Premier Ouest Park, et sûrement pas le dernier. Entre afrobeat, électro et pogos dans la nuit havraise, on vous raconte tout.
Il fait un froid de canard ce premier soir de festival quand nous arrivons au Fort. Peut-être notre côté parisien, mais ici, les gens semblent peu couverts, sûrement habitués. On souffle dans nos mains, en se disant que le week-end va être long, mais beau. C’est la première fois qu’on couvre le festival Ouest Park, et le lieu est impressionnant : quatre scènes, quatre univers. Le grand chapiteau pour les têtes d’affiche, la scène du Fort (elle aussi sous une toile), le Tetris, véritable salle de spectacle, et le CEM, repaire des artistes locaux. Tout est à portée de pas, et déjà, le site grouille de monde.

De l’afrobeat au funk enflammé
On commence en beauté avec l’afrobeat engagé du Star Feminine Band, un orchestre 100 % féminin venu du Bénin. Elles sont six sur scène, vêtues de leurs tenues traditionnelles colorées, prêtes à réchauffer ce premier soir glacé. D’entrée de jeu, elles font entrer le public dans la danse, avec une énergie solaire et un message fort : la paix, la solidarité, la force des femmes.

Elles lancent « The World is a Village », un hymne fédérateur qui traverse la foule. Puis vient un moment suspendu : les musiciens déposent leurs instruments pour une danse traditionnelle, calebasses en main, invitant la fosse à les suivre. C’est beau, sincère, presque cérémonial. Sur « On a gagné », le public saute, chante, reprend en chœur les paroles, porté par les sourires du groupe. Un invité surprise, David, les rejoint brièvement sur scène. L’ambiance est à la fête. Puis elles enchaînent avec « L’enfant est un don de Dieu », une chanson sur les droits des enfants. Une chenille improvisée s’organise dans la fosse, preuve que leur musique rassemble autant qu’elle fait danser. Avant de quitter la scène, elles se présentent une à une, sous un tonnerre d’applaudissements. Une entrée en matière rayonnante, pleine de messages positifs et d’énergie contagieuse.
À peine le temps de souffler qu’on file de l’autre côté, sous le grand chapiteau, où Deluxe ouvre le bal pour cette édition. Le lieu est littéralement en feu : en fond de scène, une énorme moustache lumineuse veille sur le groupe. On arrive juste à temps pour « Michael », extrait de leur dernier album Ça fait plaisir, sorti le 25 avril dernier. Sur scène, un des musiciens joue de la trompette pendant que des flammes jaillissent derrière lui. Le public est en transe. Tout est calibré pour la fête : costumes scintillants, instruments partout, énergie débordante. La chanteuse lance « Get It Down », et la foule explose. À un moment, le trompettiste descend dans la fosse, se met à jouer au milieu du public, pendant qu’un autre enchaîne un solo de tambour d’une intensité folle. S’ensuit une avalanche de groove, de sueur et de bonne humeur qui fait trembler le chapiteau.

Scènes locales et découvertes
On repasse devant la scène du Fort pour rejoindre Le Tetris, la salle de spectacle perchée sur les hauteurs du Havre, au cœur du Fort de Tourneville. Ce lieu de création pluridisciplinaire, habituellement dédié à la musique, à la danse ou au théâtre, a cette fois été entièrement réquisitionné pour le festival.

C’est là qu’on tombe sur Friedberg, un girl-band indie pop aussi fun que percutant. Quatre musiciennes sur scène : une batteuse impressionnante de maîtrise, les trois autres à la guitare et à la basse, avec la chanteuse en meneuse, micro et guitare en bandoulière. Leur son est brut, Groove, électrisant. Même si elles jouent en même temps que Deluxe de l’autre côté du fort, elles attirent un public grandissant, la salle se remplit petit à petit jusqu’à former une fosse dense et vibrante. Une belle claque de fraîcheur et d’attitude, dans une ambiance moite et électrique.

Les couloirs du Tetris grouillent de monde, entre ceux qui cherchent la sortie et ceux qui font la queue pour les toilettes. L’air y est chaud, saturé de conversations et de pas pressés. À peine dehors, le froid nous cueille, brutal rappel que la nuit est bien entamée. On file vers le chapiteau de la scène du Fort, déjà plein à craquer. Sur scène, Hugo TSR. Rajouté à la programmation à la dernière minute après l’annulation de Dali, le rappeur ne s’attendait sans doute pas à un tel accueil pour sa première participation au festival. Veste verte à capuche vissée sur la tête, accompagné de son DJ et de son backer, il balance ses textes crus et authentiques avec une énergie brute. La fosse lui répond sans détour :“TSR Crew ! TSR Crew ! TSR Crew !” Les voix montent, les bras aussi, et on sent que le public est avec lui, du début à la fin.
Direction le CEM (le Centre d’Expressions Musicales). Cette école de musiques actuelles, installée sur le site du Fort, ouvre l’une de ses salles aux artistes locaux pendant le festival. En passant, on jette un œil au grand chapiteau : la foule déborde pour Jok’Air, l’une des têtes d’affiche de la soirée. On reviendra, c’est promis. Les food trucks nous appellent un instant, mais le temps file, et la musique nous attire ailleurs. Sur le chemin, on croise la scène extérieure Peugeot, où un DJ set fait bouger les festivaliers malgré le froid. Ça danse, ça rit, ça trinque, l’ambiance est bonne, simple, vivante.

