Lors de la 9ᵉ édition du Crossroads Festival à Roubaix, Frieda, artiste émergente au talent singulier, s’est livrée sans détour, à quelques mois de la sortie de son premier EP intitulé Derrière le Soleil. Avec une sincérité désarmante, elle a partagé son parcours musical, ses sources d’inspiration et sa vision d’une création artistique épurée et authentique. Rencontre !
Elle s’est frayé un chemin hors des sentiers battus, quittant un parcours classique pour se consacrer pleinement à son art. Avec des textes empreints de sincérité et des sonorités mêlant puissance et douceur, Frieda incarne une nouvelle génération d’artistes authentiques. À l’aube de la sortie de son premier EP Derrière le Soleil, elle revient sur son parcours, ses inspirations et sa vision de la musique. Une conversation sans filtre avec une artiste résolument tournée vers l’essentiel.
Avant de vous plonger dans l’interview, voici ce qu’on avait pensé de sa prestation le premier soir du Crossroads festival : « La “claque” tant attendue est arrivée avec Frieda, qui a livré une prestation que beaucoup ne sont pas prêts d’oublier. Malgré un léger problème de voix, elle a su fédérer le public pendant trente minutes avec une énergie rare, notamment sur son hymne pacifiste Freedom. Par moments, sa voix envoûtante et sa présence scénique rappelaient une cérémonie gospel, offrant au public une expérience quasi spirituelle. Frieda se décrit modestement comme “jamais parfaite”, mais lors de cette édition, elle a indéniablement été l’une des révélations. »
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Peux-tu retracer ton parcours et nous expliquer ce qui t’a conduit vers la musique ?
Frieda : J’ai commencé la musique très jeune, vers 5 ou 7 ans, avec le piano et le solfège. Chez moi, la musique était omniprésente : mon père, bien que musicien amateur, jouait à un niveau remarquable et possédait une collection impressionnante de vinyles. À l’adolescence, j’ai commencé à chanter avec des amis, et rapidement, partout où j’allais, j’étais “la chanteuse”. Pourtant, après le lycée, j’ai suivi un parcours plus classique : des études en école de commerce et des emplois éloignés de la scène. J’ai même travaillé dans la programmation musicale, mais ce métier m’a confirmé une chose : ce que je voulais vraiment, ce n’était pas organiser des concerts, mais monter sur scène.
À quel moment as-tu décidé de te consacrer pleinement à ta carrière artistique ?
J’ai pris la décision de quitter le monde du salariat en 2016, pour accorder plus de place à la musique. Mais c’est véritablement en 2021 que j’ai officialisé mon projet et décidé d’embrasser pleinement ma vie d’artiste professionnelle.
Ton titre Freedom est perçu comme un véritable hymne à la libération. Quelle a été ta source d’inspiration ?
Freedom est né de nombreuses réflexions sur le passage de la répression à l’expression. Cette chanson est une célébration de la liberté sous toutes ses formes : celle de la parole, du corps, et de la manière de s’affirmer dans le monde. C’est un processus que j’ai moi-même vécu, en osant dire “non” à des situations qui ne me correspondaient plus. Elle encapsule cette quête de vérité, d’émancipation, et le courage d’assumer ses faiblesses.
Ton titre Jamais parfaite semble porter un message fort. Pourquoi avoir choisi ce qualificatif ?
Ce morceau parle d’authenticité et d’acceptation de soi. Pendant longtemps, j’ai vécu avec une pression constante : l’idée qu’il fallait être irréprochable, sans droit à l’erreur. C’est quelque chose que j’associe à mon éducation, avec des parents venus du Cameroun et porteurs d’un message de rigueur pour réussir dans un environnement parfois hostile. C’est aussi une pression sociale, et en tant que femme, cette exigence de perfection est encore plus présente. J’ai mis du temps à surmonter cela, et Jamais parfaite est une manière de documenter ce cheminement : accepter ses failles et les partager.
