Malgré une météo capricieuse, le Paléo Festival 2025 a tenu toutes ses promesses. Des moments intimes aux shows grandioses, des découvertes aux têtes d’affiche, cette édition aura su toucher juste. De Katerine à Guetta, en passant par Last Train, Zaho de Sagazan ou Perceval, on a dansé, ri, crié et vibré. Retour sur une édition aussi trempée que mémorable.
La 48e édition du Paléo Festival de Nyon s’est tenue à guichets fermés du 22 au 27 juillet 2025, attirant quelque 250’000 festivaliers et festivalières sur la plaine de l’Asse. Pendant six jours, le plus grand rendez-vous open air de Suisse a déroulé sa fresque éclectique et généreuse : légendes du rock en pleine forme (Queens of the Stone Age, Sex Pistols), mastodontes du rap US et francophone (Macklemore, Will Smith, Ninho, SDM), grandes voix de la pop (Clara Luciani, Zaho de Sagazan) ou icônes électro au sommet (David Guetta, Justice). Sans oublier la scène helvétique, toujours plus vivante, avec dix-sept artistes suisses dont Nemo, en tête d’affiche.
Dès le lundi, la visite de presse laissait présager une édition sans accrocs. Daniel Rossellat, fondateur du festival, affichait un sourire intact et une confiance tranquille : aucune annulation d’artiste à l’horizon, une météo capricieuse mais gérable, et un spectacle de drones en version améliorée pour clôturer la semaine. « Pensez à prendre à la fois la crème solaire et le K-way », plaisantait-il. Il avait vu juste.

Une escale chaleureuse au cœur du Maghreb
Cette année, c’est le Maghreb qui était à l’honneur du Village du Monde, transformé pour l’occasion en oasis vibrant de rythmes et de couleurs. Dunes de sable plantées au milieu du terrain, senteurs épicées et musiques aux croisements de l’Afrique, de l’Orient et de l’électro contemporaine. Loin des représentations figées, la programmation mettait en avant la richesse actuelle de la région : héritage amazigh, influences sahariennes, bouillonnement des clubs d’Alger et de Casablanca, et puissance de voix engagées comme celles d’Emel ou Flèche Love. Une bulle accueillante, curieuse, vivante, un vrai festival dans le festival.
Mardi : Premiers pas, premières secousses
Le ciel hésite, mais les festivaliers, eux, ne tergiversent pas. Dès l’ouverture des portes, la plaine de l’Asse reprend vie. Certains filent droit vers la Grande Scène pour s’assurer une bonne vue, d’autres flânent entre les stands du Village du Monde, attirés par les effluves d’épices, les rires et les verres qui trinquent déjà. L’ambiance est détendue mais fébrile : la fête est de retour, et elle a l’air décidée à laisser une empreinte.
C’est Moictani qui ouvre le bal sous le Club Tent. Découverte locale mais déjà solide sur scène, le projet impressionne par une énergie singulière, entre urgence poétique et rythmiques tranchantes. Un set sans fioritures mais avec du cœur, comme une belle promesse pour la suite de la semaine.

Skunk Anansie : Déflagration rock en ouverture
Il fallait une secousse pour secouer les fondations du festival dès le premier soir, et Skunk Anansie s’en est chargé. Trente ans après ses débuts, le groupe britannique n’a rien perdu de sa puissance de feu. Si les extraits du tout nouvel album The Painful Truth peinent à rallier la foule encore prudente, c’est sur les classiques que Skin et ses acolytes font exploser la plaine : Weak, Twisted, I Can Dream, Hedonism… des titres qui frappent encore droit au plexus.
Skin, magnétique comme toujours, ne se contente pas de chanter. Elle prend la parole avec une ironie féroce pour évoquer les tragédies humanitaires, dénonçant l’indifférence avec une colère froide. Puis, comme pour ne pas rester sur le terrain du discours, elle descend dans la fosse, fend la foule, se fait porter à bout de bras. L’instant est fort, brut, instinctif, du vrai rock, dans ce qu’il a de plus viscéral.

