Trois soirs, trois ambiances, une même énergie : la 34ᵉ Fiesta des Suds a embrasé Marseille entre groove, ferveur et découvertes musicales venues des quatre coins du monde.

Chaque automne, la cité phocéenne se transforme en capitale des musiques du monde, et cette 34ᵉ édition de la Fiesta des Suds n’a pas failli à la règle. Du 9 au 12 octobre, l’Esplanade du J4 s’est métamorphosée en un grand bal mondial où se sont mêlés zouk incandescent, rap engagé, électro solaire et sonorités afro-punk, dans une ambiance solaire et fédératrice. Entre icônes légendaires et découvertes marquantes, retour sur les trois premières soirées qui nous ont offert un véritable tour du monde sonore.

L’entrée de la Fiesta des Suds, sur l’Esplanade du J4 à Marseille. 📸 : @st_xl1

Les têtes d’affiche : trois soirs, trois ambiances, une même ferveur

Du trip-hop céleste à la ferveur reggae, la Fiesta des Suds a aligné des têtes d’affiche qui ont rappelé à quel point la musique reste un langage universel. Jeudi, Morcheeba a ouvert le bal avec vingt ans de groove et toujours cette élégance planante. Portée par la voix suave de Skye Edwards, la formation britannique a offert un set entre trip-hop, soul et douceur psyché, un moment suspendu sur la scène Mer, accompagné comme toujours de son équipe de choc.

Vendredi, place au groove brut et à la parole affûtée : Keziah Jones, que l’on avait déjà croisé aux Eurockéennes, a rappelé pourquoi son blufunk reste inimitable, funk, blues et énergie à fleur de peau. Puis Youssoupha, aperçu récemment à la Fête de l’Huma, a pris le relais avec son flow sincère et percutant. Des mots qui frappent, une présence qui élève, et un clin d’œil marseillais en dévoilant le maillot de l’OM sous sa doudoune.

Enfin, samedi, Groundation a refermé ce triptyque musical sur une note spirituelle : un reggae mystique, porté par dix musiciens, des chœurs habités et une flamme en fond de scène. Un souffle à la fois calme et vibrant, parfait pour introduire Kassav’ et conclure ces trois nuits de communion.

Groundation à la Fiesta des Suds, le Vendredi 10 octobre 2025. 📸 : @st_xl1

La légende du zouk embrase Marseille

C’est le moment que tout le monde attendait, et la scène Mer est noire de monde. Des milliers de personnes massées devant le Mucem, les yeux rivés sur la scène. C’est pour eux que cette soirée est sold out : Kassav’, les rois du zouk, entrent en scène. Quatorze musiciens, Jocelyne Béroard radieuse en capitaine de bord, et dès les premières notes de « Ou lé » le public explose. Les premières mesures suffisent à transformer le port en un immense dancefloor à ciel ouvert. Couples enlacés, bras levés, visages illuminés : tout Marseille zouke à l’unisson.

« Nous sommes très heureux d’être ici ce soir, parce que Jacob a grandi ici, il a vécu ici », lance l’un des musiciens. L’émotion monte. Même sans Jacob Desvarieux, son esprit plane sur la scène, sur chaque note, chaque riff. Le groupe enchaîne Wep/Son Lari, Mwen di ou awa, Siyé bwa, Soley… Les classiques défilent, réveillant quarante ans de souvenirs. Les musiciens dansent, rient, s’amusent entre eux, la complicité est palpable. Le public répond, chante, saute. C’est une transe joyeuse, un hommage vibrant aux racines caribéennes, une communion géante. Kassav’ offrent un moment d’histoire, un condensé de fête, d’amour et de mémoire. Une légende vivante, un feu sacré, et sans conteste le point culminant de cette Fiesta des Suds.

Kassav’ à la Fiesta des Suds, le Vendredi 10 octobre 2025. 📸 : @st_xl1

Jeudi, l’émergence en action

Sous un ciel doux et une Major déjà bien animée, la Fiesta des Suds ouvrait jeudi soir les portes de sa 34ᵉ édition. À peine les premiers pas franchis, les rythmes brésiliens des danseurs résonnaient devant la cathédrale, donnant le ton d’un week-end placé sous le signe de la diversité et du feu intérieur. Et pour cette première soirée, la scène Étoile et le club Major n’ont pas manqué de nous rappeler pourquoi Marseille mérite plus que jamais son titre de capitale des musiques du monde.

