En marge de la 9e édition du Crossroads Festival, la rappeuse émergente à la plume incisive Lynx IRL s’est confiée sur ses projets à venir, notamment son nouvel EP prévu en 2025, dont le 2e extrait sera dévoilé ce 18 décembre.
Lors du Crossroads Festival, le 7 novembre dernier, nous avons rencontré Lynx, rappeuse émergente à la plume incisive et à l’univers envoûtant. Avant une prestation remarquée sur scène, elle s’est confiée sur ses projets à venir, notamment un nouvel EP prévu pour mars 2025. En exclusivité, elle a également annoncé la sortie d’un deuxième extrait de cet EP, prévue pour le 18 décembre 2024. Une rencontre entre passion et détermination.
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Salut Lynx, pour commencer est-ce ton nom de scène a une signification particulière ?
Lynx IRL : Lynx IRL, pour « Inhuman Real Life ». Cela signifie « Lynx dans la vraie vie ». C’est une manière pour moi de transmettre mes réflexions de la façon la plus sincère possible. Dans mes morceaux, on trouve une démarche presque philosophique : une jeune femme de 28 ans qui se demande « Que fais-je ici, pourquoi le monde est-il aussi compliqué ? ». Je cherche des solutions, tant sur le plan personnel que collectif. Je suis optimiste, j’aime profondément les gens, mais il y a en moi une part d’enfant qui s’interroge : « Pourquoi nous faisons-nous autant de mal ? ».
Ta musique semble très introspective. Est-ce que le rap s’est imposé comme une évidence ?
Dans ma famille kabyle, la poésie a toujours été essentielle. Mon père jouait de la guitare, et j’ai grandi dans un environnement où les mots et les discours avaient une grande valeur. Très jeune, j’ai été attirée par le milieu hip-hop. D’abord par le graffiti, puis par le rap. J’ai essayé d’autres formes d’écriture, comme les poèmes ou les histoires, mais le rap m’a semblé le plus cohérent. Il allie le message, la rythmique et la mélodie, tout en portant des valeurs qui me parlent.
Le rap, c’est aussi un outil pour transmettre tes idées ?
Exactement. Ce qui est formidable avec le rap, c’est qu’il permet de dire beaucoup tout en restant accessible et ludique.
Ton premier EP, Miozis, est intriguant. Pourquoi ce titre ?
Le miozis désigne la contraction des pupilles lorsqu’elles sont exposées à une lumière intense. Ce phénomène représente le choc que j’espère provoquer avec ma musique : un éclair de lucidité, une révélation. Mon objectif est de toucher les gens, de briser leurs barrières, de dire : « Regarde, je suis humaine, toi aussi, alors pourquoi ne pas se connecter au lieu de se juger ? ». Il y a aussi ce côté un peu audacieux, comme un défi lancé à l’auditeur.
Ton parcours semble marqué par un refus des conventions. Cela te définit-il ?
Oui, totalement. Adolescente, je me sentais souvent en décalage, comme si je ne correspondais pas aux attentes de la société. J’ai toujours eu du mal à accepter l’autorité, surtout lorsqu’on me disait simplement : « C’est comme ça. » Avec le temps, j’ai réalisé que suivre mon instinct m’amenait à des choses extraordinaires. Alors, pourquoi se plier aux règles si on peut créer notre propre chemin ?
Malgré tout, tu restes résolument positive. Est-ce une ligne directrice dans ton travail ?
Absolument. Même si le quotidien peut être pesant, je refuse de céder au pessimisme ou de croire qu’il faut être constamment en colère pour être légitime. Trouver de la joie, même dans l’adversité, c’est essentiel pour la santé mentale. Et si on doit briser des barrières, autant le faire avec le sourire.
Ton single ZBL célèbre-t-il cette vision du monde ?
On peut dire ça. Sur scène, je le présente comme un hymne à la fin du vieux monde, celui des idées dépassées. La chanson célèbre l’idée d’un renouveau, mais sans oublier qu’il reste des luttes à mener. Ce qui compte, c’est de rester concentrés et unis, sans perdre de temps à se diviser.
Tu évolues dans un milieu historiquement masculin. As-tu rencontré des obstacles particuliers ?
Pas tant que ça. J’ai grandi dans des environnements majoritairement masculins, ce qui m’a appris à m’imposer. Le rap est aujourd’hui bien plus inclusif qu’il ne l’était, même si on m’a parfois ramenée au fait que j’étais une femme, alors que pour moi, cela ne devrait pas être un sujet.
Quels artistes t’inspirent particulièrement ?
Népal pour la profondeur de ses textes, et Little Simz pour sa manière d’incarner une authenticité sans compromis. Elle ne joue ni la carte de l’hyperféminité, ni celle du boolshit. En France, on manque de modèles comme elle.
Ta famille a-t-elle soutenu ton choix de carrière ?
Cela n’a pas été immédiat. Mes parents, immigrés kabyles, se sont sacrifiés pour que leurs enfants réussissent ici. Leur priorité, c’était la sécurité. Mais la poésie et l’engagement sont très ancrés dans notre histoire familiale, marquée par la guerre d’Algérie et le racisme. Alors, quand ils ont vu que mes textes étaient sincères et engagés, ils ont fini par accepter mon choix.
Ton dernier single est disponible. Quelle est la prochaine étape pour toi ?
Un EP est en préparation. Je parle au conditionnel, mais oui, il devrait sortir début de l’année prochaine, probablement en février ou mars, mais pas plus tard. C’est un projet que j’ai réalisé principalement à Lille avec Adam Carpels, ainsi qu’avec Matatarde, un beatmaker originaire du Pays de Galles. Nous avons commencé à travailler dans les sous-sols du Flow à Lille, puis avons poursuivi une partie du travail à Paris. Le premier single de cet EP est déjà sorti, et un deuxième arrivera très bientôt, le 18 décembre. C’est une exclusivité que je vous donne ici !
En tant qu’artiste émergente, est-ce que tu arrives à vivre de ton art aujourd’hui ?
Oui, mais pas directement grâce à la musique. Je suis intermittente, donc mes concerts et quelques ateliers culturels, notamment d’écriture, me permettent d’en vivre. Ces ateliers sont une belle expérience, et cela change beaucoup de ma situation précédente, où je vivais du RSA. C’est une évolution positive, mais le chemin continue.