Macklemore : Émotion et engagement
Macklemore aura été le premier à vraiment souder la foule dans une émotion commune. Showman aguerri, il débarque avec une troupe bigarrée : DJ, cuivre, choristes, danseuses… et tout de suite, ça explose. Les tubes s’enchaînent, de Thrift Shop à Can’t Hold Us, repris en chœur. Mais derrière l’énergie pop, le rappeur se montre plus tranchant sur Hind’s Hall, qu’il introduit en saluant les drapeaux palestiniens dans le public. Le message est clair, scandé sans détour : « Free Palestine ». L’instant est politique, intense, mais jamais pesant.
Entre deux morceaux, il parle de sa joie d’être là, de la liberté d’être soi-même, de ce que les festivals permettent d’unique. Il invite même quatre festivaliers à monter sur scène pour une battle de danse improvisée, drôle et décomplexée. Un vrai moment d’humanité dans un show taillé au millimètre.

Justice : La nuit électro se lève
Pour conclure cette première soirée, Justice prend le contrôle de la Grande Scène. Le duo n’a rien perdu de son sens du spectacle : beats puissants, jeux de lumière calibrés comme un ballet industriel, et une setlist mêlant habilement nouveautés et classiques. Genesis, D.A.N.C.E., One Minute to Midnight… chaque drop fait vibrer la foule jusque dans ses talons. Le public, lui, est en feu, et les corps sautent comme un seul homme.
La Femme et Jersey Brothers : Échappées nocturnes
Alors que les plus vaillants prolongent l’extase, La Femme distille sa pop mutante et décalée sur la scène Vega, dans un concert à la fois élégant et désinvolte. Plus loin, à Belleville, les Jersey Brothers croisent les chemins des curieux noctambules. Découverts plus tôt cet été aux Nuits Secrètes, ils confirment ici leur potentiel à faire danser jusqu’au bout de la nuit.
Mercredi : Retour vers le futur, en demi-teinte
La pluie continue de jouer à cache-cache avec le festival, et tant mieux. Mercredi soir, les sourires sont encore francs, l’ambiance toujours aussi multigénérationnelle, et la programmation, bien dosée entre légendes d’hier, icônes du petit écran et jeunes pousses.
Jean-Louis Aubert : Une histoire française en chansons
Il a 70 ans, mais c’est comme s’il en avait 20 de moins une fois monté sur scène. Jean-Louis Aubert retrouve Paléo quarante ans après sa venue avec Téléphone, et il n’a rien perdu de sa générosité. Accompagné de quatre musiciens, il déroule un set bien charpenté, entre nouvelles compositions tirées de Pafini, son dernier album solo, et classiques d’un répertoire qui parle à toutes les générations. C’est quand ça commence donne le ton, mais c’est évidemment New York avec toi ou Un autre monde qui réveillent les frissons d’un public conquis.
Il revisite ses grands morceaux avec malice et humilité : La bombe humaine démarre en solo, Le jour s’est levé se déploie comme une évidence, et Ça (c’est vraiment toi) se transforme en Ça c’est vraiment vous, en hommage à un public qu’il embarque comme un vieux pote. Il plaisante avec ses musiciens, prolonge les morceaux, éternue entre deux couplets, bref, un vrai concert de live, sans pose ni filtre, où la sincérité fait tout le charme. Un grand monsieur, toujours debout, toujours en lien.