Sur la scène Étoile, on attend Liquid Jane de pied ferme. Découverte lors du festival Avec le Temps, la révélation Riffx a confirmé tout le bien qu’on pensait d’elle. Sa voix lumineuse, à la fois douce et pleine de caractère, glisse sur des riffs rock et des grooves sensuels. Entourée de Jule à la batterie, Théo à la basse et Juliano à la guitare, Jeanne Carrion déroule un set sincère et vibrant. Entre deux faisceaux de lumière, elle invite le public à chanter avec elle sur Trop tôt trop tard, « tu souris… », moment suspendu où les visages se lèvent, happés par sa sincérité.

En quelques morceaux, Liquid Jane confirme qu’elle n’est plus seulement une révélation : elle est déjà une évidence. Une ouverture pleine de promesses, aussi touchante qu’énergique, offerte par une artiste à suivre, qu’on soutient fort. Rendez-Vous au MaMA Festival, le vendredi 17 octobre de 11h30 à 14h au Bar A Bulles, pour un plateau 100 % féminin ! 

Changement d’ambiance au Club Major : place à Baby Sharon, Franco-togolaise à la voix de velours. Entourée de son bassiste, de son guitariste et d’un batteur discret mais précis, elle fait chavirer la salle avec un savant mélange de funk, soul et hip-hop. Ses titres « La promesse » et « Different People » transportent, entre douceur et puissance. Une claque groovy, un souffle nouveau, qu’on retrouvera également le vendredi 17 octobre de 11h30 à 14h au Bar A Bulles pour un plateau 100 % féminin.

Baby Sharon à la Fiesta des Suds, le Vendredi 10 octobre 2025. 📸 : @st_xl1

Puis vient Bia Ferreira, l’artiste brésilienne militante. Seule avec sa guitare, elle emplit la scène d’une force qui dépasse la musique. Son flow oscille entre slam, rap, funk et samba, et chaque mot porte un combat : contre le racisme, l’homophobie, pour les femmes, pour l’amour. « Le féminisme n’est pas contre vous », lance-t-elle, regard droit vers les hommes du public. La foule écoute, puis chante avec elle, comme un seul chœur. À la fin, elle soulève sa guitare vers le ciel, symbole d’une lutte toujours vivante. Puis elle descend, traverse la foule, micro à la main, pour chanter une dernière fois au milieu des gens. Un moment de grâce et de feu. Un vrai coup de cœur, viscéral et nécessaire en cette méiose trouble.

Et pour conclure cette première soirée, Uzi Freyja fait exploser la scène Étoile. Mi-déesse, mi-tempête, la rappeuse camerounaise entre sur « I Don’t Luv Me », et la tension monte aussitôt. Son flow est mitraillette, son énergie volcanique. Entre hip-hop, électro et punk, elle déverse une rage maîtrisée, une sensualité brute. Le public saute, crie, vit. Une claque finale, sans compromis.

Vendredi, tout est permis à la Fiesta des Suds

Deuxième soir, et déjà cette impression d’être au cœur d’un voyage. Le vent du J4, la lumière qui s’éteint doucement sur la Major, et les premières notes de Louis LNR qui résonnent sur la scène Étoile. Derrière son piano, puis sa guitare, le lauréat du tremplin Orizon Sud, déroule ses émotions comme on feuillette un carnet intime, accompagné de ses musiciens. Sa voix douce et sincère flotte dans l’air du port, comme un murmure apaisant. Entre folk et soul, il déroule les titres de son album Blue, « conçu ici même à Marseille ». Le moment le plus fort survient lorsqu’il dédie une chanson à sa mère, architecte passionnée par le Mucem, tout proche. L’émotion est palpable jusque dans le public, un silence, puis des applaudissements pleins de tendresse. Avec « The Seaside » et « Stay », il nous emmène dans un voyage intime et lumineux. Un moment suspendu, simple et pur, de ceux qui marquent.

Louis LNR à la Fiesta des Suds, le Vendredi 10 octobre 2025. 📸 : @st_xl1

Un peu plus tard, direction le Club Major pour découvrir Waralu, et changement total d’ambiance. La chanteuse venue de Buenos Aires transforme la salle en dancefloor tropical. Sa voix survole les beats reggaeton, les basses latines et l’électro brûlante. Elle bouge avec une liberté folle, envoûte le public avec ce mélange de douceur et de feu. Ses morceaux solaires collent à la peau, et les sourires s’allument un à un dans la foule. Une bouffée de lumière dans la nuit.

Waralu à la Fiesta des Suds, le Vendredi 10 octobre 2025. 📸 : @st_xl1

Retour ensuite sur la scène Étoile pour Tshegue. Cette fois, pas de demi-mesure. Faty Sy surgit, lunettes noires, foulard sur la tête, foulard brandi dans la main : la reine entre en scène. Dès les premières percussions, c’est la déflagration. « Moto », « Muanapoto », « Survivor »… chaque titre est une bataille, chaque battement de tambour une injonction à se lever. Elle danse, harangue la foule, et le public devient une seule masse en mouvement, qui n’hésite pas à la porter aux nues lorsqu’elle descend dans la fosse à la fin pour danser avec lui. Son duo avec Nicolas Dacunha, fidèle à la batterie, explose d’énergie. C’est viscéral, tribal, vibrant. Tshegue à lui seul c’est un cri, une célébration, une transe qui unit.