Arrivés dans la salle du CEM, surnommée Le Tube, on découvre R’may, la rappeuse havraise, accompagnée de son frère Skol au micro. La complicité entre les deux est évidente, sincère. Elle partage un titre inédit, « Des épines et des roses », avant d’inviter le public à la suivre et à soutenir son projet. Une belle énergie locale, qui clôt ce passage avec le sourire.
On file juste à temps pour les dernières minutes de Jok’Air. Le rappeur est littéralement porté par son public, perché sur les épaules d’un colosse, il s’avance vers la foule, le sourire aux lèvres, pour saluer et remercier. Dès les premières notes de « Las Vegas », extrait de son album Jock’stravolta sorti en 2009, une marée de smartphones s’élève, capturant l’instant. Le chapiteau devient une véritable chorale : tout le monde chante, crie, vibre. Vers la fin, Jok’Air fait monter quelques filles du premier rang sur scène. Elles n’en reviennent pas, partagent ce moment suspendu, presque irréel. C’est beau, sincère, plein de chaleur, malgré le froid dehors, on ressort trempés, mais heureux.
Moments forts et performances incendiaires
On reprend nos esprits quelques minutes au bar VIP, le temps de souffler un peu, avant de retourner vers la scène du Fort. Là, Baby Volcano prend possession de l’espace. Sur scène, elle se couvre le torse d’une peinture rouge, geste fort, presque rituel. Son corps devient partie intégrante de la performance, entre chant, danse et expression brute. En perruque blonde puis cheveux naturels, elle se dévoile sans filtre, alternant vogue, tension et lâcher-prise. Elle lève le poing, puissante et vulnérable à la fois. Une prestation à la fois déroutante et captivante, qui laisse le public suspendu, entre fascination et respect.

La fatigue commence à se faire sentir, il est déjà minuit passé. On retourne au Tetris pour découvrir Kap Bambino, duo électro-punk survitaminé. Une vraie claque sonore. Elle crie, saute, se jette dans la fosse, une énergie brute, sans filtre, qui emporte tout sur son passage. Le public se lâche complètement, happé par ce tourbillon sonore.
On tente ensuite d’accéder au CEM pour voir Anton & The Clouds, mais impossible d’entrer : la salle déborde de monde. On repart un peu frustrés, mais aussi contents de voir autant de ferveur pour la scène locale. Direction la scène Peugeot, à l’extérieur, pour se réchauffer et se consoler. Là, la jeune Mochi DJ fait danser tout le monde avec un set électro enflammé. On oublie le froid, on se laisse porter par la musique et les lumières.

Retour sous le grand chapiteau pour se réchauffer avec Étienne de Crécy, pionnier de la French Touch. Sur scène, il déploie tout son talent intact et confirme qu’il reste un roi incontesté de l’électro française. Les basses font vibrer le sol et le public se laisse emporter dans un tourbillon hypnotique, entre nostalgie et énergie contagieuse.
On clôture cette première soirée avec Contrefaçon au Tetris. Ils sont deux sur scène derrière leurs claviers, mais l’énergie qu’ils dégagent est énorme. À cette heure avancée de la nuit, la salle est loin d’être vide : leur public fidèle est là, vibrant avec eux, reprenant les morceaux comme une seconde peau. Le chanteur descend même dans la fosse pour communiquer directement avec le public, et derrière lui, un écran diffuse en direct chaque mouvement, capté par un caméraman qui le suit pas à pas. Le show est à la fois visuel et sonore, captivant, et confirme que la soirée est loin d’être isolée, comme ils le chantaient eux-mêmes sur scène. Pendant ce temps, de l’autre côté du festival, Myd clôture sur la scène du fort, mais notre choix, cette fois, était clair : Contrefaçon emporte nos cœurs.