Will Smith : Trop de show, pas assez de fond
On l’attendait comme l’un des grands rendez-vous pop culture de la semaine, mais Will Smith laisse une impression mitigée. L’entrée est réussie : visuels flashy façon ghetto blaster, huit danseuses survitaminées, medleys bien ficelés et tubes calibrés comme Gettin’ Jiggy Wit It, Miami ou Boom! Shake the Room. Il rend aussi hommage à son passé avec The Fresh Prince of Bel-Air, entre nostalgie et autodérision. Jusque-là, tout va bien.
Mais très vite, le show ralentit, se dilue, se regarde un peu trop. Entre une traductrice qui multiplie les interventions inutiles, une reprise bancale de Tom Jones et des discours mielleux sur la fraternité universelle, le concert perd de sa dynamique. L’hommage à James Avery (l’oncle Phil) se veut sincère, mais tombe un peu à plat, trop long, trop appuyé. Will Smith, icône aimée, peine à transformer l’essai. Beaucoup de sourires en début de set, mais peu d’étincelles au final.
Johnny Jane : Pop douce, minuit tranquille
Il est minuit quand Johnny Jane prend possession de la scène. Vêtu de blanc, lunettes de soleil vissées sur le nez malgré la nuit, il déroule un set simple mais bien en place, épaulé par ses trois musiciens. Il chante À l’américaine avec une certaine nonchalance charmante, puis enchaîne avec Bbye, extrait de son album Attitude sorti l’an dernier. Peu bavard mais content d’être là, il confie « C’est chouette de jouer à minuit, il y a du monde » et il a raison. Une jolie parenthèse dans la nuit.
Jeudi : Délire royal, pluie passagère et claques scéniques
Le jeudi commence fort, continue en vrille, se prend une averse au passage, mais tient bon jusqu’au bout de la nuit. La météo tente une percée en milieu de soirée, mais les festivaliers, trempés pour certains, ne lâchent pas l’affaire.
Styleto : Fraîcheur contagieuse
On arrive juste à temps pour entendre Styleto entonner son tube Faut que tu m’aimes, repris par tout le public. Son set, plein de bonne humeur, d’énergie et d’autodérision, a visiblement marqué les esprits. Venue presque en voisine depuis Lyon, elle dégage une spontanéité désarmante et se balade dans le festival après sa prestation, sourire aux lèvres. Une artiste à suivre de près, clairement.
Philippe Katerine : Couronne sur la tête, slip sur la hanche
On ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre avec Philippe Katerine, mais on sait que ce sera inclassable. Et fidèle à lui-même, l’artiste a pris la Grande Scène d’assaut à 18h30, déguisé en Reine d’Angleterre pour entonner l’hymne britannique… avant de basculer dans l’absurde le plus réjouissant. « Je vous chie à la raie ! » lance-t-il au public hilare, avant de se dévoiler en slip, fausse barbe et couronne de fleurs, pour interpréter Nu, la chanson qu’il avait chantée tout nu aux JO de Paris l’an passé.
La suite est une sorte de fête surréaliste en slow motion. Drapé de blanc, entouré de musiciens et de ballons mauves géants, il enchaîne ses titres les plus azimutés (Zouzou, Total à l’ouest, Excusez-moi…), sans jamais lâcher le fil de l’absurde. Point d’orgue : l’apparition traditionnelle des bananes humaines sur scène, pour chanter la nudité avec lui. Le public est en feu sur Louxor, que Katerine interrompt à chaque « coupe le son » pour mieux gonfler son costume rose jusqu’à devenir un furoncle géant. Un délire total, jubilatoire, libérateur. Quand il s’en va sur Patouseul, c’est dans un éclat de rire collectif.

Les Franglaises : Trop de blagues, tue la blague
Le concept est amusant sur le papier : traduire les tubes anglo-saxons en français, façon karaoké absurde. Sur scène, Les Franglaises arrivent avec enthousiasme… mais ça s’essouffle vite. Trop de sketchs, pas assez de musique, des longueurs qui cassent le rythme. L’idée reste drôle, mais aurait sans doute mérité un format plus court ou une scène plus intime. À Vega, ça sonnait un peu creux.
Julien Doré et Soprano : La force tranquille
Côté têtes d’affiche, Julien Doré et Soprano jouent dans un registre plus attendu, mais non moins efficace. Doré charme son public? déjà acquis à sa cause, sous une pluie légère, qui donne presque un cachet romantique à son set léché et doux-amer. Rien de surprenant, mais du soin et de l’élégance.
En fin de soirée, Soprano prend le relais avec l’assurance tranquille d’un artiste qui parle à tout le monde. Enfants sur les épaules, ados hilares, parents émus, le public est large, et suit avec enthousiasme un concert qui mêle énergie, nostalgie et refrains à chanter en chœur. On est loin du rap des débuts, mais qu’importe : Soprano reste un véritable leader de scène, populaire au sens noble du terme.
Boko Yout : Coup de poing dans le système
Dans un tout autre registre, Boko Yout offre une performance d’une intensité rare. Loin du folklore, c’est un cri viscéral qui traverse la scène, entre afrogrunge, garage et urgence pure. Il ne chante pas, il jette ses morceaux comme on balance des vérités qu’on ne veut plus taire. « Rapprochez-vous, j’ai une histoire à raconter », lâche-t-il en introduction, avant de tout donner pendant un show incandescent.
Il descend à plusieurs reprises dans la fosse, accroche des regards, embarque les corps dans son sillage électrique. La tension est palpable, la communion réelle. Un moment fort, dérangeant et libérateur. Le genre de concert dont on ressort sonné et reconnaissant.

