Voici le deuxième volet (report jour 1) des aventures d’un duo quarantenaire au Motocutor festival à Carhaix. Coups de cœur prévisibles ou inopinés, douches et points d’eau facilement accessibles, maraudes de prévention VSS, rencontres sympathiques et toujours la meilleure place au camping festivalier. Un vendredi 15 août placé sous le signe de la découverte.

Ce genre de journée de festival que nous aimons par dessus-tout : celle où nous n’avions quasiment rien coché. En ce deuxième jour du Motocultor, seuls trois concerts avaient retenu notre attention au premier abord : Houle (tant de monde nous les avait recommandés), Eivør (pour le côté intrigant dans un festival de metal) et Kerry King (parce qu’il est guitariste et membre fondateur de Slayer et oui, nous étions curieus.e.s de voir la légende en chair et en os). Comble de l’ironie, les deux derniers cités sont programmés au même moment, il faudra faire un choix. Nous apprécions cet emploi du temps allégé, notamment parce qu’il nous permet de flâner au gré des rencontres, de revenir aux douches en dehors des moments de rush et de prendre le temps d’acheter et de déguster des glaces, mais principalement pour les belles découvertes de concerts susceptibles de s’offrir à nous à chaque instant.

Les prestations scéniques de Houle nous avaient été maintes fois vantées par des potes adeptes de concerts, des potes rédacteurs de webzine, des potes photographes, des potes agents de booking, donc par plein de gens passionnés qu’on adore. Il était donc indispensable pour nous d’être à l’heure pour leur set en ouverture de la Dave Mustage. Leurs balances au petit déj (la meilleure place au camping, on vous dit) nous laissent un peu mitigé.e.s, le black est loin d’être notre style de métal préféré. L’esprit marin qui règne dans leurs morceaux nous attire, mais le chant passe un peu moins bien. Nous arrivons au devant de la scène avec quelques bonnes dizaines de minutes d’avance, il fait déjà trop chaud mais la froideur des décors, panneaux ornés de paysages de tempêtes en mer, participe déjà à nous rafraîchir. Dès l’arrivée des musiciens sur scène, un paradoxe s’impose, l’ambiance se glace et se réchauffe d’un même mouvement. Quand Cafard (autrefois nommée Adsagsona chanteuse charismatique du projet) débarque, il n’y a plus d’autre issue possible que d’être avec elle. En un rien de temps, nous fusionnons avec son personnage et vivons avec elle les tourments et les tempêtes, les vagues d’émotions nous submergent, la mer nous engloutit. On ne ressent plus la chaleur du soleil, pourtant soudain quelque chose brûle en nous et nous dévore autant qu’il nous répare. Un concert de Houle ne se décrit pas, il se vit. Voilà pourquoi tant d’amis nous avaient incités à découvrir cette expérience. Le nombre de t-shirts marqués du nom du groupe arborés fièrement dans l’assemblée ce jour-là, puis tout au long du festival (moi la première) témoigne du fait que leur prestation a fidélisé ou converti de nombreuses âmes. Nous sommes impatients de vivre une nouvelle immersion en leur compagnie à l’occasion de leur show inédit prévu au petit bain (Paris) le 13 décembre prochain (évènement).

Houle au Motocultor Festival 2025 ©Pierre Sopor – Verdammnis Magazine

Retour au camping pour une pause douche (froide, après Houle quoi de mieux que de rester englouti sous l’eau glacée) qui nous permet d’apprécier la prestation de Benighted depuis notre tente. Leur brutal death metal ne nous conquiert pas au premier abord, il est plus que probable que nous ne serions pas resté.e.s devant la scène, sous le soleil cuisant. Cependant, le charisme et la sympathie de Julien Truchant font leur effet, même sans l’image. Cet infirmier en psychiatrie au quotidien, à force de nous nommer « les amis », sait rendre l’univers musical du groupe plus accessible à nos oreilles. Au fil du set, nos cerveaux apprennent à discerner le plaisir que leur musique peut nous procurer. Nous ressortons de cette découverte avec la sensation d’avoir passé un moment agréable et d’être un peu plus ouvert.e.s à un style de metal que nous connaissons assez peu.

