Vendredi sur Mer a envoûté une Cigale sold out hier soir. Trois ans après son dernier passage, elle signe un retour aussi doux qu’intense, entre ses tubes et les titres de son nouvel album « Malabar Princess ». On vous raconte tout dans notre report. 

On arrive cinq minutes avant son entrée en scène. Autant dire qu’on a loupé la première partie, on retrouve seulement une salle déjà pleine, vibrante, compacte, prête. On se fraie un chemin jusqu’à la fosse, juste devant la scène, au pied de ces immenses drapés blancs qui ressemblent à la fois à des sommets, à des vagues immobiles ou à un rideau d’hiver. Tout semble attendre avec nous. À 21h, la Cigale bascule dans le sombre, et un cri unique, puissant, traverse la foule.

Les racines en guise de lumière

Vendredi sur Mer apparaît, silhouette noire barrée de « the elephant in the room », comme au Festival Transe Atlantique où nous l’avions rencontrée. À ses côtés, Louis et Christo, familiers mais toujours prêts à surprendre. « Monochrome » ouvre le bal avec sa retenue élégante, puis « Encore ». On sent chez elle une joie franche, presque soulagée : « Bonsoir Paris. »

Dans la fosse, on voit ses expressions, les nuances de sa voix, les regards rapides qu’elle lance à ses musiciens, cette manière de communiquer sans mots.

Sur « Tout résonne », Louis passe du clavier à la guitare, matérialisant cette direction plus organique qu’elle évoquait cet été : « plus de guitare, plus de batterie, quelque chose de plus rock ». Puis « Chewing-gum » : instant de communion pure. La Cigale chante à l’unisson, comme un seul corps. Elle sourit, presque impressionnée : « Ça fait 3 ans qu’on n’a pas joué à Paris… merci d’avoir rempli cette salle. »

Quand la fragilité devient scène

On décide de prendre un peu de hauteur, de regarder la suite depuis l’orchestre. De là, la scénographie ressemble encore davantage à une chaîne de montagnes, celles qu’elle évoquait à Saintes, celles où Malabar Princess est née, quand une chanson écrite à Montréal lui a soufflé : « Il faut que je sois nulle part sauf dans mes montagnes. » Le concert prend alors un tour plus intime.

« Rien n’a changé » la place seule sous un projecteur rouge ; la salle se fait silence. Puis « Arrêter le temps » illumine la Cigale de milliers de lumières de téléphones. Louis reprend le piano avec une douceur infinie. Chaque mot prend du poids, d’autant que l’on sait, elle nous l’avait confié qu’elle y raconte une relation « pas complètement terminée ». Ce moment-là semble durer plus que trois minutes. Puis vient « Malabar Princess », la chanson-mère. On voit les plis du décor respirer avec elle, comme si ses montagnes intérieures prenaient forme autour du trio.

« Hard » apporte une respiration plus joueuse : Antoine arrive avec une banane à la main, micro improvisé ou gag volontaire, difficile à dire depuis l’orchestre, mais l’effet amuse la salle. S’enchaînent « La femme à la peau bleue », puis « Si t’étais là », son nouveau single coécrit avec Alice et Moi et Dani Terreur. Ce soir, les paroles prennent une résonance particulière : « J’attends que tu reviennes… j’espère des nouvelles… » Elles flottent au-dessus de la foule, comme si chacun y posait un visage, une histoire.

Un au revoir ardent

La dernière ligne droite est une montée rouge et brûlante : »J’irai en enfer », « Écoute chérie » (que tout le monde chante, smartphones levés comme un hommage collectif), puis « Comment tu vas finir », qui éclaire la Cigale d’une lumière sanguine. Les musiciens s’offrent une bataille instrumentale avant de disparaître. Elle revient, saluée comme il se doit, et achève la soirée avec « Les filles du désir ». Louis danse, Christo rayonne, elle sourit, touchée, entourée.

Il est 22h28. On quitte la Cigale en redescendant les escaliers, le cœur un peu serré, comme après avoir passé quelques heures dans un monde où la tendresse, les failles et les sommets intérieurs avaient enfin droit de cité.