Vendredi : Nuages, révélations et tornades scéniques
Le ciel hésite dès le matin, et c’est sous une pluie fine mais persistante que les festivaliers rejoignent le site. L’averse de l’après-midi refroidit brièvement les élans, mais comme souvent à Paléo, c’est la musique qui finit par relancer la machine. Vendredi, ce sont les artistes francophones qui mènent la danse, entre grands noms, surprises électrisantes et performances engagées.
Danakil : Le retour du reggae feel good
Déjà passés par Paléo en 2010 et 2011, Danakil, qui fête ses 24 ans cette année, revient 14 ans plus tard pour distiller sa dose annuelle de reggae. Et même si la pluie a tenté de s’inviter, les bonnes vibrations ont fini par faire leur chemin jusqu’au public. L’instant « Piaf » avec un clin d’œil à Paléo, ça commence avec toi, fait sourire, et le groove chaleureux du groupe suffit à relancer la soirée. Emmené par son leader Batik, le groupe a offert un set solaire, sans surprise, mais pile au bon moment.
Youssef Swatt’s : L’authenticité à fleur de peau
Il y a des concerts où tout semble juste. Dès les premières minutes, Youssef Swatt’s saisit le Club Tent à pleines mains. Finaliste remarqué, et finalement grand gagnant de la dernière saison de Nouvelle École sur Netflix, le rappeur belge débarque en terrain conquis, mais ne se repose pas sur ses lauriers. Entouré d’un vrai groupe (guitare, basse, batterie, clavier), il propose un show bien plus musical qu’attendu, oscillant entre boom bap et envolées mélodiques.
Son flow, précis, mélancolique, s’ancre dans une écriture introspective qui touche juste. « J’ai cru que vous étiez là juste pour fuir la pluie, mais maintenant qu’il fait beau et que vous restez, je suis rassuré », glisse-t-il. Entre old school et modernité, sans refrains faciles ni artifices tape-à-l’œil, Youssef Swatt’s livre un concert sincère, humble et d’une intensité rare. Une étoile montante à suivre, avec le sentiment d’avoir assisté à ses premiers grands pas.

Ben Mazué : L’émotion brute
Il a pris son temps pour arriver jusque-là, mais Ben Mazué a enfin foulé une grande scène de festival, et pas n’importe laquelle. Vendredi soir, sur la scène Vega, l’ancien médecin reconverti en poète du quotidien se livre avec douceur et densité. Dès son entrée sur « J’arrive » caméra embarquée dans les coulisses, il donne le ton : ce moment est unique, « il ne se reproduira pas », martèle-t-il. Et on le croit.
Entouré de six choristes, Ben Mazué alterne morceaux intimes, morceaux coups de poing et confidences universelles. Il évoque la Réunion, la paternité, les séparations, l’espoir. Le public l’écoute, l’accompagne, souvent en silence. Il y a des frissons quand il dit : « Le cœur qui souffre, c’est le cœur qui vit. » Pas de mise en scène spectaculaire ici, juste la puissance d’un verbe qui touche. L’un des concerts les plus humains de cette édition.

Emel Mathlouthi : Le chant des révolutions
Sur la scène du Dôme, Emel Mathlouthi transforme la musique en manifeste. Connue pour avoir chanté Kelmti Horra au cœur du Printemps arabe, la Tunisienne livre un concert bouleversant, traversé de tensions et de beauté brute. Électronique, organique, protestataire, sa musique est un cri, une prière, un choc.
Sa voix puissante fend l’air comme un couteau. Derrière elle, défilent des images d’enfants marqués par la guerre. Personne ne parle, certains pleurent. L’émotion est dense, sans pathos, portée par une artiste qui ne triche pas. Une vraie claque.

