doit refléter la réalité tout en laissant une place à la beauté, à l’espoir.
Et même si on parle de sujets graves, comme la condition des femmes ou la violence, on préfère suggérer, ouvrir des réflexions. Par exemple, notre chanson « Femme, ô femme » aborde la condition féminine. Mais on ne veut pas donner de leçons ou dire aux gens comment ils doivent penser. On préfère déclencher un processus de prise de conscience.

L’instrumental joue un rôle central dans votre musique, comme on peut l’entendre sur « Un soir à Yahoué ». Quelle place accordez-vous aux instruments dans votre processus de création ?
Alexis : Les instruments ont une place primordiale. On a commencé par jouer uniquement des morceaux instrumentaux, et on en a toujours fait. Ils permettent de raconter des choses différemment, parfois plus universellement.
Thierry : Une belle chanson, ce n’est pas juste des paroles, c’est aussi l’illustration musicale. On aime marier les mots et les notes. Pour « Un soir à Yahoué », c’est une manière d’inviter les gens dans une ambiance, un voyage.
Avec une vision parfois sombre sur le monde, qu’est-ce qui vous pousse à continuer à créer et à partager votre musique ?
Thierry : Ce qui nous pousse, c’est que ce qu’on fait, c’est nous. C’est existentiel. On n’a pas d’ambitions de carrière, on ne cherche pas à plaire à tout prix. On veut rester fidèles à nous-mêmes, sur scène comme dans la vie. C’est aussi lié à nos racines. Notre île fait partie de nous, c’est une source d’inspiration constante.
Alexis : C’est aussi lié à nos racines. Notre île fait partie de nous, c’est une source d’inspiration constante.
Enfin, quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes générations, notamment à travers votre musique ?
Thierry : Le lien intergénérationnel est essentiel. Sans lui, on tombe dans des grandes solitudes, qui mènent à de la détresse et du pessimisme. Aujourd’hui, on voit beaucoup de jeunes coupés de ce lien, notamment à cause des réseaux sociaux. On ne prétend pas avoir des vérités absolues, mais on aimerait que les jeunes se remettent à écouter, à dialoguer. L’altérité, c’est la clé : se regarder, s’écouter, apprendre les uns des autres. C’est la seule manière de dépasser les divisions.C’est ce qu’on essaie de transmettre dans nos chansons. Et c’est aussi ce qu’on vit chez nous, en Nouvelle-Calédonie, où l’altérité est une nécessité quotidienne.
