Lauréates des Inouïs du Printemps de Bourges 2025, le duo strasbourgeois Exotica Lunatica tisse une musique envoûtante entre polyphonies, rythmes tribaux et textures électro. Rencontre en marge du MaMA avec deux artistes qui font de la scène un rituel de liberté
Le duo strasbourgeois Exotica Lunatica, formé par la compositrice et multi-instrumentiste française Daphnée Hejebri et la chanteuse, guitariste et performeuse grecque Eleanna Konstanta, envoûte depuis son premier album Enter The Moon (2023). Leur univers mêle transe, polyphonies, textures électro et spiritualité cosmique. Lauréates des Inouïs du Printemps de Bourges 2025 et du Prix Public RIFFX, elles préparent actuellement un deuxième album, The Cycle of Fire. Rencontre mystique au MaMA Festival.
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Vous avez récemment été nommées et primées, notamment aux Inouïs. Est-ce que cela vous a ouvert des portes ?
Daphnée : Clairement, il y a eu un avant et un après. Ces distinctions nous ont offert de belles opportunités, de nouvelles dates, une tournée d’été incroyable… et surtout la chance de rencontrer d’autres professionnel·les du milieu. Tout s’est intensifié. Aujourd’hui, on continue à tourner tout en écrivant notre deuxième album, on est en plein mouvement.
Revenons au tout début. Vous vous êtes rencontrées à Athènes. Vous souvenez-vous du moment où vous vous êtes dit : « On tient quelque chose » ?
Eleanna : Oui, très bien ! J’habitais à Athènes à ce moment-là. Quand j’ai rencontré Daphnée, j’ai senti immédiatement qu’il se passait quelque chose de très fort. Un mois plus tard, je faisais ma valise pour venir en France !
Daphnée : On venait toutes les deux du monde de la musique classique, Eleanna chanteuse d’opéra, moi compositrice contemporaine. Mais on avait ce désir commun d’explorer d’autres univers qui vibraient en nous sans qu’on ose encore les exprimer. Cette rencontre nous a donné la force de les laisser vivre, de les incarner pleinement.
Et ce nom, Exotica Lunatica, d’où vient-il ?
Daphnée : Tout a commencé pendant un road trip en France, au tout début du projet. On aimait cette idée de mouvement, de voyage, de cinéma aussi. Le mot Exotica vient d’un documentaire de la réalisatrice grecque Evangelia Kranioti, Exotica, Erotica, un film qu’on adore.
Et puis, il y avait cette fascination commune pour la lune. En Grèce, il existe une légende de femmes d’un village qui auraient fait descendre la lune sur Terre pour en traire le lait et s’en enduire, afin de guérir leurs blessures. On trouvait cette image magnifique. Lunatica, c’est venu naturellement, un peu fou, un peu mystique, un peu nous.
Votre musique parle beaucoup de lien entre humain, nature et transcendance. Comment cela se traduit-il dans votre manière de composer ?
Eleanna : C’est quelque chose de très instinctif. Nos racines, nos héritages traditionnels, tout cela remonte naturellement dans notre musique. En Grèce, la musique est liée à la danse, au collectif : les gens de toutes générations dansent ensemble, se touchent, se relient. On essaie de retrouver cette énergie sur scène, une expérience collective, presque rituelle, où tout le monde vibre ensemble. Vous jouez ce soir « Luxuria », un titre en latin dédié à une déesse de la passion. Quelle est l’histoire derrière cette chanson ?
Daphnée : On écrit dans plusieurs langues, mais celle-ci, on l’a imaginée comme une sorte de messe incantatoire en latin. On s’adresse à une déesse multiple, de la mer, de la terre, de la forêt, du feu. On lui demande de nous pardonner, de nous libérer de nos passions. C’est un appel à la liberté, à celle des corps, des mœurs, des désirs. Une chanson libératrice, tout simplement.
Votre prochain album, The Cycle of Fire, sortira au printemps 2025. À quoi peut-on s’attendre ?
Eleanna : Ce sera dans la continuité d’Enter The Moon, mais avec de nouvelles sonorités. On veut explorer davantage l’électronique, tout en gardant notre essence acoustique et organique.
Daphnée : Oui, on reste dans la même esthétique, mais on ouvre notre laboratoire sonore. On va aussi intégrer davantage d’instruments traditionnels grecs. Ce deuxième album sera centré sur le feu, un nouveau cycle, une nouvelle énergie.
Vous aviez marqué les Inouïs avec une performance puissante. Est-ce que votre show a évolué depuis ?
Daphnée : On n’a pas cherché à tout changer, mais à consolider et approfondir la proposition. Après un été très chargé en concerts, on a beaucoup appris sur nous, sur la scène, sur les publics. Ce soir, ce sera une version plus ample, plus aboutie.
Ces récompenses et distinctions créent-elles une forme de pression pour la suite ?
Eleanna : Non, au contraire, c’est une motivation.
Daphnée : Oui, il y a des attentes, mais c’est positif. Cela nous donne de la légitimité, une crédibilité. Bien sûr que ça aide à ouvrir des portes, mais ça ne fait pas tout. Le plus important, c’est de continuer à construire, à apprendre, à avancer.
Votre univers évoque les éléments. Si vous deviez vous représenter par un seul, lequel serait-il ?
Eleanna : On préfère laisser le public choisir. Chacun projette quelque chose de différent : la mer, la forêt, le feu… On aime cette liberté d’interprétation. Enter The Moon était tourné vers la lune, The Cycle of Fire sera celui du feu, mais les éléments, pour nous, restent ouverts et multiples.
Vous êtes un duo depuis deux ans et demi. Comment se vit cette collaboration au long cours ?
Daphnée : Comme toute relation humaine, c’est un travail. On a une connexion artistique très forte, mais ça demande de l’écoute, du soin, du respect.
Eleanna : Oui, et pour l’instant, on porte le projet à deux parce que c’est plus simple pour cette phase d’émergence. Mais on commence à s’ouvrir à d’autres collaborations, ça fait partie de notre évolution naturelle.
Et enfin, si la lune pouvait vous parler ce soir, qu’est-ce qu’elle vous dirait ?
Daphnée : (rires) On nous a posé cette question pour la première fois la semaine dernière à Nancy !
Eleanna : Alors ce soir, on va dire qu’elle nous dirait : « Continuez à briller, mais restez connectées à la Terre. »
Plus d’infos
Exotica Lunatica sera en tournée jusqu’à la fin de l’année avant de préparer la sortie de leur deuxième album, The Cycle of Fire, prévu pour le printemps 2025.