Clara Luciani : Toujours au sommet ?
Grande habituée des scènes, Clara Luciani n’a plus rien à prouver ou le contraire. Et pourtant, elle continue de surprendre par sa classe, sa simplicité et sa maîtrise. D’un « Bonsoir Paléo » enjoué, elle lance son concert avec Amour toujours, immédiatement suivie par une foule réceptive et généreuse.
Entre titres dansants (Seule, Le Reste, Respire encore) et ballades graves, la chanteuse navigue dans un répertoire où le rétro se frotte à la modernité. Hommages à Françoise Hardy et ABBA, guitare en main ou micro au poing, Clara Luciani peine parfois à mettre le public dans sa poche. Et quand « La Grenade explose », c’est presque tout Paléo qui la chante avec elle, nous y compris. Mais force est de constater que la mayonnaise ne prend plus.
Santa : Du rock acrobatique à l’émotion brute
Et puis Santa a tout balayé. Littéralement. Dès l’ouverture, suspendue la tête en bas, elle chante Changer le monde en défiant la gravité. Le ton est donné : ce concert ne ressemblera à aucun autre. L’ex-leadeuse de Hyphen Hyphen livre une performance furieuse, parfaitement orchestrée, portée par un groupe soudé et une intensité scénique rare.
Quand elle s’installe au piano… dans les airs, pour Popcorn Salé, le public retient son souffle. Puis le Vésuve explose, les étincelles tombent, Santa reprend Vivre pour le meilleur de Johnny dans une version habitée, puissante, sincère. Et comme si ça ne suffisait pas, elle termine en crowd surfing jusqu’à la régie avant un final en apothéose sur Recommence-moi, sous une pluie de confettis. L’un des shows les plus spectaculaires de l’édition, sans jamais perdre son humanité.

Ninho & Niska : Du lourd, sans surprise
Le duo star du rap français, Ninho & Niska, avait prévenu : ça allait être une boucherie. Avec leur album commun GOAT sorti en octobre dernier, les deux poids lourds arrivent sur la Grande Scène comme en terrain conquis. Le public est dense, bruyant, impatient. Le combo fonctionne, sans surprise : Niska électrise, Ninho canalise.
Leurs tubes s’enchaînent, les basses font vibrer la plaine, les refrains sont repris par cœur. Mais malgré la puissance du dispositif, le concert manque parfois d’âme. C’est carré, efficace, mais un peu automatique. Les fans sont ravis, les autres, peut-être un peu moins.
Samedi : Guitares trempées, cœurs allumés
La météo a décidément décidé de jouer un rôle majeur ce samedi. Entre averses violentes, capes de pluie multicolores et flaques à éviter au saut de scène, Paléo a vibré sous les assauts conjoints du rock et des éléments. Mais rien n’arrête un festivalier bien décidé à en découdre, surtout quand l’affiche s’annonce aussi électrique.
Ultra Vomit : Le défouloir assumé
Après plusieurs annulations de festivals en France, Ultra Vomit était attendu comme le messie du metal loufoque. Et les fans ont eu raison d’y croire : riffs puissants, parodies absurdes, autodérision totale… le cocktail fonctionne toujours aussi bien.
Le groupe transforme la scène en kermesse métallique, où les blagues potaches croisent les hommages aux classiques du genre. Le public, massé et bruyant, reprend les hymnes d’Ultra Vomit comme des mantras païens. Un défouloir drôle, précis et totalement libérateur.
Last Train : Orage électrique sur Vega
C’est Last Train qui a eu la lourde tâche d’ouvrir la scène Vega… et ils ont fait bien plus que ça. Les Alsaciens, fidèles à leur rock fiévreux et à leur énergie brute, ont allumé la mèche dès les premières minutes. Jean-Noël Scherrer, toujours aussi habité, s’est jeté dans la fosse avec sa guitare, porté par un public trempé mais galvanisé. Le son est massif, dense, taillé pour les grands espaces.
Le groupe défend avec force son troisième album III, entre morceaux incandescents et montées en puissance. Timothée, Antoine et Julien livrent une performance solide, sans compromis, pendant que Jean-Noël transforme le concert en communion. Le public ? En osmose. La pluie ? Complément d’ambiance. Une claque de rock à l’ancienne, rugueuse, intense, authentique. Paléo tient là un de ses meilleurs concerts de cette édition.

