Ratés à Mythos, retrouvés à l’Olympia, attendus au Printemps de Bourges : The Limiñanas ont offert jeudi dernier un set incandescent, cinématographique et hypnotique. Dans une salle comble et moite, entre fuzz, vidéos stroboscopiques et invités de luxe, le duo catalan a emmené le public dans un trip garage-rock sans retour.

Jeudi dernier. Paris. Il fait doux, le ciel est clair, le soleil commence à décliner sur les toits du boulevard des Capucines. On arrive devant l’Olympia vers 20h10, une longue queue serpente sur le trottoir du boulevard des Capucines. Des couples, des potes, des fans venus seuls, capuche sur la tête ou blouson en cuir vissé aux épaules. Dans les discussions, un nom revient comme un mot de passe : The Limiñanas. Sur la façade légendaire de l’Olympia, leurs lettres rouge sang brillent dans la pénombre, accrochées entre l’histoire et l’impatience.


Les lettres rouges éclatantes sur la façade mythique de l’Olympia qui annoncent : THE LIMIÑANAS.

On attend notre tour pour franchir les portes. Le soleil se couche, mais nos regards sont tournés vers la scène à venir. On entre enfin, happés par les néons rouges et le velours épais de l’entrée. L’intérieur de l’Olympia grouille déjà. Ça cause fort, ça scanne les t-shirts au merch, ça s’échange des bières, ça balance des pronostics sur les invités du soir. Dans les escaliers, des gens descendent quatre à quatre pour rejoindre la fosse. Nous aussi, on veut en être.

Derniers éclats de Juniore

Quand on arrive dans la salle, il faut jouer des coudes pour se faufiler. La fosse est déjà dense, compacte, l’atmosphère chargée. Sur scène, Juniore est déjà en place, concentré, dans son ambiance rétro-chic. On n’assistera qu’aux six dernières minutes, juste de quoi capter leur groove rétro-cool, et le charisme d’Anna Jean. À 20h28, la première partie s’achève.

Anna Jean

20h30. La première partie s’achève dans un tonnerre d’applaudissements polis mais sincères. Une partie de la salle commence à bouger. Les uns se ruent vers les toilettes, les autres foncent vers les bars qui sont immédiatement pris d’assaut. La bière coule à flots, ça trinque dans la lumière tamisée, on sent déjà la montée collective, cette fébrilité d’avant orage. Des gens comparent les dates de tournée, d’autres ressortent leur téléphone pour checker la setlist ou raconter en live sur Insta. Trente minutes d’entracte où l’on patiente, on anticipe, on espère.

Faded mais incandescents

Et au milieu de cette agitation, une idée revient : On les a ratés au festival Mythos, et franchement, on s’en est voulu. Grave. Alors ce soir, pas question de manquer le rendez-vous. On est là, à l’Olympia, pour notre tout premier live des Limiñanas. Autant dire qu’on avait les crocs. Salle blindée, ambiance déjà moite à 20h30, et la promesse d’un concert complet, entre cinéma noir, garage fuzz et hommages électriques.

21h. Noir total. Six silhouettes montent sur scène. Marie, toujours impériale derrière les fûts, lance les hostilités avec « Spirale », plage instrumentale hypnotique, extraite du nouvel album Faded, sorti en février. À ses côtés, Lionel, en transe, fait rugir sa guitare. Sur ce disque, The Limiñanas ont encore élargi leur galaxie : Bobby Gillespie, Jon Spencer, Rover, Anna Jean, Bertrand Belin… une armée d’invités, dont certains sont là ce soir. L’univers est dense, mais jamais confus, chaque morceau est une pièce d’un film mental que Lionel et Marie déroulent sous nos yeux.

Une dream team à l’assaut de l’Olympia

Sur scène, c’est Tom Gorman (ex-Killed the Young) qui assure le chant principal, avec charisme et rage contenue. Clémence Lasme à la basse et aux chœurs tient la structure avec une précision implacable, pendant qu’Alban Barate tisse les nappes au Mellotron. Mention spéciale au vétéran Keith Streng des Fleshtones, qui vole presque la vedette avec ses poses rock’n’roll : guitare derrière la tête, duckwalks déjantés, cabri en feu. Le mec est possédé.

Ils balancent leur nouvel album Faded en ouverture. « Prisoner of Beauty », « Shout » (avec Rover qui entre sur scène comme un missile). Puis débarque Bertrand Belin, toujours aussi magnétique, pour « J’adore le Monde », son texte déclamé sur une boucle psyché-électro en tension. Marie prend le micro sur « Down Underground » et « Salvation », et sa voix contraste à merveille avec l’orage électrique derrière elle.

Emmanuelle Seigner surgit pour « Shadow People », frisson garanti. Et même sans Peter Hook, « The Gift » est un moment de grâce cold wave. Le public, majoritairement quadra, est à bloc.

Final de western électrique

Ils enchaînent « Istanbul Is Sleepy », une reprise sauvage de « TV Set » des Cramps, « Rocket USA » du duo Suicide, et finissent leur set avec « Je rentrais par le bois », tiré de leur projet De Película avec Laurent Garnier. Puis le rappel. Ils quittent la scène, mais reviennent quelques minutes plus tard sous une ovation. « El Beach », « What Goes On » (le Velvet ressuscité le temps d’un morceau), et enfin « Vadutz », ultime descente psyché dans les méandres de leur monde.

22h40. Les lumières se rallument. On flotte encore. Les visages ruisselants de sueur, les mains levées, les cris d’amour. Et là, ils reviennent saluer. Serrés, trempés, fiers. Emmanuelle Seigner et Bertrand Belin à leurs côtés. Tous en ligne. Derrière eux, en lettres rouges éclatantes sur l’écran : THE LIMIÑANAS.

Image finale. Gravée. On a attendu. On n’a pas été déçus. On les a enfin vus sur scène. Et ce n’est que le début : rendez-vous au Printemps de Bourges, le 18 avril.