Plan F, le premier album de Jaco est enfin disponible, un mélange audacieux d’électro-pop, de sincérité et de révolte. Un voyage musical où l’artiste célèbre l’identité sous toutes ses formes

Il a fallu du temps à l’auteur de cette chronique pour être lui. Des années à prétendre, à composer avec des désirs qu’il ne pouvait pas avouer, à jouer un rôle que la société attendait de lui. Et puis un jour, il a compris qu’il n’y avait pas de plan A, B ou C. Il n’y avait que lui, et la nécessité d’être en accord avec ce qu’il est. C’est précisément ce que Jaco raconte dans Plan F, un premier album électro-pop incandescent où se mêlent introspection, affirmation de soi et réconciliation avec un passé longtemps muselé.

Dix ans après s’être fait connaître à La Voix, Jacques Rousseau, devenu Jaco, dévoile un projet profondément personnel, façonné par une décennie de questionnements et d’expériences. Plan F, c’est la bande-son d’une identité qui s’est construite au fil des détours, des erreurs et des réinventions. C’est aussi un pied de nez aux cases dans lesquelles on nous enferme. « Le plan A est devenu plan B, puis de B c’est passé à C, D, E… FUCK !! » chante-t-il dans « Moi », un morceau cathartique qui résume le cœur battant de l’album : assumer pleinement qui l’on est, sans compromis.

Une pop électro audacieuse et libératrice

Musicalement, ce premier opus est un kaléidoscope de sons et d’influences : électro-pop lumineuse (Ici), pulsations trap (Hétéro), clins d’œil à la chanson française et à l’opéra, textures inspirées des jeux vidéo… Jaco refuse la linéarité, à l’image de son parcours. Chaque morceau est un fragment d’un puzzle identitaire, une pièce d’un récit où la fluidité est reine.

Sur « Hétéro », il évoque l’amour empêché, l’inaccessibilité d’un homme qui se débat avec sa propre orientation, comme un écho aux non-dits qui ont pu hanter nos adolescences. L’utilisation d’échantillons de propos homophobes issus des médias ajoute à la tension du morceau, transformant la musique en un cri de résistance contre ces mots qui blessent et formatent. À l’opposé, « Come To Daddy » joue la carte d’une sensualité plus assumée, comme pour exorciser ce que l’on n’a pas osé vivre plus tôt.

Avec des titres comme « Femme » ou « Pains au chocolat », il s’amuse aussi à déconstruire les codes de la pop francophone, mêlant impertinence et profondeur. Il danse sur le fil entre l’intime et l’universel, entre la légèreté et le poids des non-dits. L’album ne s’excuse jamais, il prend la place qu’on lui refusait, comme un corps qui s’étire après des années passées à se contenir.

Le pied de nez au passé

Sur la pochette de Plan F, Jaco est entouré de personnages marqués des lettres A, B, C, D, E, lui arborant fièrement un F sur son mini t-shirt blanc. Il sourit, enfin à sa place, après avoir essayé tous les autres plans. L’image est forte, ludique et parlante : il n’y a pas d’échec, juste des chemins détournés vers l’authenticité.

Il y a quelque chose d’émouvant à entendre un artiste prendre possession de son récit avec une telle liberté. Comme si cet album était un dialogue avec celui qu’il a été, avec l’enfant qui doutait, avec l’adulte qui s’est trop longtemps caché. Comme si Plan F venait réparer les silences, réécrire une histoire dans laquelle le héros n’a plus à se travestir pour plaire aux autres.

En écoutant Jaco, je pense à toutes ces années où j’ai fait semblant. À ces instants où j’ai cru qu’aimer autrement était un défaut. Aux détours que j’ai pris pour me cacher, aux compromis que j’ai faits pour rentrer dans le moule. À ces chansons que j’aurais aimé entendre plus tôt… Mais Plan F me rappelle une chose essentielle : il n’est jamais trop tard pour se retrouver, vivre pleinement, et sans concessions. Et ça, croyez-moi, ça change une vie.