Souvent pointé du doigt pour son organisation perfectible, le Motocultor est un festival de musiques extrêmes actuellement organisé sur la plaine du Festival des Vieilles Charrues, pour la troisième année consécutive (après plusieurs déménagements depuis sa création en 2007). Relativement proche géographiquement, de Clisson, il offre une alternative quasiment à moitié prix (et sans l’angoisse des files d’attentes incohérentes lors de la mise en vente), au Hellfest pour les personnes qui seraient plus avides de découvertes que de concerts de têtes d’affiches vécus au milieu d’une foule angoissante. Suivez les aventures de notre duo quarantenaire, vivez avec nous les meilleures balances pendant le montage de tente, les plus beaux front row, nos valeurs sûres, nos découvertes et notre ressenti quant à l’organisation.
Pour ce qui est de l’installation au camping festivalier, un chariot pliable sera votre meilleur allié pour transférer vos effets personnels et autres équipements, car il y a un peu de marche entre le parking et le camping. Nous arrivons trois heures avant le début des concerts, probablement à l’heure de pointe et jugeons acceptables les 45 minutes d’attente pour accéder au camping. Faisant partie des personnes qui aspirent à un quota de sommeil compatible avec notre niveau de fatigue accumulée, nous suivons les indications du plan nous permettant de nous éloigner sensiblement du Macumba (Cette organisation de DJ qui fait danser les métalleux sur les plus grands tubes de pop et de chanson, on adore le concept, mais on souhaite quand même dormir pendant la nuit). Nous comprenons que notre emplacement est tout simplement le plus stratégique au moment où résonnent les balances de Versatile alors que nous déplions notre toile de tente, nous informant de notre voisinage direct avec la Suppositor stage qui nous offre le son des concerts dans une grande qualité, en direct de nos couchages.

Notre tente succinctement plantée, la première destination pour nous sera la Suppositor stage et sa crash barrière au devant de la scène, pour soutenir les Suisses de Versatile nos nouveaux chouchous et leur mélange de black metal théâtral, savamment mêlé d’indus. Le concept Dogma, groupe, religion ou secte (même les filles porteuses du projet, vêtues de longues robes de nonne, ne se prononcent pas sur la façon de les qualifier) déroule son metal symphonique sur la scène d’à côté sous une chaleur que l’on ressent de plus en plus écrasante. Versatile vient nous saisir et paradoxalement, nous glacer autant que nous embraser (pas autant par leurs effets pyrotechnique que par leur performance). On se laisse envoûter par les personnages aux costumes magnifiques : Hatred Salander – créateur du projet – au chant (en français s’il vous plaît), Morphée à la batterie et aux rythmiques sur bidon métallique, deux guitares, pas de basse, pour les riffs entêtants ou incisifs, on compte sur Cinis et Famine. Ce dernier, pieds nus sur scène, présente une attitude particulièrement possédée et grisante. Le groupe nous agrippe avec ses changements de rythmes et certains passages aux beats répétitifs, pour nous emmener à apprécier les sonorités du black metal, pour lesquelles nous avions moins d’affinités jusqu’à présent. Pour eux, nous portons fièrement les qualificatifs de « laid » ou « Déviant ». Nous pouvons écrire ce dernier terme avec une majuscule puisqu’il caractérise désormais les fidèles du groupe parmi le public. En fin de set, un rapide coup d’œil en arrière, depuis notre premier rang, nous informe que leur prestation a convaincu une foule de plus en plus conséquente au fil du temps. Il y a vraiment du monde pour ce début de journée, un juste retour des choses pour un groupe qui propose un concept vraiment hors du commun.

Notre journée se poursuit avec Guillaume Aldebert sur la Dave Mustage, connu depuis bientôt 17 ans pour ses Enfantillages : des albums et des tournées de concerts qui « déringardisent » la chanson pour enfant. Depuis un peu plus d’un an, il arbore le pseudo d’Helldebert avec son album Enfantillages 666 destiné à convertir les plus jeunes aux bienfaits de la musique metal, et cela fonctionne : le public voit naître des pogos d’enfants et des slams pour tous les âges (ici on fait slammer les petits, mais aussi Super Mamie). Aujourd’hui, comme nous l’espérions, puisque Nailbomb – projet réunissant Max et Igor Amadeus Cavalera père et fils – se produira également au festival quelques heures plus tard, Aldebert réalise un de ses rêves d’ados, en invitant l’ex chanteur et membre fondateur du groupe légendaire Sepultura à le rejoindre sur scène. Ils interprètent ensemble Le cartel des cartables, chanson qu’ils avaient enregistrée en featuring, traitant avec intelligence du sujet délicat du harcèlement scolaire. Intelligence n’est pas le mot qui caractérise le mieux le concert de Gutalax qui démarre sur la scène voisine. On reste dans le thème de la chanson pour enfants, enfin pour grands enfants, adeptes de pogo papier toilette et de slam poubelle, les petits enfants en profitent pour réitérer les slams testés pendant le concert d’Aldebert. Si le grindcore du groupe tchèque présente, selon nous, musicalement peu d’intérêt, on ne peut pas nier le talent exceptionnel des musiciens pour entraîner leur public dans un lâcher prise des plus divertissants à regarder.

