Depuis le 27 mai dernier, Dombrance est le nouveau Président de la République Électronique et il promet de faire danser le pays avec la bande qu’il a créé sur la Ve République. L’occasion d’aller à sa rencontre pour en savoir plus sur son programme qui place la musique électronique au sommet de la pile

C’est un projet électro un peu fou que nous propose Dombrance avec son programme de République électronique, né d’une conversation avec son ami Bertrand Maire l’été dernier. Une fresque musicale sur la 5e République, un grand mix de 1958 à nos jours avec lequel il promet de faire danser la France. Vous l’avez compris, il est question de politique française et plus précisément d’un album retraçant les mandats de tous les Présidents de la 5e République.

D’ailleurs, la pochette du EP réalisée par le graphiste de génie Olivier Laude, annonce tout de suite la couleur, on y aperçoit les 8 présidents qu’a connu la 5e république jusqu’à nos jours (de Degaulle à Macron), grimés en robot hyper connectés. Chaque titre porte le nom d’un président de la 5e République de façon chronologique, excepté le morceau d’introduction qui donne son nom au disque. Le premier single « De Gaulle » se veut nostalgique et nous replonge dans une France des années 60, tandis qu’on a le sentiment de la fin d’un monde avec le titre qui referme l’opus « Macron » .

Pochette République Électronique (c): Olivier Laude

Le producteur et dj n’est pas à son coup d’essai, lui qui considère la musique comme politique et ayant un rôle à jouer dans la société, a déjà fait danser les amoureux d’electro ces dernières années avec des tubes comme « Poutou », « Fillon » ou encore « Raffarin ». En janvier 2021, il s’était intéressé à la politique américaine avec son EP Make America Dance Again dont les titres portent le nom des politiques ou stars américaines (Biden, AOC, Obama, Trump, Kanye West). Un retour aux sources était donc essentiel avec cet album électronique à l’univers contrasté, entre obscurité et lumière.

Comment est né ce projet qui fait cohabiter politique et musique électronique ?

Le projet est né à la suite d’une discussion avec Bertrand Maire au festival Inasound, il a voulu qu’on fasse un truc ensemble pour les élections. Il avait déjà bossé avec Arnaud Rebotini pendant le confinement. Je lui ai dit au tac tac on fait un truc sur la 5ème République, il y en a 8, plus une intro ça nous fait un album. Le temps que je finisse la tournée en juillet et qu’on se dise qu’on va le faire. J’ai commencé à bosser sur l’album en septembre octobre, il fallait que je le finisse pour fin février pour pouvoir lancer la fabrication des vinyles. J’avais déjà quand même deux morceaux de prêts.

J’ai senti le potentiel de cette idée débile très rapidement et après je suis allé à fond.

Dombrance

Pourquoi cette obsession pour le monde politique ?

L’histoire de mon projet à l’origine c’est parti d’une inspiration. J’étais en studio pendant la journée j’avais un peu de temps libre, j’ai commencé un nouveau morceau et quand j’ai fait du synthé je l’ai entendu qui disait « François Fillon, c’est François Fillon », je me suis dit tout de suite qu’il fallait l’enregistrer. J’ai aussi fait une petite vidéo que j’ai balancé sur les réseaux sociaux qui a suscité pas mal de réactions. Tout d’un coup j’ai eu comme une révélation, ce n’était pas uniquement le fait de faire le morceau sur les politiciens, c’est un tout, créer le personnage, s’amuser sur l’artwork. J’ai senti le potentiel de cette idée débile très rapidement et après je suis allé à fond.

Mon premier concert c’était aux Transmusicales devant au moins 8 ou 9 politiciens, j’ai commencé par ceux-là, j’ai fait Raffarin, Taubira, Fillon après j’ai sorti un EP sur les politiciens américains et puis là j’ai la 5e république sur ce nouveau projet.

Lequel des deux projets a été plus difficile à concevoir ? L’ancien Make America Dance Again ou le nouveau République électronique ?

C’était plus compliqué sur la politique française, avec les américains il y a un peu plus de distance. La il y en avait certains plus coton à faire, que ce soit De Gaulle parce que c’était compliqué de trouver le bon angle et Macron parce que 3/4 des gens le détestent et c’est compliqué de faire un morceau sur lui. Ce qui m’a vraiment aidé c’est que j’ai pris ça comme une bande originale de la France de 1958 jusqu’à nos jours. J’ai essayé de raconter une histoire à travers les mandats de chaque président et comme l’idée derrière c’était d’avoir des images d’archives et un montage sur chaque président durant son mandat, je me suis vraiment détaché des personnalités. Qu’est-ce que ça projette en moi l’époque de Degaulle, de Pompidou, de Giscard quand je suis né ? J’ai voulu faire un album assez court pour vraiment avoir cette impression de traverser les époques.

J’ai voulu faire un album assez court pour vraiment avoir cette impression de traverser les époques.

