Pour sa 28e édition, le festival Les 3 Éléphants a tiré sa révérence sur la place de Hercé avec une dernière danse intense et électrique, grâce à une programmation qui a fait vibrer Laval jusqu’au bout de la nuit. On vous raconte cette édition charnière, avant le grand déménagement au square de Boston

Le rideau est tombé sur la 28e édition du festival Les 3 Éléphants, et avec lui, une page se tourne. La place de Hercé, théâtre emblématique des nuits lavalloises, a accueilli pour la dernière fois les concerts payants du vendredi et du samedi. Plus de grande scène en plein air. À la place, un chapiteau baptisé Le Patio, a offert un cocon vibrant pour les têtes d’affiche. Le jardin a cédé sa place à une autre atmosphère : Le Club, scène plus intime, mais tout aussi électrique. Et l’Arène este où elle a toujours été.

Ouverture tout en tension avec Club Mutant

C’est au hasard d’un détour par la promenade Anne-d’Alègre, au pied des remparts du château, qu’on fera connaissance avec le quatuor Club Mutant. Le groupe y déploie un rock francophone nerveux, tendu comme une corde raide entre rage et poésie. Le soleil décline lentement, les guitares grincent, les festivaliers s’échauffent. Laval nous accueille au son du chaos maîtrisé.

Club Mutant au pied des remparts du château, pour le festival les 3 éléphants le 16 mai 2025

Clara Ysé, le souffle d’ouverture

Retour sur la Place de Hercé. Clara Ysé, première apparition scénique en festival de l’année pour la chanteuse, qui monte sur Le Patio à 19h30. Voix écorchée, regard droit, corps habité. Dans un silence presque sacré, elle entame sa partition, puis déroule ses morceaux comme autant de fables modernes, à l’image de son titre à succès « Douce ». Le public est encore timide, mais déjà conquis. C’est une réussite pour ses musiciens et elle. 

Lucky Love ou la joie comme arme politique

On file de l’autre côté de L’Arène, où c’est Lucky Love qui est chargé de lancer les hostilités sur cette scène là. Veste en cuir, sourire franc, verbe engagé. Sa pop queer et radieuse percute. « Happier on My Own », « Masculinity », les hymnes s’enchaînent et transforment l’Arène en dancefloor libérateur. L’artiste, découvert par le grand public lors des Jeux paralympiques, offre ici une célébration de soi, de l’autre, de l’instant. Sur scène, il danse, s’amuse, rassemble. Il n’y a plus de frontière entre lui et le public lorsque vient en apothéose de ce voyage fédérateur, le très entraînant « Now I don’t need your love ».  Ses musiciens et lui reçoivent une grande ovation, à la hauteur du moment qu’on vient de vivre.

De l’autre côté du Club, une fanfare déboule. F’Pok, groupe à la croisée du brass band et du funk survitaminé, fait souffler un vent de Nouvelle-Orléans sur Laval. Loin des grands discours, c’est par la transe que passe le message. Les cuivres s’emballent, les corps aussi, ça tape fort, ça déborde même durant ce set festif et instinctif.

Théodora, la voix du métissage

Retour au Patio vers 21h20, où Théodora fait son entrée et le mot charisme prend un autre sens. En duo avec ses deux danseuses, la boss lady impose un show millimétré, sans jamais perdre en émotion. Elle enchaîne ses tubes à succès « Rebelle », « Prophéties », « Poupée Russe ». Le public est là pour elle, il le lui rend bien. R’n’B, électro, rap, hyperpop, elle fusionne les genres, les transcende pour créer une véritable esthétique. Une performance où tout est sincère, jusqu’au silence qui suit le dernier morceau.

On passe une petite tête du côté de l’Arène, où guitare à la main, Yodelice prend possession de la scène, entouré de ses machines. Son cinquième album, What’s the Cure? aux textures plus sombres, plus électroniques, laisse une place de choix aux machines. Le public suit, porté par la métamorphose.

Théodora sur la scène des 3 éléphants le 16 mai 2025

Double frappe : Roszalie vs Kaba & Hyas

Le Club accueille Kaba & Hyas peu après 22h pour un set hybride, mi-live mi-DJ, où la bass music rencontre des envolées trap sous stroboscopes. Ça cogne, ça percute.

Une heure plus tard au Patio, Roszalie propose tout l’inverse, une électro pop fine, ciselée, presque éthérée. Le trio rennais déroule un set planant, entre rêves et réminiscences. Deux ambiances, deux écoles. Le festival en équilibre entre la fête brute et la contemplation synthétique. Et pourquoi faire un choix quand on peut s’offrir les deux ?

Roszalie sur la scène des 3 éléphants le 16 mai 2025

De l’autre côté, L’Arène s’illumine à minuit lorsque Étienne de Crécy monte sur scène. Le parrain de la French Touch ne vient pas pour raconter des souvenirs, mais pour nous en mettre plein la vue et les oreilles. Visuels hypnotiques, sons taillés au pixel près, il balance une série de remixes surboostés. Pas une once de nostalgie, juste de la puissance, du groove et du son pour une foule est en lévitation.

Contrefaçon, le chaos comme conclusion

Dernier set au Patio. Contrefaçon arrive comme un raz-de-marée, en duo et non en quatuor et dérègle tout de suite. Leur set est une claque industrielle, un ballet de sons froids, de montées acides, de visuels glitchés. Le public plonge dans une transe abrasive lors que le chanteur vient au contact de la fosse. Ça saute, ça crie, bref tout le monde danse. En repassant devant cette scène quelques heures plus tard, on repense à la tempête  que c’était et on a un petit pincement au cœur en sachant que c’était la dernière, sur cette place.  

Contrefaçon sur la scène des 3 éléphants le 16 mai 2025

Samedi avorté, regrets assumés et adieu à la place de Hercé

La soirée du samedi devait prolonger la fête : TVOD, découvert aux Trans Musicales, devait rugir. Bagarre, messie de la pop énervée, avait carte blanche pour l’apothéose. Mais un imprévu a mis fin au voyage du reporter. Les rêves non vécus ont parfois plus de force que les souvenirs.

Plus de 35 000 personnes ont traversé Laval durant cette 28e édition. Un record. Une réussite. Une fin. En 2026, le festival déménagera au square de Boston. Nouveau terrain de jeu, même rage de créer. Laval ne perd pas un lieu, elle gagne un avenir. La musique continue et avec elle, Les 3 Éléphants aussi.