En cette journée à thème « sortir de notre zone de confort », nous poussons notre curiosité jusqu’à la Massey Ferguscène (la seule scène couverte du Motocultor cette année) pour expérimenter la cacophonie dissonantes des Londoniens de Five The Hierophant, un projet instrumental qui mélange du jazz et du doom avec du black metal. Notre relation avec le saxophone, instrument phare de ce projet, est habituellement complexe et a tendance à nous faire grincer des dents davantage qu’à nous faire planer. Nous reconnaissons cependant à ce groupe et particulièrement à son leader saxophoniste Jon Roffey, une présence scénique enivrante et attractive, mais après quelques morceaux, notre grincement de dent refait surface et nous convainc de nous éloigner de la scène pour atténuer le niveau sonore. Nous garderons de cette expérimentation, un souvenir attachant et une petite déception de ne pas avoir su nous laisser gagner par l’envoûtement évident d’un public adepte de cet univers.

Five The Hierophant au Motocultor Festival 2025 ©Pierre Sopor – Verdammnis Magazine

La veille, au vu de notre programme de concerts assez dense, nous avions laissé quelques victuailles et surtout nos fauteuils pliants très confortables dans la voiture. Nous choisissons ce moment pour faire un aller-retour au parking : au fil des rencontres sympathiques en chemin, la demi-heure prévue pour cette mission se transforme en une bonne heure. La magie des festivals est là aussi : se trouver des points communs et des anecdotes à échanger avec la majorité des gens qu’on croise. Nous ne savons donc toujours pas si les New Yorkais d’Imperial Triumphant auraient su nous convaincre avec leur jazz mêlé de black metal, leurs masques dorés et leur présence scénique souvent qualifiée de remarquable.

Nous revenons sur le site des concerts quelques minutes avant le début de la prestation du groupe néerlandais Blackbriar sur la Bruce Dickinscene, la plus proche de l’entrée. Le timbre de voix de Zora Cock nous séduit immédiatement et nous invite à prolonger la découverte. Nous nous laissons porter par sa gestuelle fluide, les ondulations de sa chevelure de feu, et ce pied de micro à l’effigie de roses solides, loin de l’image fragile qui leur est souvent attribuée. Cette première impression plutôt agréable se trouve contrecarrée au fil du temps par l’attitude surjouée des musiciens et la présence scénique de la chanteuse un peu trop chorégraphiée à notre goût. Nous aurions probablement été davantage conquis par une peu plus de spontanéité, mais le sextet a le mérite de nous avoir gardé.e.s devant la scène pendant toute la durée de leur set.

Blackbriar au Motocultor Festival 2025 ©Pierre Sopor – Verdammnis Magazine

Ce qui n’est pas le cas de Lacuna coil ni de Klone vers lesquels nous nous sommes tourné.e.s en raison de leur notoriété sans avoir de réelle attirance pour leur musique. Rien à dire sur la qualité de leurs prestations respectives, mais il manquait l’attraction magnétique qui – nous le verrons plus tard, notamment le samedi – fait parfois son effet alors même que l’univers ne nous séduit pas complètement. Pendant la dégustation d’un délicieux cornet de crème glacée devant Klone sous la chapiteau de la Massey Ferguscene, nous admettons que c’est bien foutu mais nous baillons aux corneilles. Le timbre de voix de Yann Ligner nous séduit, mais n’égale pas, à nos cœurs, celui de Paul Prevel alias Kloahk. Nous ignorons pourquoi nos esprits ont subitement fait un rapprochement entre ces deux projets. La raison la plus probable (à moins que ce ne soit les trois premières lettres communes à leurs noms) serait que chacun d’eux a eu l’audace de reprendre Army of Me de Björk dans une version qui fait honneur à son identité musicale (chronique Army of Me par Kloahk). En résumé, Klone c’est beau mais ils n’ont pas réussi à nous captiver cette fois-ci.

Alors que le ciel se pare des couleurs du crépuscule et écrit d’un beau rose pâle des noms de groupes de black metal au dessus de nos têtes, une lumière bleutée s’empare de l’atmosphère au moment où résonnent les premières notes d’Eivør sur la Bruce Dickinscène.

