Dans son nouvel album disponible depuis ce 25 avril, Marie-Flore ne chante pas l’amour parfait, elle touche là où ça fait vrai. « Ex æquo » c’est onze titres, onze uppercuts. Et on les prend tous en pleine poitrine.

Je pourrais dire que je l’attendais. Mais la vérité, c’est que je comptais les jours. Ex æquo, le 3e album de Marie-Flore, dévoilé ce 25 avril chez 6&7, est de ceux qui vous regardent droit dans les yeux et ne clignent jamais. C’est un miroir tendu à celles et ceux qui ont aimé, perdu, résisté.

Je me souviens du choc Braquage en 2019. Elle avait braqué mon cœur sans prévenir. Depuis, chaque titre, chaque sortie, chaque live a renforcé cette espèce de lien invisible qu’on tisse avec une artiste qui écrit ce qu’on vit sans qu’on ait eu besoin de le dire. Les singles déjà sortis, « Quelques centimes », « Tout dit », « Ex æquo » ont planté le décor. Ils ont ouvert la voie, comme des éclaireurs sensibles. Mais ce n’était qu’un avant-goût. L’album complet offre une vue panoramique, et croyez-moi, la claque est belle

Des chansons comme des uppercuts

Marie-Flore ne chante pas l’amour rêvé, elle chante ce qu’il reste quand l’illusion s’efface. Elle écrit les caresses amères, les silences pleins, les regards qui blessent autant qu’ils retiennent. Ex æquo dissèque les relations au scalpel, avec une lucidité parfois brutale, une ironie fine, un regard toujours juste. C’est le moment du basculement, cet instant flou où rien n’est encore fini, mais plus rien n’est vraiment là. Un album de face-à-face, entre deux êtres, entre le désir et le désespoir, entre la tendresse et la fuite.

Et musicalement, c’est à son image, contrasté et intense. On sent l’empreinte rock, brute, directe, un héritage à la Velvet Underground qui tape juste. Mais il y a aussi cette grâce inattendue, cette orchestration délicate qui vient sublimer les douleurs. Une dualité parfaitement maîtrisée, née d’une collaboration étroite avec Marlon B (Juliette Armanet, -M-, Eddy de Pretto).

Des émotions à nu sur un ring

Mercredi dernier, lors de la release party, Marie-Flore n’est pas montée sur scène, elle est montée sur un ring. Pas de métaphore ici, juste une mise en scène aussi forte que les textes qu’elle chante. Claviers, micro à la main en guise de gants, lumière tamisée, elle a livré ses chansons comme on livre un combat. Droit au cœur.

À l’image du disque, « Je pars » a ouvert le bal ou la bagarre. Montée lente aux claviers, presque cinématographique, puis l’explosion de la voix à 1 min 07, comme une vérité qu’on avait tenté d’étouffer. Une entrée en matière comme une fracture nette. Le ton était donné. Tu sais que tu vas rester là, suspendu, pour les trente-six minutes suivantes.

« Promis juré », c’est un autre type de vertige. Plus dansant, plus lumineux en apparence, mais l’ironie est fine. C’est l’histoire d’un pacte qu’on scelle en sachant très bien qu’on ne le tiendra pas. Et pourtant, pendant quelques minutes, le corps suit, les épaules se mettent à bouger, comme pour oublier. Elle l’a chantée comme on envoie une bouteille à la mer, avec panache, avec foi.

Et puis est venu « Tutto passa », et là, j’ai senti quelque chose se fissurer. L’italien glissé entre deux désillusions, les bouquins qu’on ne lit pas, ce qu’on se raconte pour ne pas avoir trop mal. C’est fin, c’est drôle, c’est triste. Une chanson qui n’essaie pas de consoler, mais qui fait du bien malgré tout. Un morceau qui serre fort sans étrangler. Et que dire de « Ftg » ? Elle y dit que l’amour ne trouve sa place que sur une moto sans casque. Tout est dans l’image. Une phrase et tu vois déjà le film, tu sens déjà le vent, tu sais déjà que tu vas tomber, mais tu montes quand même.

Le dernier round quant à lui à lieu sur un air « De nous deux ». Une sorte de bilan calme après la tempête, un point final sans colère, un regard en arrière qui ne juge pas mais qui constate. « De nous deux je retiens que comme se fut nul, comme se fut bien. ». L’ambivalence, le vrai, le vécu, il y a tout dans cette phrase. Une chanson douce et grave, un morceau qui clôt l’album comme on referme une lettre qu’on n’enverra jamais.

Une esthétique rouge maîtrisée

Sur les 11 titres de l’album, rien ne déborde, rien n’est en trop. Chaque mot est pesé, chaque émotion ciselée. L’amour y est vu comme une lutte, une tentative parfois perdue d’avance, mais toujours sincère. Ce que j’ai aimé aussi, c’est cette cohérence esthétique. La direction artistique signée par Lana Lemaire, vient boucler cette œuvre de fidélité, d’instinct et de passion. Le rouge, omniprésent, n’est pas qu’un choix visuel. Il incarne le feu, le sang, le cœur qui bat trop fort ou pas assez.

Alors oui, Ex aequo, c’est un disque qui parle de rupture, mais aussi de tout ce qu’il reste après le fracas. C’est sans doute son album le plus personnel, le plus cohérent aussi. Un disque d’attachement. À ce qu’on a été, à ce qu’on ne sera plus, mais surtout à cette artiste qui, depuis 2019, réussit à me parler mieux que moi-même.

À ne pas rater en live

Marie-Flore sera à La Cigale les 23 & 24 mai 2025, et en tournée dans toute la France. Si vous avez déjà été cueilli par Braquage ou Je ne sais pas si ça vaEx aequo vous touchera encore plus profondément. Et si vous ne l’avez jamais écoutée, il est grand temps de vous laisser surprendre.