Zaho de Sagazan : Couronnée sous la tempête
Elle avait commencé au Club Tent en 2023, grandi sur Vega en 2024… et c’est la Grande Scène qu’a conquis cette année Zaho de Sagazan. Un passage de témoin en trois actes, magnifiquement orchestré. Dès les premières notes d’Aspiration, on sent que quelque chose va se passer. Sa voix rauque, unique, enveloppe la plaine. Le public est suspendu, déjà conquis.
Mais c’est la Symphonie des éclairs qui deviendra le tournant du concert, et peut-être de la journée. La pluie s’abat en trombes, les spots virent au rouge, Zaho descend dans le public, micro tendu, voix fébrile, geste sûr. Puis tout explose. Les beats, les basses, les éclats d’euphorie. « On a assez pleuré, c’est terminado ! » scande-t-elle, et la plaine saute à l’unisson, trempée, extatique. C’est une liturgie moderne, un exutoire collectif.

Sex Pistols (feat. Frank Carter) : La pluie, l’écho et les amplis
Les Sex Pistols à Paléo ? Oui, mais pas tout à fait. Le groupe culte du punk britannique, amputé de Johnny Rotten mais emmené par un Frank Carter déchaîné, a livré une prestation fidèle à l’esprit du genre : bordélique, percutante et sans chichis. Le public, étonnamment varié en âge, a répondu présent malgré la pluie battante. « C’est normal, on est britanniques, on amène la pluie avec nous », rigole le frontman.
Le groupe déroule les titres de Never Mind the Bollocks avec rage et aplomb. Sans révolution, mais avec ce qu’il faut de panache et d’attitude pour rendre l’instant savoureux. Le punk n’est peut-être plus un cri de révolte, mais il reste un excellent prétexte pour se mouiller en chantant à tue-tête.
Queen of the Stone Age : Reine un peu fatiguée
En tête d’affiche du samedi, Queens of the Stone Age promettaient l’orgasme stoner tant attendu. Josh Homme et ses acolytes ont pourtant livré un concert très (trop ?) appliqué, au son impeccable mais au souffle un peu court.
Il manquait ce supplément d’âme, cette étincelle de festival. Résultat : une bonne partie du public a déserté la Grande Scène avant la fin du set, laissant une impression de rendez-vous manqué. C’est propre, mais froid. Dommage pour un groupe dont l’aura repose justement sur la tension entre élégance brute et chaos savamment orchestré.
Ascendant Vierge : L’after qui envoie
En toute fin de soirée, au moment où beaucoup plient sous les trombes d’eau, Ascendant Vierge fait figure de révélation. Entre électro lyrique et techno radicale, le duo formé par Mathilde Fernandez et Paul Seul a retourné Vega. La voix envoûtante de Mathilde, alliée aux beats cinglants de Paul, crée une tension quasi mystique.
Les festivaliers restés là, transis et exaltés, dansent comme possédés. La pluie peut bien redoubler, la transe est plus forte. Un dernier uppercut dans la nuit, une claque électro d’une originalité folle, et surtout, une vraie montée pour finir.