Samedi : douceur et émotions
Le samedi commence sous un ciel un peu plus clément, moins froid qu’hier. On démarre la journée par une interview avec Irène Drésel en salle de presse, où elle nous parle de son prochain concert au Zénith et de son nouveau single Cascade.
Direction ensuite la scène du fort, où Miki ouvre les festivités, quelques jours après son concert à l’Olympia. Accompagnée de son batteur et de son guitariste, elle arrive sous sa grosse doudoune habituelle pour 50 minutes de show. Après une intro, elle lance « Yes », et prend la parole pour interagir avec le public : «Est-ce qu’il y a des cowboy dans la salle ?» Avant de chanter « Cowboy », elle pique un chapeau à un spectateur. Vient ensuite « Particule », écrit après une rupture à distance, que le public chante en chœur. Miki termine le morceau dans un face-à-face avec son pianiste, avec une instrumentation qui déborde et la rend complètement habitée par son live. Le set se poursuit avec « Échec et mat », avant de conclure sur « Scorpion », sous l’œil bienveillant d’un scorpion gonflable qui trône en fond de scène, renforçant la scénographie et l’univers singulier de l’artiste.

On file ensuite vers le CEM, où on avait prévu de découvrir Cerise, mais une fois de plus, la salle est bondée et impossible d’accès. On retourne donc vers le grand chapiteau, où Zamdame ouvre la scène ce soir. La foule est moins dense que pour Deluxe à la même heure la veille, mais le rappeur peut compter sur ses fidèles, qui connaissent ses titres par cœur et le suivent avec enthousiasme. Direction le CEM, où on avait prévu de découvrir Cerise, mais une fois de plus, la salle est bondée et impossible d’accès.
On se dirige ensuite vers le Tetris, où Ades the Planet ouvre la soirée. Accompagnée d’un guitariste également aux claviers, elle est vêtue de noir de la tête aux pieds, son gilet à capuche ajoutant à son allure mystérieuse. En fond de scène, deux portemanteaux supportent des chaînes, qu’elle manipule parfois : à un moment, elle s’enchaîne avec elles, faisant face à son musicien, comme dans une chorégraphie presque ritualisée. La salle est pleine, et beaucoup sont là pour la découvrir. Elle chante quasiment dans le noir, un projecteur blanc braqué sur elle, ajoutant une dimension hypnotique à sa performance.
Une semaine après leur passage à la Fiesta des Suds, Groundation investit la scène du fort de Ouest Park. Les légendes californiennes du roots reggae assurent un moment de pure vibes, et on voit que même les plus anciens du public profitent pleinement de ce concert offert par le festival. On fait ensuite un détour par le Tetris pour les dernières minutes de The Murder Capital. Le quintet, avec son chanteur charismatique et ses quatre musiciens, envoie une énergie brute et captivante. On regrette presque d’être arrivés en fin de set, tant la scène semblait vibrer.

Irène Drésel et Roland Cristal : apothéose
C’est à Irène Drésel que revient l’honneur de conclure la dernière soirée sur la scène du grand chapiteau. Deux danseurs en aube blanche et capuche encadrent la scène pendant qu’elle se place derrière ses platines, accompagnée de Sizo Del Givry à la batterie. Une heure d’électro dance démarre, rythmée et envoûtante. Comme elle nous l’avait confié en début de soirée, elle n’interprète pas son titre «Cascade» : pas question de chanter, son objectif est de faire danser le public. Vêtue d’une robe blanche, derrière sa console en forme de piano à queue et ornée de fleurs comme à son habitude, elle captive. Son complice, également en blanc, se fond dans les lumières qui virent parfois au vert intense. La fosse est en transe, et on n’admet pas que la fin approche déjà.

On retourne au Tetris, où Roland Cristal a la lourde tâche de conclure la soirée. On l’avait déjà croisé au festival Nuits Secrètes, et sa performance ne déçoit pas : à la fois décalée et loufoque. La salle est pleine, et on hésite entre regretter le froid extérieur ou se laisser emporter par l’énergie collective. Le public choisit pour nous : il reprend en chœur sa «vendetta», et Roland transforme la fosse en véritable salle de danse royale. Il descend parmi les festivaliers et leur demande de former de petits cercles en se tenant par la main. Aussitôt, les cercles se créent, il donne ses consignes : danser en cercle, se rapprocher, puis s’éloigner, un peu comme à Versailles à l’époque. Le résultat ? Un joli bordel organisé, euphorique et magique.

Sous les coups de 2h, en quittant le festival, on jette un dernier œil sous le chapiteau de la scène du fort. Decius est sur scène, en petite culotte en cuir et veste noire sans manches, donnant son virage « club » en quatuor. On ne s’attarde pas : il est temps de rentrer.

Deux jours de musique plein la tête, mains glacées mais cœur chaud. Ouest Park, c’est un festival à taille humaine, où tous les styles se croisent, où chaque recoin du fort vibre d’énergie, où le public est bienveillant et passionné. On repart fatigués mais heureux, avec une seule envie : revenir l’an prochain. Tchao Ouest Park, et merci pour cette première édition inoubliable.
