Après plus de vingt ans de musique, plusieurs albums et EPs, BEBLY revient avec un nouvel EP, Arracher les fleurs, disponible depuis le 24 janvier. Un projet intime, épuré, où l’artiste explore une veine indie folk poignante, marquée par des textes ciselés et une mélancolie à fleur de peau. Dans cette interview, il revient sur ce virage musical, son processus créatif et la manière dont il perçoit cette nouvelle étape de sa carrière.

Pour les fidèles lecteurs de phenixwebtv.com, le nom de Bebly vous dira forcément quelque chose. Ça fait quelques années que nous le suivons, du temps de son ancien groupe jusqu’à sa nouvelle aventure solo. Aujourd’hui il nous invite à plonger dans un univers indie folk à la fois brut et introspectif, avec son nouvel EP Arracher les Fleurs, disponible depuis le 24 janvier.

Porté par le single « La définition du perdant », un titre poignant où la tension des guitares et l’atmosphère pesante traduisent une émotion libératrice, cet opus s’inscrit dans le parcours déjà riche de l’artiste. Connu pour ses performances en première partie de grands noms comme Bashung ou Cali, Bebly, de son vrai prénom Benjamin, a su transformer les contraintes de la pandémie en un élan créatif.

Abandonnant les guitares saturées de ses précédents projets, il explore désormais une approche plus dépouillée et folk, comme une quête d’intimité musicale. Réalisé par Sylvain Carpentier (ingénieur son de Damien Saez), Arracher les fleurs propose cinq titres qui oscillent entre fragilité et puissance émotionnelle, s’inscrivant dans la lignée d’artistes comme Damien Jurado ou Christophe Miossec.

Phenixwebtv.Com : Pourquoi avoir choisi le titre Arracher les fleurs pour cet EP ? Y a-t-il une idée de rupture ou de renouveau derrière ?

Bebly : C’est avant tout parce que ce titre me semblait le plus accrocheur parmi les chansons. Après, il n’y a pas forcément de sens clair à proprement parler, mais il a un double sens. D’un côté, il peut avoir une connotation écologique, et de l’autre, il a un aspect plus sentimental.

Est-ce que ce titre était évident dès le départ, ou bien est-il venu plus tard, pendant le processus de création ?

Non, c’est venu plus tard. Je trouve toujours le titre une fois les chansons composées. Je cherche une phrase qui me parle vraiment, et ici, Arracher les fleurs s’est imposé au moment de choisir.

Comment les titres des chansons ont-ils trouvé leur place dans ce processus ? Tu avais déjà des idées en tête ou tu as sélectionné après avoir composé ?

Je compose toujours plusieurs titres. Par exemple, je peux faire une dizaine de chansons, puis une fois qu’elles sont un peu mûres, j’appelle mon pote avec qui je travaille. Je lui fais écouter les maquettes, et ensemble, on décide de celles qui méritent d’être enregistrées. À chaque fois, on bloque sur quatre ou cinq morceaux qui semblent avoir la meilleure cohérence ou le meilleur “mood”.

Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans un projet solo ?

Le confinement, clairement. Avant, j’étais dans un groupe. On avait sorti un album, un EP, enregistré en studio avec les moyens pour que ça sonne vraiment bien. Mais tout ça s’est arrêté net avec la crise sanitaire, ce qui a été très frustrant. J’ai continué à composer, mais à distance, c’était compliqué de remotiver tout le monde. Et puis, j’ai fini par déménager en Bretagne, ce qui a rendu les choses encore plus difficiles. Alors j’ai décidé de faire les choses seul, à ma manière.

Dans le morceau « La définition du perdant », il y a une atmosphère pesante mais aussi libératrice. Comment as-tu travaillé cette dualité ?

Je ne sais pas si j’ai consciemment cherché cette dualité. Ce qui est amusant, c’est que cette chanson est née de deux périodes différentes : un couplet écrit en 2013 et un autre en 2023, dix ans plus tard. Le premier couplet traînait depuis longtemps sans trouver son sens. Puis, en 2024, j’ai trouvé un refrain qui faisait le lien, et tout s’est emboîté naturellement. La chanson s’est construite d’elle-même.

