En septembre 2024, Kloahk, Supershotgun et Midnight Street of Rage étaient déjà partis en mini-tournée tous les trois. Ils avaient alors conquis les publics parisiens, lyonnais et genevois. Un an plus tard quasiment jour pour jour, ils organisent un co-plateau ensemble au Dropkick Bar Orléans. Une soirée étiquetée darksynth qui propose cependant trois univers artistiques bien distincts.

Nous arrivons au Dropkick Bar Orléans deux bonnes heures avant le début des concerts. La météo, plutôt clémente pour un mois de septembre, nous autorise à passer une agréable fin d’après-midi en terrasse à siroter quelques bières ou sodas servis par une équipe très sympathique. Un moment de dépaysement en compagnie de nos amis de concerts que l’on retrouve toujours avec beaucoup d’enthousiasme. La convivialité des lieux nous offre même l’occasion d’échanger quelques mots avec les artistes qui se produiront le soir même dans la petite salle située au sous-sol.

Armé d’un exosquelette fabriqué de ses mains, Supershotgun ouvre la soirée seul sur scène pour répandre son univers inspiré de la décennie des 90’s : ses jeux vidéos, ses films d’action et ses histoires criminelles. On a beau ne pas éprouver la même passion que lui pour ce thème, sa musique instrumentale nous capte dès les premiers morceaux. Derrière cet air sérieux, cette barbe fournie et ce maquillage, rappelant les griffures d’un monstre, lui barrant le visage de trois rayures, se cache un pince-sans-rire qui annonce « Bonjour Chartres » puis « Bonjour Auxerre » entre les morceaux. Nous qui avons fait un peu de route espérons entendre le nom de nos villes Mayenne, Vire ou Le Havre, mais finalement retentira « Bonjour Orléans« , puisque c’est ici que nous sommes.

Igor, c’est son prénom, s’applique à jouer en live un maximum de sons, en passant du clavier aux deux consoles avec une paire de mains seulement et propose dans son set, entre autres compositions personnelles captivantes, un mashup intégrant un riff du groupe allemand de techno Scooter au morceau No Limit de Two Unlimited. La tension s’accroît au fur et à mesure que nos cerveaux lâchent prise et se laissent transporter par des sonorités qui se veulent référentes à un jeu vidéo de tir (DOOM2) où l’on peut, bien évidemment, choisir pour arme un super shotgun. En contraste avec cette ambiance, nous ressentons, sous jacente, une certaine forme d’innocence qui nous invite à un élan d’affection pour toutes les personnes qui cherchent à cacher leur sensibilité sous une armure, visible ou invisible.

Nous apprendrons par la suite que ce projet vise à renouer avec une période insouciante de l’enfance où les scène violentes de films à la télévision ne nous laissaient pas présager qu’elles puissent se dérouler avec la même intensité dans le monde réel. Ce contraste émotionnel, agrémenté d’un shot de Jaeger servi pendant le show, nous laisse dans un état de transe pour aborder le concert suivant.

Pour la deuxième partie de soirée, quoi de mieux qu’un duo ? Au moment où ils montent sur scène, l’un à la guitare, l’autre à la MAO, nous reconnaissons les musiciens pour les avoir croisés dans le bar précédemment avec leurs t-shirts, l’un affichant Kloahk et l’autre Supershotgun. C’est très smart de soutenir les copains. Comme leur collègue précédemment sur scène, Midnight Street of Rage tire également ses inspirations d’un jeu vidéo des années 90, le bien nommé Streets of Rage (on n’y connait toujours rien à tout ça, enfants nous jouions à Snoopy Tennis de Game & Watch). Ils invitent d’emblée le public à s’approcher de la scène, le ton est donné : ils sont là pour nous ambiancer. Leur univers rétro futuriste se pare de lumières à dominantes rouge et jaune, chaleureuses ou combatives et la guitare apporte une touche de rock n roll.