Clôture magistrale au Club Major : La Chica entre en scène, entourée de lumières tamisées. Sa musique, entre électro et rituel chamanique, envoûte un club comble. L’Esplanade Major déborde, la foule se presse jusqu’aux entrées, et le silence se fait, presque religieux. Sa voix, chaude et mystique, s’élève entre deux mondes : entre Belleville et le Venezuela, entre la douceur et la rage. Sur « Drink », les percussions dialoguent avec les machines, et la scène devient un rituel. Quand elle lance « Ça fait longtemps qu’on essaye de nous détruire, mais on est encore là », le public répond d’un cri unanime. Puis vient « La Loba », dédiée à toutes les femmes de la planète. Le moment est fort, presque sacré. Une fin de soirée qui donne des frissons, mélange de puissance, de douceur et de résistance.

Samedi tout le monde Zouk

C’est le grand soir, celui que tout le monde attendait. La dernière soirée de la Fiesta des Suds affiche complète. Il y a du monde partout, sur les quais, dans les allées, jusque devant la Major. Notre première escale avec Bamby, nouvelle étoile du dancehall guyanais. Impossible d’entrer, la salle déborde littéralement. De loin, on distingue la chanteuse entourée de danseurs et danseuses, organisant un concours de danse improvisé. Sa voix, à la fois sensuelle et pleine d’assurance, emporte tout. Même vue de loin, on ressent sa force et sa générosité.

Et puis vient Blaiz Fayah, véritable boule d’énergie. Représentant majeur de la scène dancehall et shatta, il déboule sur scène en vert, lunettes noires, sourire conquérant. À ses côtés, deux danseuses électriques, un DJ déchaîné, et un public déjà en fusion. « Lifetime », « Money Pull Up », « Gimme This »… les tubes s’enchaînent à un rythme infernal. Il fait sauter la foule, littéralement : « La droite ! La gauche ! Qui saute le plus ? » hurle-t-il, dans un joyeux chaos. Même un léger incident dans la fosse n’entame pas la fête. Entre deux morceaux, il prêche la persévérance : « Croyez en vos rêves, même si vous échouez, foncez. » L’énergie est totale, communicative, solaire. Marseille danse, transpire, rit.

Blaiz Faya à la Fiesta des Suds, le Vendredi 10 octobre 2025. 📸 : @st_xl1

Les DJ : Gardiennes du groove

Impossible d’évoquer cette édition sans saluer celles qui ont tenu le tempo entre chaque concert : les DJ. Trois femmes, trois univers, un seul mot d’ordre, celui de faire danser Marseille.

Dès le jeudi, DJ Lina avait ouvert la voie. Formée à la prestigieuse Akademix Deejay School auprès de DJ Djel (Fonky Family), la Franco-équatorienne mêle reggaeton, dembow et rap old school avec une fluidité déconcertante. Elle accueille les premiers festivaliers, puis revient en fin de nuit pour clore la soirée avec grâce et intensité.

Vendredi, place à Wanda Witt, figure marseillaise de la scène queer et néo-perreo, qui a assuré trois passages ce soir-là. Baile funk, kuduro, reggaeton brûlant : son mix est une ode à la liberté, à la fierté et à la sueur. Une tornade féminine et magnétique.

Enfin, Mapouia a pris le relais samedi. Marseillaise jusqu’au bout des ongles, elle a fait danser la foule avant Kassav’ sur du kuduro, puis sur du ndombolo en fin de soirée. Elle a fait voyager sans quitter le dancefloor. Même nous, on n’a pas résisté à esquisser quelques pas devant ce dj dont chaque set devient un moment de fête collective, entre éclats de rire et pure joie.

Mapouia à la Fiesta des Suds, le Vendredi 10 octobre 2025. 📸 : @st_xl1

Samedi soir, la Fiesta des Suds a atteint son paroxysme. Des visages en sueur, des sourires sincères, des bras levés vers le ciel, témoignent de trois soirées de feu, de partage et de musiques sans frontières. Entre émotions intenses, découvertes vibrantes et légendes inoubliables, cette 34ᵉ Fiesta des Suds a une fois de plus fait rayonner Marseille au rythme du monde. Rendez-vous l’année prochaine et comme on dit à Marseille : « A la vie, à la mort »