« Alors que le ciel se pare des couleurs du crépuscule et écrit d’un beau rose pale des noms de groupes de black metal »

L’introduction du concert, lancinante et enveloppante, vient nous cueillir avec un telle intensité que la prestation du légendaire Kerry King à l’autre bout du site nous apparaît soudain complètement secondaire. La culture nordique ancrée dans l’univers de la chanteuse féroïenne semble en cohérence parfaite avec cette période de la journée où la douceur du jour fusionne avec la froideur de la nuit. Sur scène, l’aura lumineux et l’enthousiasme évident de l’artiste s’entremêlent agréablement avec le halo de brume givrée dans lequel ses sonorités nous baignent. La fascination est telle que la notion du temps se déforme : chaque morceau nous emmène dans une transe si captivante que l’on souhaite ne jamais le quitter. Cet effet est particulièrement présent tout au long de la chanson Enn dans laquelle nous aurions voulu nous blottir pour l’éternité. Même la fin du set d’Eivør semble être une continuité : nos âmes flottent et nos corps semblent plus légers. La fraîcheur du soir nous emmène chercher une veste à notre tente avec l’intention d’une pause pour le dîner.

Eivør au Motocultor Festival 2025 ©Pierre Sopor – Verdammnis Magazine

Nous perdons le fil de notre planning et n’avons plus en tête les noms des groupes qui s’apprêtent à jouer. Alors quand la musique émanant de la Suppositor stage (notre voisine de camping) agit sur nous comme un électrochoc, on se rue sur le running order pour découvrir le nom de Tribulation. Puis on court à toute vitesse pour faire le tour jusqu’à l’entrée et revenir sur nos pas du côté intérieur du site des concerts, on s’accroche un pied dans un trou, on se fait mal au genou, tout en se demandant « Mais j’avais écouté pourtant, pourquoi ce groupe n’avait-il pas été retenu parmi les incontournables aujourd’hui ? ». Peu importe, un seul objectif compte dans l’instant : s’approcher de la scène et savourer ce coup de cœur inopiné dans ses moindre détails. Tout nous captive : la voix sombre, le charisme des musiciens, leur attitude, leur énergie jusqu’au bâton d’encens qui se consume sur le pied du micro. Nous acceptons volontiers de renoncer à la bulle de protection insufflée par Eivør pour nous faire calciner par la tornade ténébreuse des suédois de Tribulation.

Tribulation au Motocultor Festival 2025 ©Pierre Sopor – Verdammnis Magazine

Après avoir jeté un rapide coup d’œil à la mise en scène théâtrale de Dimmu Borgir nous partons finalement pour notre pause dîner… à minuit. Notre dernier concert de ce vendredi sera Carpenter Brut. Nos corps, plus si jeunes, nous indiquent que les émotions fortes du début de soirée ont brûlé nos dernières forces et nous choisissons de profiter de la musique électronique de l’artiste français depuis notre couchage. Ainsi privé.e.s des jeux de lumière et de l’humeur dansante du public, nous passons probablement à côté d’une bonne partie du spectacle, cependant notre merveilleux emplacement de tente nous autorise à savourer l’entièreté du set avec un son d’excellente qualité.

Ainsi s’achève notre deuxième journée d’un festival dans lequel nous nous sentons de plus en plus à notre place. Un festival qui dissipe à grande vitesse nos soucis du boulot, notre fatigue mentale et nous regonfle d’énergie, même si nos corps ne tiennent pas le rythme autant que nous le souhaiterions. Nous souhaitons également mentionner le travail de l’équipe de prévention des VSS en maraude sur le camping et sur le site du festival qui a pris soin de venir vers nous pour échanger à propos des risques et nous diriger vers le stand associé pour récupérer une capote pour verre (décorée du logo Motocultor).

Nous remercions très sincèrement Pierre Sopor et Verdammnis Magazine pour les photos d’illustration de cet article, ainsi que Marguerite pour nous avoir fait part de ses impressions à propos des concert de Klone et Carpenter Brut.