Les vendredi 3 et samedi 4 octobre derniers, Rage Tour réunissait un bel échantillon de ses artistes le temps de deux soirées au Liberté à Rennes pour célébrer ses 30 années d’existence. Nous y avons participé le deuxième jour, initialement « en touriste » sans arrière pensée de live report, mais la qualité de la scène découverte à L’Étage nous a motivé.e.s à donner un coup de projecteur sur les quatre formations proposées : HEADKEYZ, Howard, Lucie Sue et mirabelle.

Notre envie folle de retrouver Ultra Vomit sur scène pour, environ, la treizième fois fût la motivation première de notre déplacement et nous sommes heureux.e.s que le festival propose dix concerts ce soir-là (on pense bien fort à Les 3 Fromages, contraints d’annuler leur participation en raison de l’état de santé de l’un de leurs membres). Entre deux concerts dans la grande salle, le plus grand nombre a tendance à rester auprès de la scène du Liberté ou aux bars/snacks dans les halls en bas. Pendant ce temps, les plus curieux, les plus téméraires et/ou les plus motivés grimpent les marches vers la petite salle située, comme son nom l’indique à L’Étage. L’enchaînement est intense, quasiment 8 heures de concert non stop : si l’on veut voir tous les concerts dans les deux salles, il faut du cardio (et des gaufres au sucre en poche pour ne pas risquer l’hypoglycémie).

HEADKEYZ

Après les reprises déjantées d’Opium du Peuple dans la grande salle, le groupe montpelliérain HEADKEYZ ouvre la scène de L’Étage avec son métal-rock alternatif mené par Edge. Ce dernier a mis à profit la période des confinements pour transformer la pop qu’il proposait sous le nom d’ADG en un univers plus incisif qu’il a voulu faire exister en tant que groupe, ainsi est né HEADKEYZ. On y retrouve les marques du grunge et du métal des 90’s mêlé.e.s à une énergie solaire à travers laquelle le chanteur ne peut pas complètement renier son précédent projet. On aime ce contraste, le rayon lumineux qui se fraye un passage à travers une musique plus dense .

La prestation est efficace, on apprécie l’attitude bondissante et élastique d’Edge, la présence des musicien.ne.s et la construction des morceaux alternant des moments sautillants et d’autres plus énervés. Bien que les thèmes abordés dans les textes soient assez sombres, ce concert nous laisse une impression plutôt enthousiaste. Après son premier album The Cage & The Crown : Chapter I, HEADKEYZ se prépare à sortir un deuxième volet The Cage & The Crown : Chapter II dont nous pouvons déjà écouter trois extraits Intoxicated, Viking et, paru pour Halloween, le plus sombre The Keys, tous disponibles sur les plateformes de streaming. On a hâte de voir grandir ce groupe dont la composition a évolué depuis ses débuts et semble stabilisée depuis l’arrivée de Stella à la guitare, aux côtés de Timothée et Samuel (respectivement guitare et basse).

HOWARD

On remonte les marches à toute vitesse dès la fin du set de CelKilt pour savourer l’entrée en scène de Howard, d’emblée happé.e.s par Raphael, sa veste argentée et son talent évident à dompter son orgue Hammond tout en se connectant immédiatement à l’assemblée. L’intro habitée qu’il nous sert déclenche d’emblée la réaction enthousiaste d’un public bien fourni. Jimbo (guitare, chant) arrive en robe longue noire et bottines compensées assorties au blouson de son complice claviériste, sa silhouette nous apparait d’une immensité qui n’a d’égal que son besoin d’exprimer pleinement sa personnalité intime. Il explique, au cours du set, sa nécessité d’aborder des sujets personnels à travers le nouvel album d’Howard, Oscillations, paru le 28 mars dernier, en particulier son récent coming out non-binaire.

On aime la façon dont le trio fait durer les morceaux sur scène, accentue leur dimension électro sur les percussions entêtantes de Tom à la batterie et nous transmet sa détermination à transformer les épreuves de la vie en expériences positives, étapes progressives pour trouver son équilibre. Le rituel wall of death est aujourd’hui renommé wall of love puisqu’il s’agit de se foncer dessus en se faisant des câlins, le tout en ensevelissant un personnage en méditation, coiffé d’un chapeau à l’effigie d’une tête de sanglier. Le trio parisien nous laisse dans une sorte de transe hypnotique favorisant la connexion à notre équilibre intérieur.

