Mercredi soir, la Boule Noire a vibré sous l’énergie et l’émotion de Frieda. Une salle comble, une ferveur indescriptible, un public en transe chantant chaque mot comme un mantra. Entre moments de grâce et déflagrations d’énergie, retour sur cette release party qui s’est transformée en une véritable communion et dont on s’en souviendra longtemps…
La Boule Noire affichait complet depuis des semaines, et pour cause : Frieda célébrait la sortie de son premier EP, Derrière le soleil. Une attente fébrile flottait dans l’air mercredi dernier 19 mars, vite transformée en une vague d’émotion pure. Ce n’était pas juste un concert, mais un moment suspendu, un rituel collectif où chaque note semblait peser des années de quête personnelle et de libération.
Pierre et la Rose : Une ouverture sous le signe de l’amour et de la sincérité
En ouverture, Pierre et la Rose donne le ton : celui de la sincérité pure. Reprenant « Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai … » de Francis Cabrel, il confie : « Le set que je vous fais, j’aurais pu l’intituler L’amour est un privilège. » Puis il poursuit, lucide : « Quand t’es trans, noir et queer, tu comprends que le mythe de l’amour romantique exclut certaines personnes. (…) Je fais partie de ces gens et cette chanson, j’ai envie de la leur dédier. »
L’émotion monte d’un cran avec « Unique en son genre ». Sa voix vacille, il pleure. Ici, pas de façade, pas de calcul. Juste une vérité brute qui traverse la salle. Lorsqu’il conclut son set avec « Plus vieux », il laisse tomber cette phrase comme un testament : « Écrire sur ce qu’on a vécu, c’est toujours une victoire. »
Une entrée en scène digne d’un sacre
Puis à 21h, la salle plonge dans le noir. Un murmure, un frisson. Sur l’écran en fond de scène, des images d’archives : Frieda enfant, ses yeux d’hier scrutant ceux du public d’aujourd’hui. Sur scène, ses musiciens apparaissent, Tony aux chœurs, Edisson au clavier, Milan à la batterie, avançant avec des bougies comme pour un rite sacré. L’attente explose en cris lorsque Frieda surgit, irradiant la scène.
La salle bascule dès les premières notes de « Freedom ». Les chœurs gospel enflamment l’espace, la rythmique drum’n’bass pulse comme un battement de cœur collectif. Un hymne, un cri. Le public scande chaque mot, et les applaudissements s’étirent bien au-delà de la fin du morceau, comme si personne ne voulait rompre l’instant.
Une ascension entre lumière et catharsis
« Je suis fatiguée de prétendre que tout va bien, que je suis toujours performante, toujours solaire, j’ai envie de dire la vérité, même si ça me demande de parler des choses qui m’incommodent et particulièrement de cette petite voix qui adore me répéter, quoi que je fasse, que je ne suis « Jamais parfaite« … » avant d’entonner la chanson en question où elle exorcise cette quête impossible de perfection. L’énergie monte encore d’un cran avec « Maladie », morceau cathartique sur les addictions, ces chaînes invisibles qu’on peine à briser. Portée par l’instant, elle fait tomber son manteau sous les acclamations, révélant une robe bleue sans manches. Le geste est presque symbolique, comme si elle se délestait du poids des injonctions pour s’offrir pleinement à la scène.
Elle esquisse quelques pas avec Tony sur « Roses », rejoints par Jérémy à la guitare, son complice de studio. Le morceau, déjà fort sur disque, prend ici une ampleur inédite. Le public hurle, comme libéré avec elle. Puis, elle lâche : « Vous êtes beaucoup trop chauds, demain je reviens… » Tandis que sur « Potentialité », elle danse comme pour illustrer la libération progressive de cette pression de « toujours mieux faire ». Elle quitte alors la scène et descend dans la fosse, fusionnant avec son public. À ce moment précis, il n’y a plus d’artiste, plus de spectateurs. Juste une communion, une célébration collective.
Un final en larmes et en lumière
L’un des sommets émotionnels du concert survient avec « Glory », interprété avec Pierre et la Rose. La salle retient son souffle. Impossible de ne pas être touché : les voix s’entrelacent, les regards se cherchent, les larmes coulent sur scène comme dans la salle. À la fin du morceau, les deux artistes s’embrassent en larmes, comme si chaque note, chaque parole venait de purger un trop-plein d’émotions. Puis les invités affluent : Gildaa, Juliette, et Sophye Soliveau la rejoignent sur scène pour une version magistrale de Freedom. À tour de rôle, ils prennent le micro, tandis que la salle reprend le refrain en chœur, frappant dans ses mains comme dans une église en transe.
Ultime moment de grâce : seule, dans un silence absolu, Frieda entonne a cappella le titre éponyme, « Derrière le soleil ». Plus rien ne bouge. Sa voix, nue, résonne dans l’espace comme un dernier aveu, un dernier souffle. Le public, hypnotisé, ne bouge plus. Jusqu’à l’ovation finale, immense, totale. Elle salue, entourée de ses musiciens et de Pierre et la Rose. L’instant semble trop beau pour finir. Alors, une dernière folie : elle demande à tout le monde de s’accroupir, attend le silence… puis donne le signal. La salle explose une dernière fois. Et cette fois, c’est vraiment la fin.
On a vu des concerts vibrer à La Boule Noire, mais rarement avec une telle intensité. Il ne s’agissait pas d’un simple show, mais d’une véritable expérience spirituelle, entre messe gospel et exutoire collectif. Frieda a fait de cette scène un écrin pour ses vérités, un sanctuaire où elle ne triche pas. Cette release party ressemblait à un exorcisme doux où, à travers sa propre histoire, elle donnait à chacun la permission de se libérer. Une certitude demeure : après un tel sacre, la prochaine fois, ce ne sera plus La Boule Noire. La Maroquinerie semble être l’étape logique. Mais avec une ferveur pareille, on l’imagine déjà viser encore plus haut. Et pourquoi pas La Cigale juste à côté ?
