On a rencontré Grand Garçon à l’occasion de la sortie de son nouvel EP Special. Entre électro, guitare et chanson française, il nous parle de son parcours, de ses inspirations et de son admiration pour Charlotte Gainsbourg. Un artiste à découvrir, entre ombre et lumière.

Grand Garçon, un projet qui traverse les âges et les influences, revient avec un nouvel EP, Special. Derrière ce pseudonyme se cache Jean-Philippe, un musicien qui, après avoir stocké ses inspirations pendant plus de 30 ans, a laissé exploser sa créativité en 2020. Avec Special, son quatrième EP après Pas que toi (2020), Deux (2021) et Chamane (2023), Grand Garçon poursuit son exploration d’un son mêlant guitare, électro et chant en français.

Dans cet EP, on retrouve des influences marquées par la new wave et l’électro de New Order ou Depeche Mode, mais aussi des références à la chanson française, de Daniel Darc à Étienne Daho. Un équilibre subtil entre textures électroniques et lignes de guitare singulières, qui prennent ici une teinte plus lumineuse et dansante que sur ses précédents projets. Toujours accompagné de son complice Guilhem Hatt à la production, Grand Garçon signe ici un EP plus ouvert et coloré, pensé pour le dancefloor, tout en restant fidèle à son ADN musical.

Nous l’avons rencontré deux jours avant la sortie de Special, dans les locaux de son attachée de presse à Paris. Une première rencontre, une découverte. Son EP nous a intrigués, alors on a voulu comprendre ce qui se cachait derrière ces morceaux. Entretien avec un musicien qui, après des années d’accumulation, a enfin décidé de tout lâcher.

Phenixwebtv.com : on ne connaissais pas bien ton projet avant de recevoir la proposition. En se renseignant, on a découvert que Grand Garçon est né en 2020, mais en réalité, ton parcours musical remonte aux années 80. Peux-tu nous en dire plus ?

Grand Garçon : Ouais, avant, j’avais plutôt un parcours de DJ. Avec un collègue, Jean-François Guillon, on avait monté un projet qui s’appelait Y-Silicon. C’était quelque chose qui s’inscrivait plutôt dans le milieu de l’art contemporain, avec des performances en galerie. On mélangeait des extraits de films, des dialogues, un peu de musique électronique… C’était une période sympa, mais j’ai fini par arrêter.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer en solo après toutes ces années ?

J’ai toujours eu des idées en tête, mais j’étais bloqué par une vision un peu classique de la musique. Je pensais qu’il me fallait absolument un bassiste, un batteur… jusqu’à ce qu’on me montre ce qu’on pouvait faire avec l’informatique musicale. À partir de là, j’ai pu créer seul et concrétiser mes idées.

Est-ce que le fait d’être en groupe t’empêchait vraiment d’exprimer pleinement ta vision musicale ?

Tu sais, Étienne Daho dit toujours qu’il a des chansons en tête. Moi, c’est pareil. J’avais un disque dur plein dans ma tête. Quand on m’a montré ce que permettaient les logiciels de musique, je me suis dit : « Ça y est, je peux enfin donner vie à tout ça. » J’ai alors composé cinq titres, que j’ai fait écouter à un producteur. Il a trouvé ça super et a décidé de les produire.

On a lu que ton univers est à la croisée de l’art contemporain, de la performance et de la musique. Comment cela influence-t-il encore aujourd’hui ta façon de composer ?

J’ai toujours baigné dans l’art contemporain, notamment avec Y-Silicon. Ce qui m’attire, c’est l’aspect pluridisciplinaire : l’image, le son, les interactions avec le public… Cette approche me parle beaucoup et influence forcément ma musique.

Ton nouveau projet, Spécial sort le 28 février. Qu’est-ce qui le rend si spécial ?

Comme chaque nouveau projet, il marque une nouvelle étape. Ce qui le rend particulier, c’est que, pour la première fois, j’ai écrit un morceau en anglais. J’ai aussi exploré de nouvelles sonorités, tout en restant fidèle à moi-même. C’est un EP qui pourrait me mener vers des directions différentes.

Il est décrit comme un EP plus ouvert et coloré que tes précédents projets. Tu es d’accord avec cette analyse ?

Oui, alors… je ne sais pas d’où vient cette idée, mais c’est souvent les journalistes qui posent des étiquettes ! (rires) On m’a déjà classé dans un style gothique français, ce qui m’a surpris. Peut-être qu’inconsciemment, j’ai voulu m’éloigner de cette image et proposer quelque chose de plus lumineux.

Quand tu composes, tu démarres par quoi ? Une mélodie, une ligne de guitare, un beat ?