LUCIE SUE

Nouveau sprint dans l’escalier en quittant Cachemire et, notamment, son nouveau morceau ADAM qui donne la parole à un garçon de 10 ans, né dans un corps de fille et fait directement écho au discours d’Howard précédemment. Bien qu’elle joue juste avant nos chouchous d’Ultra Vomit, nous ne voulions pas manquer la prestation de Lucie Sue que nous connaissions déjà comme influenceuse Instagram aux côtés de Supertartelette et, mea culpa, nous n’avions pas encore pris le temps d’écouter sa musique. La quarantaine bien tassée, Lucie Sue libérée d’un mariage étouffant ses rêves, a décidé de se lancer de toute son âme dans la réalisation de son ambition d’adolescente : vivre de sa musique et faire exploser son grunge-métal éclectique à la face du monde.

Dès l’entrée en scène de la Lyonnaise, on reçoit sa rage de vaincre en pleine face, portée par l’efficacité des trois musicien.ne.s qui l’accompagnent : Mitch à la batterie, Enzo à la guitare et Cosmic Girl à la basse (que l’on reconnaît du quatuor féminin Pussy Miel). Avec son maillot des Kentucky Wildcats en taille L qu’elle porte comme une robe, d’un bleu électrique auquel elle a assorti son fard à paupières, ses postures statiques et ses mimiques qui invitent à sourire pendant que la puissance de sa musique nous prend aux tripes, Lucie Sue excelle à mélanger le déjanté et l’efficace. Ceci fait subitement apparaitre comme judicieux le choix de l’avoir programmée juste avant Ultra Vomit (dont elle assurait justement la première partie à Guéret la veille). Son set s’achève beaucoup trop vite au goût d’un public largement conquis et nous sommes nombreux à rester pour applaudir longuement cette prestation, quitte à louper les premières minutes du concert de nos chouchous qui commence au même moment sous nos pieds.

MIRABELLE

Après avoir hurlé à tue tête les paroles d’Ultra Vomit tout en sautant partout et en faisant un usage abusif des doigts de métal, seul un fruit juteux, sucré et parfumé pourra nous sauver d’une hypoglycémie certaine. On compte sur mirabelle. pour recharger nos batteries, puisque le stock de gaufres au sucre dans nos poches au début de soirée est à présent épuisé. mirabelle. s’écrit tout en minuscule suivi d’un point avec même une fleur à la place du « i » pour leur logo, c’est rond, c’est doux, puis tout à coup, ça tabasse d’un coup, sproutch, confiture de mirabelle direct en pleine figure.

Dory-Loup au chant et à la basse comte ses paroles funèbres sur des mélodies entrainantes puis, quand l’énergie éclate sur les passages plus énervés, les deux guitaristes Pierre et Mathieu virevoltent, se croisent et envoient des coups de pied dans les airs pour répandre la bagarre sur une assemblé qui commençait peut-être à manquer de sucre elle aussi. Reboostée, elle finit par offrir au groupe un wall of death de toute beauté. On envie le t-shirt imprimé « I hate mirabelle » porté par Mathieu sur scène, ainsi que les personnes qui ont attrapé les deux t-shirts « griffonnés de la setlist » lancés dans le public. Direction le stand de merch pour nous procurer un magnifique t-shirt rose estampillé MIRABELLE écrit en police death metal noire formant un cœur, c’est sucré et acidulé comme le moment qu’on vient de vivre, ça nous a ravi les papilles. On se laisse quelques minutes pour savourer cette sucrerie piquante qui râpe une peu la langue avant d’aller retrouver Tagada Jones, tête d’affiche de la soirée dans la salle du bas.

Nous apprécions à sa juste valeur l’opportunité qui nous a été offerte de découvrir quatre projets émergents proposant chacun un univers bien personnel. Nous saluons l’initiative de Rage Tour d’avoir alterné des groupes déjà bien en place dans le paysage rock métal français avec des talents en pleine expansion. Nous serons fiers, dans quelques années, de nous remémorer ce moment de découverte tandis que ceux qui sont restés au bar ou dans la salle du bas diront « si on avait su ».  

pour suivre Headkeyz :

pour suivre Howard :

pour suivre Lucie Sue :

pour suivre Mirabelle :