Une voix, une guitare, et des vérités qui claquent : On l’avait manqué à l’Olympia. On l’a retrouvé samedi soir à Bourges. Noé Preszow a fait danser nos colères et vibrer nos silences. Retour sur un concert incandescent.

La dernière fois qu’on avait vu Noé Preszow sur scène, c’était l’été dernier, au bord du lac du Bourget, à Musilac. Il faisait chaud, les montagnes veillaient en arrière-plan, et déjà, il avait réussi ce tour de force rare : nous retourner le cœur tout en faisant trembler nos jambes. Depuis, on guettait chacun de ses pas. On avait noté la date de son Olympia, le 11 mars. Coché en rouge dans le calendrier. Et puis la vie a débordé, on a raté le coche. On s’en veut encore.

Alors ce samedi 19 avril, au Printemps de Bourges, on était là bien avant l’heure. Pour ne pas louper une seule seconde. Le ciel de Bourges s’est peut-être assombri, mais dans la salle du 22 Est & Ouest, c’est un autre type d’éclaircie qui s’annonce. Guitare en bandoulière, Noé Preszow entre en scène, les traits tirés mais le regard brûlant. Ce n’est pas un simple concert qui débute : c’est un rendez-vous. Un moment de vérité. Une rencontre urgente entre un artiste qui croit encore au pouvoir des mots et un public qui n’attend que ça.

Noé Preszow au printemps de Bourges le 19 avril 2025

Quand l’intime rencontre le monde

La première salve s’appelle « À force », et c’est exactement ça : une force, une montée d’adrénaline immédiate. Pas de décor spectaculaire, pas d’artifices, juste une voix, un micro et une guitare qui claquent. Ça chante dans la salle, ça danse même. On se regarde entre spectateurs, on sait qu’on a bien fait de ne pas le rater cette fois.

Et il enchaîne avec « L’intime et le monde », le titre d’ouverture du deuxième album. On le sent chez Preszow, l’intime est politique, et le politique est profondément humain. Ses chansons ont cette capacité rare de mêler les doutes personnels aux colères collectives. Et dans ce savant mélange, il parvient à tracer un chemin où chacun se reconnaît. Comme une ligne de crête entre fragilité personnelle et combat collectif. Une chanson qui dit les reculs, les élans, les pas de côté de l’existence. Et déjà, on sent que ce concert sera une traversée.

Et puis soudain, « Comment fais-tu pour vivre ? ». Là, tout s’ouvre. Les bras, les voix, les corps. Le public est en furie douce. C’est viscéral. Un des morceaux les plus puissants du set. Il y a ce moment, on ne sait plus très bien à quel instant, où Noé et ses musiciens partent dans un final à la guitare, presque sauvage. On sent qu’ils jouent comme s’ils avaient tout à perdre.

Noé Preszow au printemps de Bourges le 19 avril 2025

Un artiste sans ambiguïté face à l’extrême droite

Mais Preszow ne fait pas que jouer, il dépose des balises, des alertes, des vérités. Il saisit son micro. Il parle doucement. « Mon inquiétude, aujourd’hui, c’est la montée de l’extrême droite. Partout. » Et sans transition, il balance « Juste devant ». Les mots frappent. Le rythme secoue. Aucun prêche, pas de leçon, une chanson comme un cri. Une ligne de résistance. Il la joue partout, il l’explique. Pas de compromis. Et pourtant, dans le refrain, tout le monde se met à chanter les « oh oh oh » comme une incantation joyeuse. C’est là sa force : parler de ce qui brûle sans jamais éteindre la lumière.

Un peu plus tard, changement d’énergie. Il lance avec malice : « Si vous avez des comptes à régler, cette chanson est pour vous. » Un avertissement ? Une promesse. Et c’est « Prière de ne pas déranger » qui explose dans les enceintes. Une invitation à couper avec le monde digital, les écrans, les sollicitations permanentes. À revenir à l’essentiel. Dans la salle, ça saute, ça hurle. Ce n’est pas un moment calme, c’est une libération.

Noé Preszow au printemps de Bourges le 19 avril 2025

Une lumière dans la tempête

Et puis, comme une respiration lumineuse : « Que tout s’danse ». Une chanson douce-amère, extraite de son premier album À nous. Elle parle de la difficulté à trouver sa place dans le tumulte, de cette danse imposée qu’on subit parfois plus qu’on ne choisit. Mais elle brille, elle guérit. Elle donne la force de continuer. Comme souvent chez Preszow, l’éclairage est doux mais les contours sont tranchants. Et pourtant, la salle danse.

À ses côtés sur scène : Martin à la batterie, Alice à la basse et aux claviers, Brice à la guitare. Trois musiciens au service d’une urgence, d’un souffle. Ensemble, ils forment un bloc, un front, un groupe. Rien n’est laissé au hasard, et pourtant tout semble vivant, organique.

Les musiciens de Noé Preszow au printemps de Bourges le 19 avril 2025

Une sortie vibrante

Le set approche de sa fin. Beaucoup s’attendent à « Charlotte » en clôture. Et puis non. C’est « 27 », ce titre coup de poing extrait de Prèchof. Une chanson de seuil. De passage. De compte à rebours peut-être. La tension monte, la voix de Noé se tend, puis se brise presque. Il est 23h03 quand il salue, la main sur le cœur. Standing ovation (debout ou pas, on aurait applaudi pareil). Ses musiciens restent encore quelques secondes, livrant une dernière joute instrumentale comme un feu d’artifice sans étincelles mais avec le cœur.

On sort sonné. Chargé. Vivant. Noé Preszow n’a pas seulement donné un concert au Printemps de Bourges. Il a ouvert une faille. Et dans cette faille, il a mis des mots, des cris, des rêves, des colères. Et nous ? On est entré dedans. Volontiers.