Généralement, je pars d’une petite mélodie et je construis autour. La voix vient souvent après. Ça peut aussi être une boucle de batterie, mais le plus souvent, c’est une mélodie au clavier ou à la guitare.

Parlons des morceaux de l’EP. « Charlotte G » est une déclaration d’amour et un clin d’œil à Charlotte Gainsbourg. Comment t’est venue l’idée ?

C’est un truc un peu enfantin. J’ai toujours été fasciné par Charlotte Gainsbourg, son univers, sa grâce. Je ne m’étais pas dit : « Je vais écrire une chanson sur elle. » C’est venu naturellement. En travaillant sur la mélodie, j’ai eu cette idée de prénom répété. Charlotte, Charlotte… Ça marchait bien ! Ça m’a aussi fait penser à « Charlotte For Ever » de son père. Je me suis dit : « Assume, fais-le ! »

Tu la connais personnellement ?

Pas du tout ! J’espère qu’elle m’appellera après avoir entendu le morceau. (rires)

Dans « Mens au serpent », tu revisites le mythe d’Adam et Ève d’une manière très personnelle. Quelle est ta vision de cette histoire ?

Pour moi, c’est une réflexion sur le mensonge. Parfois, mentir peut être nécessaire, notamment face à des personnes toxiques. J’ai imaginé que dans l’histoire d’Adam et Ève, on aurait pu mentir au serpent pour éviter la chute.

Le clip du morceau a une ambiance aquatique très marquée. Comment est née cette idée ?

J’aime laisser carte blanche aux réalisateurs. Je leur fais écouter le morceau et je leur demande ce qu’il leur évoque. Les étudiantes qui ont réalisé ce clip m’ont proposé ce monde sous-marin, et j’ai trouvé ça intéressant.

Comment s’est passée cette collaboration avec ces étudiantes ?

Je connaissais l’école de cinéma La CinéFabrique à Lyon. On m’a mis en contact avec elles, on a discuté, et le projet est né comme ça. L’une d’elles était spécialisée en montage, donc c’était une belle opportunité pour elles et pour moi.

« Toi lactée » est une chanson d’amour. Peux-tu nous en parler ?

Oui, c’est une chanson sur cet état où l’amour te submerge, comme un départ en fusée. « Toi lactée » fait référence à la Voie lactée, une métaphore pour illustrer cette intensité émotionnelle.

Et « Stone and Pain » ? Le titre intrigue…

« Stone and Pain », c’est littéralement « des cailloux et de la douleur ». Ce n’est pas le morceau le plus joyeux de l’EP, mais je voulais une chute forte, un morceau brut qui parle de souffrance amoureuse.

Ta musique est très rythmée, pensée pour le dancefloor. Quand tu composes, imagines-tu déjà son rendu en live ?

Oui, j’adore la musique qui fait danser. J’ai toujours aimé la French Touch pour ça. J’aime intégrer des beats qui donnent envie de bouger.

Travailler avec les mêmes collaborateurs est important pour toi ?

Oui, parce qu’avec le temps, on se comprend de mieux en mieux. Mon producteur apporte des choses différentes de moi. Il me surprend et ça enrichit mes morceaux.

Après plusieurs EPs, envisages-tu de sortir un album ?

Je ne dis pas non, mais j’aime beaucoup le format EP. Quatre, cinq, six titres, ça me semble parfait pour capturer un moment. D’ailleurs, même en tant qu’auditeur, j’écoute plus de playlists que d’albums entiers.

Si tu pouvais collaborer avec un artiste, qui choisirais-tu ?

Il y en a plein ! J’aime beaucoup Pomme, elle est super intéressante. J’aime aussi les Limiñanas, un groupe garage qui a travaillé avec Laurent Garnier.

Quel regard portes-tu sur la scène musicale actuelle ?

Je trouve que ça bouillonne. Il y a plein d’artistes émergents, et aujourd’hui, grâce au digital et aux festivals, on peut percer sans forcément passer par les grandes maisons de disques.

Aujourd’hui, faire de la musique, c’est une passion ou un passe-temps ?

J’adore ça ! Là, je vais bientôt entrer dans une nouvelle phase de création. J’ai déjà des idées, et j’aime ce processus où tout est encore incertain.

As-tu des projets pour la sortie de « Spécial » ?

Je vais surtout voir comment les morceaux sont reçus. J’aime les retours du public, voir quel titre touche le plus.

Sur quelle scène rêverais-tu de jouer ?

J’aime bien les lieux atypiques, comme les galeries d’art. Ce sont des espaces où il faut se battre pour sortir un bon son, et ça change l’expérience.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Que tout soit spécial !