ascendant vierge, Paléo Festival Nyon 2025 — © Paléo / Nicolas Patault
Et le reste…
On a croisé Thea au Club Tent, repérée aux Trans Musicales, qui a livré un set énergique et prometteur, même si encore un peu brut de décoffrage. Pierre Garnier, de son côté, a peiné à trouver sa place sur Vega. Le show manque de singularité, et la comparaison avec les autres artistes de la journée ne lui rend pas service.
Enfin, Flèche Love, au Dôme, a proposé un moment tout en intériorité, porté par son dernier album Guérison. Un concert introspectif, habité, dont l’intensité a fait déborder le public. Dommage aussi qu’elle ait décliné l’interview, on aurait tant aimé l’entendre nous parler de ce chemin douloureux mais lumineux.
Dimanche : Gadoue, drones et grand final
La pluie, véritable tête d’affiche officieuse de cette édition 2025, aura dicté la dernière journée du festival. Et malgré les capes détrempées et les semelles gorgées de boue, Paléo a tenu bon jusqu’au bout. Certains concerts ont dû être esquivés à regret (Trinix ou Faada Freddy notamment) mais d’autres ont marqué les esprits d’un sceau trempé mais incandescent.
Perceval : Le chevalier du BPM
Il ne craint ni la pluie ni les flaques, Perceval. Ce Breton improbable, bardé d’un kilt et d’un casque de chevalier, a transformé Belleville en cour médiévale rave. Sa techno médiévale, mi-rigolote mi-possédée, a fait mouche. Les festivaliers dansaient dans la gadoue, riant et sautant comme si Excalibur allait surgir du sol.
Loin d’être un gimmick, le son de Perceval tape fort. Les kicks sont lourds, les envolées celtiques donnent un air de bataille de Game of Thrones un peu déglinguée. Et sa fameuse danse irlandaise fait mouche. Une performance aussi absurde qu’addictive. Il ne fait pas que jouer, il règne. Longue vie au roi de la techno médiévale.
Rilès ; L’artiste caméléon
Rilès est insaisissable. Il ne tient pas en place sur scène, saute, danse, slamme, s’étire comme un félin. L’enfant du Rilèsundayz (un son par semaine, souvenez-vous) a prouvé qu’il était bien plus qu’un bourreau de travail : un showman complet. Son album Survival Mode, éclectique et audacieux, prend une nouvelle dimension en live. Le public reçoit des textes en anglais, en français, et même en japonais (!), comme un feu d’artifice de genres et d’humeurs.
Ce qui frappe, c’est son implication physique et scénique. Il ne fait pas juste le job, il livre un combat artistique. On sent que pour lui, monter sur scène est aussi vital que respirer. Même sous la pluie battante, Rilès est resté en mouvement. Une belle leçon de passion.
Le spectacle de drones : L’illusion qui a survécu à la météo
Annoncé samedi soir, annulé à cause du mauvais temps, reprogrammé dimanche, puis encore annulé… avant de finalement surgir à la surprise générale vers 23h10, le spectacle de drones a été l’un des moments les plus surréalistes du week-end. Après une pluie battante, un ciel encore menaçant, les 1200 drones ont pris l’air pour offrir un ballet lumineux futuriste avant l’arrivée de Guetta. Pas de pyrotechnie, mais des figures célestes qui illuminent les regards. Un instant suspendu. Magique. Le public, médusé, savoure ce moment volé aux caprices du ciel. Pari risqué, pari réussi.
David Guetta : L’explosion finale
23h45. La plaine de l’Asse est une mer de capuches et de ponchos. Et tout à coup, David Guetta arrive. Simple, sûr de lui, presque candide. « Ça va les cousins suisses ? » balance-t-il, sourire aux lèvres. Et là, c’est la déflagration. Jets de flammes, lasers fous, beats imparables, pluie d’effets, le roi de l’EDM sort l’artillerie lourde.
Les tubes s’enchaînent à une vitesse folle : les remixes des années 2010 font hurler de joie la foule, les drops sont massifs, et chaque montée est une montée d’adrénaline. Même ceux qui avaient douté de lui sont forcés de l’admettre : Guetta a retourné Paléo, avec un show calibré mais jamais tiède. Une fin de festival grandiose, baignée de sueur et de pluie, sur fond de bangers XXL.
Zorza : Dernière salve techno
On clôture à Belleville, où Zorza envoie une techno sans détour, puissante, indus, presque sauvage. Le terrain est détrempé, les festivaliers vacillent, glissent, certains tombent… mais personne ne lâche. Les plus vaillants dansent comme si la gadoue n’existait pas. C’est brut, c’est moite, c’est la dernière transe. On part, les chaussures ruinées, mais le sourire aux lèvres.
Le mot de la fin : « Moment magnifique : la pluie »
Lors de la traditionnelle conférence de presse de clôture, Daniel Rossellat a tenu à rappeler avec humour que la vraie star de cette édition, c’était bien la pluie : « Elle n’en faisait qu’à sa tête. » Après des années de météo clémente, Paléo a retrouvé ses bottes et ses bâches. Et pourtant, la fréquentation est restée excellente.
Le programmateur Jacques Monnier, de son côté, s’est réjoui d’un retour affirmé du rock, avec des artistes comme Queens of the Stone Age ou Jean-Louis Aubert. Le Dôme n’avait jamais vu autant de monde. Malgré les galères logistiques et la gadoue, Paléo 2025 restera comme une édition résiliente, vivante, surprenante.

Rendez-vous en 2026
On se retrouve l’année prochaine, du 21 au 26 juillet 2026. Peut-être au sec. Peut-être pas. Mais sûrement ensemble
