Yorina revient avec Blood Rush, un projet électro-pop intime qui explore les liens profonds entre corps et esprit, et porté par une voix qui sait murmurer l’essentiel.
Une silhouette floue, presque spectrale, se détache dans un noir et blanc granuleux. Sur la pochette de Blood Rush, Yorina regarde l’objectif sans vraiment s’y ancrer, comme si elle s’apprêtait à disparaître. Et pourtant, en plein centre, éclate ce rouge intense : Blood Rush. Le sang, les nerfs, le souffle. Tout ce que l’image ne montre pas, mais que la musique viendra révéler, une mise en lumière de l’indicible.
Dans un monde saturé d’artifices, ce nouveau mini-album de Yorina, surgit comme un souffle chaud sur la peau, un frisson venu de l’intérieur. Composé de neuf titres, ce disque est une cartographie intime, viscérale, de l’émotion humaine. Un journal à cœur ouvert, traversé de silences éloquents, de vibrations électro rêveuses et d’une voix qui semble toujours sur le fil, fragile mais incandescente.
Un cri doux, un corps qui parle
Après avoir distillé au compte-goutte des morceaux comme « Bitter Taste of You », « Memory Flood » ou « Where You Came From », Yorina livre ici le cœur du voyage. Ces trois titres formaient déjà une trame émotionnelle dense, entre douleur digérée et mémoire vive. Le goût amer d’une relation toxique, la tendresse empoisonnée des souvenirs qui résistent au temps, la quête de racines quand tout vacille… Mais les inédits de Blood Rush sont ceux qui plongent le plus profondément dans l’intime, là où la peau ne protège plus de rien.
« 4ever 2gether » est peut-être la piste la plus lumineuse de l’EP. Un moment suspendu, comme capturé dans une bulle de coton. On y devine une fusion amoureuse, un effacement du monde extérieur. Yorina y chante la présence totale de l’autre, cet instant précieux où le présent devient éternité. C’est doux, enveloppant, comme une respiration partagée. À l’inverse, avec « Hi and Goodbye », le corps reprend le pouvoir. Il dit non avant même que la tête ne comprenne. Le morceau raconte ce moment de rupture salvatrice avec une personne toxique : un réveil instinctif, presque animal.
Mais c’est sans doute dans « Oh Sebastian » morceau dédié à son frère disparu, que Blood Rush atteint son sommet émotionnel. Une chanson comme une lettre jamais envoyée, un rêve récurrent devenu mélodie. Là, Yorina nous tend la main, nous plonge dans ce manque irrémédiable et universel. C’est bouleversant de sincérité.
Enfin, « BloodRush », l’interlude-titre, vient refermer ce parcours comme une pulsation. Un battement qui réunit tout ce qui précède : la joie, le doute, la perte, la lumière, la fuite. C’est presque un morceau-fantôme, une trace. Et pourtant, il laisse une empreinte indélébile.
Se libérer par l’instinct
Réalisé avec la complicité de Dan Levy, compagnon de vie et d’art, mais aussi de Holseek et Warner Case, dans l’intimité d’un studio isolé à la campagne, Blood Rush déploie une ambiance onirique, entre indie, synth pop, et électro sensible, dans la veine d’une pop introspective à la française, quelque part entre James Blake, Christine and the Queens et FKA Twigs.
Yorina signe ici un manifeste de vulnérabilité assumée. Elle ne cherche pas à guérir ses blessures, mais à les transformer en textures, en harmonies, en vertiges. Elle nous tend la main, en douceur, pour nous faire traverser ses paysages intérieurs. Un mini-album, certes, mais une œuvre majeure pour celles et ceux qui ont déjà senti leur sang se précipiter au rythme d’un souvenir.