Les six musiciens de Nailbomb, groupe de trash metal industriel évoqué plus haut, avec la présence féminine de Jackie Cruz à la basse, répandent l’énergie d’une complicité et d’un plaisir évident à être ensemble sur scène, sur une assemblée dans laquelle on reconnait des fans de longue date de Sepultura portant le célèbre t-shirt jaune Brazil d’époque tout troué, et d’autres, trop jeunes pour avoir connu cette période glorieuse, mais bien investis dans la relève. La séance de dédicace de Samael associée à la rencontre de gens dont la compagnie nous fût très agréable, nous éloigne du set de Mogwai sur la Dave Mustage. Notre mot d’ordre étant : « ne pas finir sur les genoux le dimanche matin », les pauses s’imposent. Kataklysm sur la Suppositor, vécu depuis notre spot de tente au son de qualité, nous confirme que le groupe porte parfaitement bien son nom, tant leur musique imprègne le sol de vibrations se répercutant jusque dans nos matelas et, par extension, traversant nos corps (re)posés sur ceux-ci. Un véritable cataclysme pour une expérience de concert hors norme.
Le groupe de metalcore I Prevail, un de nos coups de cœur de l’édition 2023 du Hellfest, assure ce soir la tête d’affiche sur la Dave Mustage. Nous aimerions pouvoir affirmer que le départ, pour raison de santé, de Brian Burkheiser, une des deux voix fondatrices du groupe, n’impacte pas l’énergie de leur prestation scénique, mais il faut se rendre à l’évidence, la synergie n’est plus aussi flagrante. Eric Vanlerberghe occupe maintenant pleinement le rôle de frontman et le guitariste Dylan Bowman complète la performance vocale, mais il est difficile de retrouver la symbiose qui nous avait tant magnétisé.e.s lors de la découverte, il y a 2 ans. Les musiciens présentent somme toute un show et une performance d’une grande qualité et le public le leur rend bien.

Notre duo se divise pour la fin de la soirée (ou devrait-on dire le début de la nuit), l’un.e d’entre nous finit la journée comme iel l’a commencée : au front row de la scène Suppositor devant un groupe suisse de black metal industriel, à savoir Samael. L’autre cède finalement à l’appel, de plus en plus irrésistible au fil de la journée, de Dool sur la Massey Ferguscène. Ces dernier.e.s faisant partie des coups de cœur du Hellfest 2024, malgré un set en plein soleil qui ne collait pas vraiment à l’univers du groupe, la tentation de les revoir de nuit sous chapiteau a eu raison de la curiosité de la découverte destinée à la scène concurrente. Pendant que Samael fait briller les yeux de certain.e.s ayant dû attendre près de 30 ans avant de les découvrir sur scène, en leur offrant plusieurs de leurs morceaux préférés, les Hollandais de Dool (se prononce Doool et non Doul, même si les rimes en « oul », c’est cool) mêlent une ambiance épaisse et sombre à un attitude combative, notamment celle de Raven Van Dorst au chant, dont le timbre de voix singulier invite à la douceur autant qu’à l’affrontement. Sous le chapiteau, les cinq musicien.ne.s nous magnétisent pour nous emmener dans une torpeur autant apaisante que motivante, pendant que sur l’autre scène Vorph inonde l’assemblée de son charisme solaire. Alors que la fatigue nous avait assailli pendant le set d’I Prevail, nous ressortons, chacun.e de notre côté, nourri.e. d’une énergie nouvelle qui retardera quelque peu l’arrivée du sommeil pour cette première nuit sous tente.
Côté organisation, rien de négatif à signaler pour les festivaliers : les points d’eaux et les toilettes furent facilement accessibles durant toute la journée (maxi 5 minutes d’attente) et les passages du camping vers le site du festival ont généré quelques files, qui n’ont cependant jamais mis plus de 10 minutes à se résorber. On nous souffle cependant que l’arrivée à l’espace presse, non séparée de la file VIP a généré quelques retards, notamment pour des rendez-vous d’interview.
Nous remercions très sincèrement Pierre Sopor et Verdammnis Magazine pour les photos d’illustration de cet article, ainsi que Marguerite pour nous avoir fait part de ses impressions à propos du concert de Samael.