Proposant un mélange de synthwave et de metal, les morceaux font cohabiter des parties planantes avec des moments plus durs. Le lancement d’un wall of death ne porte pas vraiment ses fruits mais voit s’intensifier les headbangs parmi les premiers rangs. Leur talent de chauffeurs de salle va jusqu’à emmener l’assemblée à chanter sur leur musique, pourtant instrumentale, en un rythmé « pooopopopolo popopoloooo » pendant que Maxime et sa guitare descendent de la scène pour zigzaguer entre les gens. François, derrière ses machines décorées d’une bannière à l’effigie de leur dernier album Modern Desert, n’est pas en reste et nous incite à lever les bras. En fin de set, leur reprise de Freed from desire de Gala provoque une sautillement généralisé et consolide l’enthousiasme que le duo à mis un point d’honneur à déverser sur nous.

Cet élan d’exaltation contribue à atténuer la retenue qui nous contient habituellement pendant les préparatifs de Kloahk (les effets du Jaeger ne sont probablement pas tout à fait dissipés). Nous assistons ce soir à notre quatrième concert d’affilée (comprenez que nous étions présent.e.s aux trois dernières prestations publiques du projet (live report du Nutfest) et qu’aujourd’hui est la quatrième de suite) du duo récemment devenu trio. Oui, après un one man band puis un duo, un trio semble approprié pour une troisième partie de soirée. Puisqu’on retrouve toujours les mêmes personnes au premier rang, on peut dire que la fanbase de Kloahk est présente pour encourager les musiciens pendant le changement de plateau.

Nous savourons la tension qui précède le concert et nous nous laissons glisser dans un état méditatif ne laissant plus aucune place à la réflexion afin d’ouvrir en grand la porte aux ressentis émotionnels. Quand arrive Vagissement, le morceau d’introduction du concert (et de l’EP VERSO3, dernier en date de l’artiste, chronique) commence un voyage délesté de notions superflues telle que le temps qui passe ou bien notre incarnation terrestre. Il est temps de dépasser la timidité qui nous a cloué sur place lors de trois précédentes prestations. Aujourd’hui, on se risque à laisser notre corps tanguer au rythme des vagues qui nous portent et des rafales qui nous envolent, on s’autorise à fredonner certaines paroles : « I scream inside but no one hears » sur Round and Round, « voices complaining my rising emotions » sur Blow Tea, « keep turned on the tv look at me and rewind » sur Rewind sans oublier « It’s Alright » sur le morceau du même nom.

Oui parce que ça va plutôt bien ce soir, on a l’impression que Paul (à la guitare – chant – machines sur scène et créateur du concept et de la musique) a, lui aussi, décidé de se libérer d’une certaine réserve et d’extérioriser une énergie et une présence scénique qu’on espérait le voir partager depuis toujours, tout en restant en accord avec son personnage fantomatique privé de liberté. Le passage en trio, avec l’arrivée de Pierre-André à la basse en plus d’Olivier à la batterie (c’est aujourd’hui la deuxième date sous cette forme) semble décidément être un bon choix. Paul se trouve plus libre de ses mouvements et semble davantage porté par la complicité qui le lie à ses collègues. À notre question « comment te sens-tu ? » quelques secondes après la fin du set, son grand soupir et son sourire nous suffisent à deviner l’impact libérateur qu’a eu sur lui sa propre prestation.

« Kloahk ce n’est pas fait pour aller mieux » nous dira Paul un peu plus tard dans la soirée. Et pourtant, la résonance fait tellement de bien, il n’y a rien de plus apaisant que de reconnaître ses propres tourments à travers l’art d’une autre personne, de se sentir compris.e.s par chaque texture, chaque son et de pouvoir s’y baigner aussi souvent que nécessaire pour laisser nos angoisses s’y dissiper.

Nous remercions le Dropkick Bar Orléans pour leur accueil, la douceur de leur terrasse (si si, il fait toujours beau à Orléans), la convivialité de leur salle de concert et le petit saucisson anti hypoglycémie qu’ils ont accepté de nous servir à la fin des concert, alors que nous admettions que « manger avant aurait pu être une bonne idée, mais nous n’y avons pas pensé ». Merci aux artistes de tous les groupes présents ce soir-là pour leurs prestations, leur sympathie et leur disponibilité. Vive les co-plateaux de plusieurs concerts dans des caves qui nous permettent de découvrir des artistes talentueux pour une participation financière libre.

Allez aux concerts proposés dans les bars près de chez vous et soutenez la scène underground, ça fait un bien fou !

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