Première fois à Bourges, salle comble, frissons garantis. Barbara Pravi a fait du Printemps sa maison le temps d’un concert brûlant de vérité. En toute intimité, elle a tout donné, avant de retrouver son public à l’Olympia ce 17 avril (complet).
Une voix s’élève avant qu’on ne voie le corps. Quelques pas plus tard, la silhouette se dessine : robe noire à manches courtes, regard frontal, pieds ancrés. Barbara Pravi entre en scène comme on entre dans une chambre familière. Sans fard, sans fioritures. Juste « Voilà », ce morceau devenu signature, chanté presque a cappella, à ses côtés, Thomas au piano, seul complice de cette entrée suspendue, brûlante de sincérité. Sans effets, sans décor, juste la parole et le souffle.
Un concert comme un manifeste
Ce 15 avril, pour sa toute première venue au Printemps de Bourges, elle ne fait pas dans l’ornement. « J’aime dire que quand j’arrive quelque part, je transforme la salle en ma maison. » Ce soir, elle le dit sur scène, mais c’est surtout ce qu’elle fait. Avec une intensité rare. À chaque seconde, on sent une artiste qui ne joue pas, mais qui vit ce qu’elle dit. « J’ai longtemps été dans une forme de maîtrise, de cérébral. Aujourd’hui, je veux du brut, du vivant, du sensible », nous confiait-elle avant le concert.
Ce rapport à la scène, Barbara Pravi le façonne depuis des années. Dès le confinement, en 2020, elle nous accordait une première interview. À l’époque, elle écrivait seule chez elle, à la lumière d’un monde à l’arrêt. Elle parlait déjà d’engagement, de féminisme, de vérité. Mais depuis, tout a changé. L’Eurovision, l’Olympia, les tournées. Et pourtant, rien n’a été perdu en route. Ce qu’elle cherche maintenant, c’est la déflagration. « Quand j’écris, tout part du texte. C’est le socle. Mais sur scène, j’ai envie que tout vienne du corps. Que ce soit viscéral. »
La Pieva comme cri du ventre
Après « Voilà », elle enchaîne les titres de La Piéva, son deuxième album, qu’elle a conçu comme un cri du ventre. « J’étais dans un moment de tension très forte quand je l’ai écrit. Je ne comprenais pas ce que j’étais en train de vivre. J’avais besoin de sortir quelque chose de viscéral. » Ce mot revient souvent chez elle : viscéral. Il dit le corps, l’impulsion, l’authenticité sans habillage.
Barbara Pravi a cette capacité rare à s’exposer sans se mettre en scène. Lorsqu’elle revient, plus tard, en ensemble noir échancré pour « Exister », elle ne joue pas la fièvre : elle est la fièvre. « Ce morceau me met dans un état presque second. Il y a une part de moi qui prend toute la place, et je me laisse traverser. » Elle tremble, secoue la tête, ferme les yeux, fait vaciller ses bras et sa voix. Rien n’est décoratif. Elle est dans le don total.
Les musiciens, eux aussi, participent à cette montée : Thomas au piano, Félix à la batterie, Jef à la basse, Élisa à la guitare. Un quatuor resserré, complice, au service d’un concert pensé comme un manifeste. À travers La Piéva, son dernier album, Barbara Pravi poursuit une quête. De l’intime, du corps, de la liberté. Marianne, par exemple, s’inscrit dans son rituel annuel : « Chaque 8 mars, je sors une chanson ou une reprise dédiée aux femmes. Ce n’est pas un geste marketing, c’est une nécessité intime. »
Ce soir, elle la dédie à « toutes les femmes qui n’ont pas le droit de vivre comme elles l’entendent ». Le public applaudit, mais elle ne cherche pas l’effet. Elle affirme.
Sur « Fantasme moi », interprété dans une robe rouge presque collée à la peau, le désir devient langage. Si tout part en ruine, elle le chante avec calme, presque comme une prière. Puis elle termine avec La Piéva, le titre central de son dernier album (« piéva » signifiant « chienne » en serbo-croate, langue de sa grand-mère maternelle.) Une chanson rugueuse, électrique, comme un autoportrait en négatif.
Le regard vers l’autre
Juste avant de monter sur scène, elle glissait un « Bravo Emma », une pensée sincère à Emma Peters, qui a ouvert la soirée avec délicatesse. « J’admire les artistes qui chantent leur époque, qui s’exposent sans filtre. » Une attention simple, sans mise en scène, comme un miroir de son propre rapport au monde.
Il y a chez elle une force d’évocation rare, qu’elle nourrit aussi d’autres arts. Le cinéma, notamment. « Je voudrais vraiment faire des films. Prendre le temps, vivre dans un autre rythme. Ce que je fais sur scène me prépare à ça. J’ai besoin de raconter, mais pas seulement en chansons. » Elle cite Pina Bausch, Patti Smith, les textes de Léo Ferré et les pulsations punk. Ce mélange, elle en fait un langage. Le sien.
Le Printemps de Bourges marque donc une première pour elle, mais elle n’est pas seule à débuter ici : « C’est drôle, non ? Polnareff aussi joue ici pour la première fois ce soir. C’est fou. » Elle rit doucement. Et puis : « J’ai grandi avec les textes, pas les mélodies. J’aimais Ferré, Barbara, Brel. Chez eux, tout est dans l’intention. Je crois que c’est ce que je cherche aussi. »
Et comme une passation d’énergie, c’est Michel Polnareff qui lui succédait sur la grande scène. Autre première fois à Bourges, autre légende en mouvement. Barbara, elle, n’a pas besoin de légende. Elle préfère brûler. Et ce soir, elle a mis le feu, sans fard, sans peur, et surtout, sans jamais quitter la vérité.
Un Olympia déjà complet
Le 17 avril, elle jouera à guichets fermés à l’Olympia. Elle s’y prépare avec joie, mais sans solennité : « Ce ne sera pas une consécration. Ce sera une fête. J’ai envie que les gens ressortent en se disant : je me suis senti vivant. » Ce vœu, elle l’a déjà exaucé à Bourges. Entre l’intime et le politique, entre le chant et le cri, Barbara Pravi a tout donné. Et elle n’a rien joué.

Beau papier sur Barbara, une artiste incroyable. Cependant il y a deux erreurs dans le texte :
« La pieva » ça veut dire « la chanteuse » ou « la conteuse ».
Sa grand-mère n’était pas serbe. C’est son grand-père qu’elle appelle « Deda » qui est serbe et à émigré en France.
« La pieva » c’est le nom qui était donné à une ancêtre qui était serbe tzigane, qui voyageait de village en village pour vendre de la marchandise et qui été appelée ainsi parce qu’elle chantait le soir au coin du feu. Son nom est à l’origine du vrai de Barbara « pievic » qui veut dire les enfants de la chanteuse.
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