Dombrance

Pourquoi la 5ème république et pas la 3e ou la 4e ?

J’avais besoin d’un point de départ, l’après guerre c’est quand même une période assez trouble, il n’y a pas d’assises sur la 4e, c’est vraiment à partir de la 5e qu’on est arrivé sur une véritable République et on en a pas bougé depuis. J’avais besoin d’un top départ et j’ai trouvé celui-là.

Est-ce que tu as plus d’affinités avec certains Presidents ou tu gardes de la distance ?

Évidemment qu’il y a certains présidents que je vais plus apprécier que d’autres, mais j’essaie justement de me détacher de tout ça et raconter une histoire. J’aime bien l’idée que c’est la musique qui parle et non moi. J’aime aussi l’idée que les gens puissent faire leur propre interprétation de ce que je propose. J’ai une ligne directrice, un fil rouge, mais peut être toi quand tu vas écouter le morceau il y aura des choses qui vont te revenir et si c’est pas les mêmes que moi c’est pas grave, parce que c’est ça aussi la musique et l’art. Il n’y a que Pompidou où il y a du texte, mais pas vraiment un texte, mais une improvisation. On parle de cette période un peu innocente ou bénie, c’est post mai 68 et avant le premier choc pétrolier.

Ce qui m’intéresse aussi c’est que la musique est politique, elle a aussi son rôle à jouer dans la politique, mais dans le sens noble du terme. C’est à dire que la politique, c’est pas que voter ou adhérer à un parti, mais quel sens tu veux donner à ta vie ?Moi la musique a donné un sens à ma vie, et le fait de faire de la musique électronique n’est pas anodin. L’histoire de la musique en générale ça vient aussi de volonté politique, quand je dis politique c’est souvent des minorités qui vont utiliser la musique comme mégaphone. L’histoire aussi du clubbing, des raves party, même la free party, ça vient toujours de cette volonté de créer un monde nouveau.

Le premier single parle de Degaulle et nous replonge avec nostalgie dans une France qu’on n’a pas connu. Est-ce que c’est une période que tu aurai aimé connaître ?

Je ne crois pas, je n’ai pas du tout ce sentiment là, d’ailleurs ce que jaime beaucoup dans le clip, c’est qu’on parle d’une forme de modernité qui a l’époque nous paraissait une vraie avancée et il y avait un consensus la dessus. A l’époque c’était génial, aujourd’hui on s’est rendu compte que c’est un boulet qu’on traine. Ça me parle parce que je déteste l’idée qu’on dise que c’était mieux avant. Pour moi c’était pas mieux avant, mais différent. Rien n’est simple, on ne peut pas s’arrêter sur une époque. Vouloir absolument garder ce qu’il y avait il y a 50 ans pour moi ça n’a pas de sens, il faut vivre avec son temps, comprendre pourquoi le monde évolue.

Dans cet album il y a un travail personnel que j’ai fait de me replonger sur des trucs d’époque. Je n’ai pas travailler à l’image mais au son. J’ai beaucoup travaillé avec les émissions de Jacques Chancel qui s’appelle « radioscopie », ce qui me replongeait dans l’ambiance de l’époque, puisque j’écoutais l’émission à l’époque. J’ai redécouvert plein de personnalités : j’ai réécouté celui de Georges Marchais qui est passionnant, Johnny Hallyday en 1977… Le fait de faire cet album m’a fait avancer sur plein de trucs…

Pourquoi « Poutou » plutôt que « Benalla » ? Ou encore « Taubira » plutôt que « Morano » ?

Il y a certains titres où je vais jouer sur l’actualité, par exemple quand je fais le morceau « Fillon » c’était le fait de jouer sur Sur « Taubira » j’ai fait un travail complètement différent, dans le morceau j’ai exprimé un ressentiment que j’ai eu quand elle était ministre, je trouve qu’elle en a pris plein la gueule et que c’était extrêmement dure et puis il y avait la loi sur le mariage pour tous, du coup c’était encore très compliqué pour elle. Du coup j’ai fait un morceau où j’ai pu mettre mes sentiments, il y a une forme de mélancolie et de tristesse. Mais à la fois il y a une volonté de faire un morceau rassembleur.

Est-ce que tu va continuer dans le même registre de noms de politiques sur ton prochain projet ?

J’ai déjà une idée sur le prochain album, mais je pense que je vais arrêter avec les noms de politiciens, je vais garder mon personnage d’homme politique un peu fou. Je pense que je vais faire un truc sur le nouvel international, c’est à dire réunir des musiciens du monde entier, faire un album de collaboration, parler de notre avenir, de ce que la musique peut apporter comme solution là où la politique ne peut en trouver. Je pense qu’il y’a des limites à la politique et pour moi la musique est au dessus de la politique.

Plus d’infos

République électronique, le nouvel album de Dombrance est disponible sur toutes les plateformes. Il sera en concert le 5 octobre à la Gaité Lyrique à Paris