Double Exposition, le premier album de Radio Polo est là. Douze titres comme autant de clichés sonores entre rock, poésie lo-fi et instants suspendus.
Depuis janvier, on suit de près l’arrivée de Radio Polo sur la scène francophone. « Café serré » avait ouvert la marche, urgent et nerveux, un rock franc aux relents protopunk. Puis « Nouveau Vélo » avait opéré un pas de côté, plus aérien, presque flottant. Enfin, « Lumière Tamisée », dernière respiration avant l’album, révélait un crooner feutré, guidé par la sensualité d’un soir d’été.
Ces trois singles formaient déjà une sorte de mini-récit sonore, annonciateur d’un univers aussi varié que singulier. Avec Double Exposition, son premier album sorti le vendredi 4 avril, Radio Polo confirme : il ne rentre dans aucune case, et c’est précisément ce qui le rend essentiel.
À contrejour
Composé de 12 titres pour 49 minutes de musique, ce premier opus a été intégralement écrit, enregistré et mixé dans son salon bruxellois, puis sublimé par le mastering de Rémy Lebbos (Nicolas Michaux, Dan San). Un choix qui illustre bien la démarche de Paul Verdelet, alias Radio Polo : faire de la contrainte un terrain d’invention, refuser les standards lissés pour préférer le grain de l’intime. C’est un album qui respire, qui vit, qui tremble parfois, mais qui ne triche jamais.

Le titre, comme la pochette, fait référence à l’autre passion de l’artiste : la photographie argentique. Offert par son père, l’appareil familial devient un totem, un déclencheur d’inspiration autant qu’un outil symbolique. Les chansons sont pensées comme des clichés sonores : elles capturent des fragments de vie, parfois minuscules, souvent intimes, toujours sincères. Il y a dans cette approche une manière de composer à l’ancienne, mais avec un regard neuf, curieux, poétique.
Les titres s’enchaînent comme des tirages en chambre noire : « Bidart » ouvre l’album comme on claque une porte de voiture avant de prendre la route, « Défiance en Moi » gronde dans les tripes, « Les Regrets du Mec Bourré » oscille entre dérision et lucidité nocturne. Plus loin, « Regard Dans Le Vide » et « Doux Mémo » distillent un spleen doux-amer, alors que « Stratosphère » clôt l’album sur un souffle aérien, presque cosmique.
Ce premier album n’est pas parfait, il ne cherche pas à l’être. Mais il est juste, singulier, et profondément humain. Il traverse des états, des ambiances, des saisons intérieures. Il parle de regards, de lieux, de sensations fugaces. C’est un disque qu’on n’écoute pas d’une oreille distraite : il se vit comme on feuillette un vieil album photo, avec un mélange de tendresse, de nostalgie et de vertige. Un premier album à part, à la fois modeste et ambitieux. Et si c’était ça, le vrai renouveau du rock francophone ?
