« Pas Assez« , le nouvel EP de Lancelot, c’est vingt minutes de fragilité assumée, de textes justes et de pudeur désarmante. Un EP court, fragile, honnête, porté par une voix qui ne crie pas mais qui reste.
Je me souviens très bien de cette sensation étrange. C’était le 12 décembre 2024, à l’Adidas Arena. Il portait un t-shirt rayé noir et blanc. La salle était encore en mouvement, le public pas vraiment installé, les lumières à peine baissées. Et lui est arrivé, tranquillement. Pas pressé, pas stressé, juste là. Il avait déjà fait plusieurs premières parties pour Hoshi, des Zéniths même, (Nantes, Angers), mais il dégageait encore ce truc bizarre, entre discrétion et force tranquille. Il n’avait pas besoin d’en faire trop. Un regard, une voix, un mot bien posé, et c’était plié. Le reste pouvait s’éteindre. Pas de décor, pas de personnage. Juste lui.
Depuis ce soir-là, son prénom m’est resté en tête. Lancelot. Il sonne comme un souvenir, mais il est là, bien présent. Il porte l’ancien dans un corps d’aujourd’hui. Son premier EP, Curriculum vitae, ouvrait déjà des failles, celles d’un garçon qui ne joue pas à l’artiste, qui préfère parler vrai. Une voix grave, des mots doux, des musiques simples. On sentait un équilibre fragile, comme s’il ne savait pas toujours s’il avait sa place. Sur Pas Assez, il ne demande plus s’il peut entrer.
Parler bas, toucher juste
Six titres, vingt minutes, et pas un mot de trop. Lancelot ne cherche pas à faire beau, il cherche à viser le cœur. Pas Assez, c’est un autoportrait sans lumière flatteuse, sans filtre. Il y met ce qu’on garde d’habitude pour soi : la lassitude, l’attente, les espoirs un peu cabossés. Il écrit comme on souffle quand on a mal, doucement, avec effort.
« Flemme » ouvre le disque sur une vérité nue : « je fais l’amour en missionnaire », pas pour choquer, pas pour jouer. Juste pour dire. Il incarne une fatigue qui ressemble à celle qu’on connaît tous, un jour ou l’autre. Mais il chante quand même. « 100 carats » parle d’amour en équilibre, fragile et sincère. Il la compare à un bijou qu’il ramasserait sans réfléchir. « Vérité » donne son nom à l’EP : « si je tombe c’est que tu ne m’aimes pas assez », C’est lâché comme un verdict intime, par quelqu’un qui ne cherche pas la rime, seulement le vrai.
Regard flou, téléphone en main
Quand on regarde la pochette, tout est là. Lancelot allongé, téléphone à la main, les yeux mouillés de paillettes. Il ne pose pas, il s’abandonne. On dirait qu’il attend un message, ou qu’il vient d’en lire un qui fait mal. Pas de mise en scène grandiloquente, juste un moment d’abandon. De ceux qu’on ne voit plus, qu’on ne montre jamais. Ce visage-là ne ment pas, il ne sait même pas comment on fait.
C’est ça, la grande force de ce projet, celle de refuser le rôle. Refuser de faire semblant d’aller bien. « Mercure rétrograde » mêle ironie et détresse, « Boum Boum » promet l’impossible avec une humilité désarmante : « je suis un bon à rien, mais je te promets tout. » Enfin « Guéri », envoyé en éclaireur en mars, referme l’EP sur un possible apaisement. « On dirait que je suis guéri ». On a envie de le croire, même si on sent qu’il fait semblant, un peu.
Laisser parler ceux qui doutent
Lancelot ne coche aucune case, il ne rentre dans aucun moule, et c’est ça qui fait sa singularité. Il ne cherche pas à percer, il cherche à toucher. Il parle bas quand d’autres crient. Il pleure, il doute, mais sans misérabilisme. Il ne joue pas la sincérité, il l’est, tout simplement.
On le retrouvera sur scène à La Cigale, le 14 avril 2026. Une date déjà attendue, parce qu’on sait qu’il ne viendra pas faire le show, mais plutôt dire les choses. Et d’ici là, on le retrouvera pour une interview, avec cette envie très simple de ne pas le faire parler, juste l’écouter.