Dans « Cheval à bascule », tu dis : « Je suis bloqué comme un cheval à bascule… », à quoi renvoie cette métaphore ?

Ça fait référence à ce moment où, quand tu es un peu hébété, tu te balances légèrement sur toi-même. Ça m’a fait penser au mouvement d’un cheval à bascule, comme quand on est enfant. Ici, je me suis mis dans la peau de quelqu’un qui se sent coincé dans un monde étriqué, incapable d’avancer malgré ses efforts.

Tes chansons sont-elles tirées de ton vécu ou plutôt inventées ?

Il y a toujours une part de vérité, mais je me laisse la liberté d’adapter pour que ça ait plus de sens dans une chanson. Souvent, j’ajoute des éléments imaginés pour que les paroles puissent parler à d’autres aussi. C’est un mélange entre personnel et universel.

Par exemple, dans tes paroles, tu dis : « J’avais promis à ma mère que je m’en sortirais », est-ce un souvenir personnel ?

Pas vraiment. C’est plus une phrase que, je pense, beaucoup de gens disent à leur mère à un moment donné. Une promesse qu’on fait, parfois après des mauvaises notes à l’école ou autre chose, en disant : T’inquiète pas, je vais m’en sortir.

Pendant la crise sanitaire, tu as été bloqué comme beaucoup d’artistes. Comment as-tu réussi à avancer malgré tout ?

Bloqué chez moi, il ne me restait que ma guitare. Donc, je me suis concentré sur la musique. Je n’avais personne à consulter, alors je validais ou rejetais mes idées tout seul, ce qui m’a permis d’aller plus vite.

Ton EP est très introspectif. Où trouves-tu l’inspiration ?

Je ne réfléchis pas trop à ça. Souvent, ça commence par une phrase ou une mélodie qui me vient. À partir de là, je laisse aller les idées. C’est un exutoire pour moi. Ça me permet de canaliser ma colère ou mes états d’âme.

Tu écris tout seul ou tu te fais parfois aider ?

Non, j’écris tout seul. Il n’y a pas d’aide extérieure.

Est-ce que ce processus est plus difficile quand tu es seul ?

Pas forcément. Je ne cherche pas à calquer exactement ce que je ressens. Une fois que j’ai écrit quelque chose, je passe à autre chose. Ça me permet de me libérer de ce que je ressens tout en créant quelque chose de nouveau.

Ton parcours montre une évolution. Comment arrives-tu à te renouveler à chaque fois ?

Je ne pense pas que je me renouvelle. J’essaie surtout de creuser toujours la même veine, mais de mieux en mieux. Certains artistes explorent plusieurs styles, mais moi, j’essaie d’être le plus authentique possible dans ma manière d’écrire et de toucher les gens.

Est-ce que, dans cet EP, tout était prévu dès le départ ?

Pas vraiment. À l’origine, il devait y avoir quatre chansons. Cheval à bascule n’était pas prévue. Je l’ai enregistrée chez moi avec mon téléphone et l’ai envoyée piste par piste à mon pote pour voir ce qu’il en pensait. Il a trouvé ça bien et l’a ajoutée.

Tu as partagé la scène avec de nombreux artistes. Qu’est-ce que tu retires de ces expériences ?

C’est toujours très enrichissant et bienveillant. Par exemple, en novembre, j’ai joué avec Mathieu Boogaerts. Partager un repas avec lui et discuter, c’était incroyable. C’est ce que j’aime dans la musique : les rencontres.

Si tu devais résumer ton univers musical en trois mots, lesquels choisirais-tu ?

Folk, chanson française, et une touche de punk dans la démarche.

Et qu’est-ce qui te pousse encore à écrire après toutes ces années ?

J’aime ça. Jouer de la guitare me fait du bien. Parfois, j’écris plusieurs chansons en un mois, puis je fais une pause. Je ne force jamais.

Arrives-tu à vivre de ta musique en tant qu’indépendant ?

Non. Ça reste un loisir que je gère de manière professionnelle, mais financièrement, c’est compliqué. La musique me coûte plus qu’elle ne rapporte.

Si c’était à refaire, tu choisirais la même voie ?

Oui, sans hésiter. Ça m’a apporté énormément de choses.