Diras-tu qu’en tant que femme noire, tu ressens une pression particulière dans le milieu musical ?
C’est un environnement qui peut être dur, mais j’essaie de ne pas m’imposer cette pression. Je cherche avant tout à être alignée avec qui je suis, à me libérer des clichés et à raconter ma vérité. Mon objectif, c’est de m’émanciper, sans me laisser enfermer dans des attentes extérieures.
Dans ton morceau Potentialité, tu explores une notion complexe. Quelle en est l’idée centrale ?
Je m’interroge sur cette quête incessante d’être une “meilleure version de soi-même”, qui peut être à la fois motivante et oppressante. La potentialité peut parfois écraser, car elle nous fait croire que ce que nous sommes aujourd’hui n’est pas suffisant. Dans ce titre, je veux réconcilier cette idée avec celle de possibilité, qui est plus douce et apaisante. C’est une invitation à évoluer à son rythme, sans oublier de s’accepter dans l’instant présent.
Les titres Jamais parfaite, Freedom et Potentialité figurent-ils dans un projet à venir ? Peux-tu nous en parler ?
Oui, ces morceaux feront partie de mon premier EP, intitulé Derrière le Soleil, qui sortira le 7 mars 2025. Ce projet explore ce qu’il y a au-delà des apparences : les doutes, les tiraillements, mais aussi les espoirs et l’amour. Il s’agit de déconstruire le mythe de la perfection, souvent représenté par une façade sociale impeccable, et d’inviter les gens à regarder ce qui se cache derrière.
Quelle importance accordes-tu à des événements comme le Crossroads Festival, qui mettent en lumière des artistes émergents ?
Ces scènes sont cruciales. Aujourd’hui, il y a énormément d’artistes, et le véritable défi, c’est de capter l’attention du public. Des festivals comme celui-ci permettent de se faire découvrir par des professionnels et des spectateurs dans des conditions privilégiées. Pour moi, c’est une opportunité précieuse, car la scène est l’endroit où je me sens le plus connectée à ma musique et à mon public.
Quelles sont tes principales inspirations au quotidien ?
Je suis inspirée par tant de choses ! La Gen Z, par exemple, m’impressionne par son courage à dire “non”. Je suis aussi influencée par la mode et par des artistes de ma génération qui explorent des genres hybrides, parfois difficiles à catégoriser. C’est enthousiasmant de voir cette créativité éclore, et je suis heureuse à l’idée qu’une jeune fille de 12 ans puisse me voir sur scène et penser : “Moi aussi, je peux le faire.”
Tu as captivé le public avec une performance immersive au Crossroads, comment construis-tu tes concerts ?
J’aime penser mes concerts comme une histoire. La setlist suit l’ordre des morceaux de l’EP, et chaque transition est travaillée pour ne jamais briser la bulle dans laquelle je veux plonger le public. Pour moi, le live est une véritable connexion avec les gens, et si je ne ressens pas cette alchimie, je sais qu’il me reste du travail.
Peut-on vivre de son art aujourd’hui dans ta position ?
Pas encore, mais c’est un objectif. Les cachets sont souvent très bas, et les revenus du streaming nécessitent des volumes énormes d’écoutes. Pour moi, vivre de ma musique, ce serait avant tout obtenir un espace de création plus serein, sans avoir à courir après la fin de mois. Cela passe par des collaborations, comme écrire pour d’autres artistes, pour bâtir un écosystème plus libre.
As-tu déjà envisagé de tout abandonner ?
Il y a des moments de découragement, c’est certain. Mais une envie profonde de conquête me pousse à continuer. Tant que cette énergie sera là, je ne lâcherai rien.
Pour conclure, quels sont tes prochains rendez-vous musicaux ?
Mon premier EP Derrière le Soleil sortira le 7 mars 2025, et je serai à la Boule Noire à Paris le 19 mars pour un concert qui s’annonce inoubliable.
