On suit Lucie Valentine depuis « Scoop », en 2019. Aujourd’hui sort « Minuit moins toi« , un EP court et bouleversant, qui parle de manque, de mères, de mer, de ruptures et de renaissance. Cinq morceaux comme cinq étapes d’un retour à soi. Et toujours cette voix, qui dit vrai sans jamais en faire trop. 

On se souvient très bien de « Scoop ». C’était en 2019, dans notre rubrique des clips de la semaine. L’image nous avait arrêtés, la voix nous avait cueillis. On ne savait pas encore si c’était un frisson passager ou une rencontre durable. On sait maintenant. Lucie Valentine fait partie de ces artistes dont on prend des nouvelles autant qu’on écoute les chansons.

Cinq morceaux, cinq états d’âme

Aujourd’hui sort Minuit moins toi. Cinq morceaux comme cinq fragments d’un même vertige. Ce n’est pas un disque sur une rupture. C’est un disque sur ce qu’on devient quand le sol bouge, quand plus rien ne tient, sauf peut-être le timbre d’une mère à l’autre bout du fil, ou l’appel du large quand la terre ferme ne rassure plus. Lucie vient de vivre une rupture, mais ce qui l’intéresse ici, c’est ce qui reste après la secousse : les nuits agitées, les gestes automatiques, les mots qu’on ne dit à personne sauf à sa mère. Ce genre de vérité-là ne se chante pas en façade. Il faut la dire bas, au creux de l’oreille.

Il y a des nuits sans fin dans cette musique, mais aussi une promesse : celle qu’on peut tenir debout même les jours où l’on vacille. Ce qu’on entend ici ne cherche pas à plaire. Ce sont des pensées au bord du sommeil, des battements d’angoisse qu’on transforme en mélodie. C’est le courage de « ralentir » de dire stop, de demander qu’on nous prenne dans les bras sans avoir à s’expliquer.

Allô Maman, c’est moi

L’EP est court mais dense. Chaque titre sonne comme un moment qu’on reconnaît. Un jour où l’on décide de ne plus faire semblant. Un soir où l’on appelle à l’aide.

Il y a une chanson qui serre la gorge plus fort que les autres. « Allô Maman ». Ce n’est pas un exercice de style, c’est un message vocal laissé à quelqu’un qui nous connaît par cœur. Lucie n’enrobe rien. Elle dit qu’elle ne dort plus, qu’elle a peur, qu’elle voudrait rentrer. Elle ne joue pas la petite fille fragile, elle dit juste qu’elle est fatiguée de tout porter. Et dans cette franchise-là, il y a quelque chose de désarmant. Pas de pathos. Juste le vrai.

Un virage sans maquillage

L’écriture est plus directe qu’avant, peut-être parce qu’elle n’a plus rien à prouver. Par rapport à ses projets précédents, quelque chose a changé. Lucie s’autorise plus de dépouillement. Moins de contours. Elle laisse la place au tremblement. On l’a connue lumineuse, rêveuse, toujours juste. Là, elle est encore plus proche. Elle ne se regarde pas chanter, elle se raconte. Ce n’est pas moins travaillé. C’est plus cru. Plus chaud. Plus près.

Même l’arrangement suit cette mutation : touches électroniques, textures feutrées, mais jamais lisses. Chaque note semble posée pour soutenir la voix, pas pour la recouvrir. On est dans une forme de précision sans froideur.

Ce qui reste à minuit moins toi

Et enfin, arrive en dernier, « Minuit moins toi ». Seule véritable inédite, mais qui donne son nom à tout l’EP. Pas un hasard. Ce morceau scelle quelque chose. Le compte à rebours est passé. Elle est là, différente, mais debout. On entend dans sa voix quelque chose de neuf, comme un possible qui revient. Pas une joie folle, non. Plutôt une clarté. Une sorte de paix.

Visuellement, la pochette de l’EP dit beaucoup. Ce corps qui en enlace un autre, mais dont on ne voit pas le visage. Et elle, au premier plan, le regard tourné vers l’objectif, ni tout à fait abattue ni vraiment indemne. Une forme de calme après la tempête, une lucidité presque nouvelle.

Ce disque ne crie pas. Il confie. Il dépose. Il prend le temps. Il panse plus qu’il ne tranche. Il ne cherche pas l’effet, mais la justesse. Et quand tout s’éteint, on reste là, un peu plus apaisé, un peu plus vivant. On espère pouvoir la retrouver bientôt, pour prolonger ce moment, hors micro. Parce qu’après tout ce chemin suivi depuis 2019, ce serait bien de se parler, vraiment.