Dans son 5e EP Wisteria sorti le 3 juin dernier, Chester revendique sa détermination à ne rien lâcher, lui qui a appris de ses erreurs, nous montre une nouvelle facette de son univers musical. Rencontre avec un rappeur indépendant, ambitieux et mieux préparé à se battre en duel avec la vie
Le 3 juin dernier, Clément aka Chester dévoilait son 5e projet Wisteria réalisé en indépendant un an seulement après la sortie du précédent Fuego en pleine 2e vague du Covid. Un projet neuf titres qu’il n’a pas pu défendre sur scène, et dont il juge le mix moyen avec le recul. Avec Wisteria, Chester repars à l’aventure avec l’espoir de toucher les cœurs grâce aux mots qu’il pose sur les maux d’un milieu où il n’est pas aisé de se faire un nom. Les titres de ce dernier oscillent entre mélancolie douce (Barré) et gros banger bien incisif (Incroyable). Un mix des genres très touchant qui lui permet de sortir de sa zone de confort afin d’explorer d’autres univers musicaux, grâce notamment à sa formation en chant qui lui permet de chanter sur ses morceaux.
En choisissant le style de rap caractérisé par un message éducatif, Chester suit les pas de ses aînés qui excellent dans le rap conscient en déclamant leurs propres textes dans une rime et un flow qui interpellent. Même s’il avoue volontiers préférer la scène rap belge, il n’oublie pas pour autant ses origines lorsqu’il s’agit de nous présenter son nouvel EP aux saveurs printanières.
Pour commencer, si tu nous parlais de ton parcours ? Qui est Chester ?
Je m’appelle Clément aka Chester, ça fait dix ans que j’écris et que je rappe, Wisteria est mon 5e projet. J’ai participé à pas mal de tremplins musicaux, aujourd’hui je travaille avec Kenzo et Robin mon meilleur ami. J’ai des clips dispo sur YouTube, j’ai fait beaucoup de scènes, beaucoup de petits concerts avant le Covid, là ça reprend un petit peu. J’ai représenté la région Île-de-France au tremplin Buzz booster cette année où je suis sorti en quart de finales, et il y a trois ans j’étais sorti en demi-finale. Voilà un peu à quoi ressemble mon parcours.
En juin 2021 sortait ton précédent projet Fuego, en pleine 2ème vague du Covid, est-ce que tu as quand même pu le défendre sur scène ?
Je ne l’ai pas défendu du tout. Il y a très peu de morceaux que je fais en concerts aujourd’hui qui sont de Fuego (son 4e projet) parce que entre temps j’ai fait d’autres nouveaux morceaux. Ce n’est pas ma vibe du moment, mais il y a quand même trois morceaux qui passent très bien sur scène que je ferai quand même. Je n’ai jamais défendu les 9 titres sur scène, il n’y a pas eu de release party, c’était un peu frustrant.
Mais tu penses quand même à le défendre sur scène avec ton nouveau projet ?
Évidemment ! Il y a trois morceaux phares: « Fuego » qui marche très bien sur scène et d’autres que je ne fais pas avec de la prod, mais que je suis en train de reprendre avec les musiciens. Quoiqu’il arrive j’ai envie de sortir de nouveaux titres. On ne voulait pas sortir un disque long, c’est pourquoi on a fait six titres. Aujourd’hui avec l’air du stream, on sait qu’il ne faut pas trop s’attarder sur certains morceaux. Même moi j’ai eu du mal à faire des concessions par rapport à ça alors que je n’ai pas l’habitude, mais je suis content parce que c’est un format qui me plait aussi.
Comment est né le projet Wisteria ?
Il est parti du premier morceau qui est « Isaiah », on l’a crée il y’a très longtemps, c’était un bail qu’on adorait avec plein d’émotions. Après on a rajouté des morceaux au fur et a mesure. Il y a un morceau qui s’appelle « Incroyable» et l’autre « barré », les deux se répondent, une sorte de face A et de face B. L’EP est né de ça, de plein de petites émotions différentes. Le titre de l’EP (Wisteria) est venu après avec la glycine, les fleurs, tout ce qui s’accroche au mur…. Et vu que la plante pousse entre mai et juin, on s’est dit que c’était un bon titre.
Et que signifie Wisteria et pourquoi un tel titre ?
Ça veut dire « glycine » en Japonais. On était parti sur un délire de fleurs de couleurs bleues ou violettes qui signifiaient la compassion et l’espoir. J’ai fait des recherches et je suis tombé sur la glycine. C’est une plante rampante qui pousse à travers les murs et on trouvait que c’était un beau symbole pour mieux s’accrocher à la vie et on aimait bien le fait que ce ne soit pas un mot français. On a décidé de prendre Wisteria parce que la glycine pousse au mois de juin et qu’on avait prévu de sortir le projet ce mois de juin 2022.
En écoutant l’ensemble du projet, on passe facilement du hardcore à quelque chose de mélancolique…
C’est quelque chose que je fais depuis toujours, j’ai eu beaucoup de proches qui me disaient « moi je préfère quand tu rappes vraiment », d’autres me disaient « je préfère quand tu chantonnes un peu… » si tu te cales sur ce que les gens pensent, dans ce cas là il faut tout faire. Je me suis rendu compte que j’aime bien toucher à tout et je pense que je suis bien dans tous les registres, je ne me cantonne pas à un genre. Avec le morceau « barré », je suis capable de te montrer en trois minutes que j’ai toutes les capacités d’être à ma place, je peux aussi être plus touchant, j’ai une formation en chant donc je peux chanter complètement sur des morceaux.
C’est pas le contraire de ce que le milieu du rap prône ?
Je ne pense pas, avec tous les nouveaux styles qui arrivent – et ça fait plaisir d’ailleurs -, ça se modernise, les codes restent encore hardcore mais on y arrive.
Dans le dernier titre il y a une ambiance qui oscille entre doute et détermination, tu n’es pas sûr de toi ? Tu as peur du futur ?
Peut-être, ça revient à ce que je disais au début, c’est à dire qu’un jour tu te dis ça va, je vais avoir de bonnes retombées et le lendemain c’est tout le contraire…
Ça rejoint un peu ce que tu dis dans « Barré » c’est un peu mal barré de se faire un nom dans le milieu du rap …
Oui c’est très compliqué, c’est ce que je dis dans le morceau, est-ce que j’ai encore mes chances ? C’est des questions que je me pose, pas pour le style ou la rime, mais des vraies questions.
« quand la folie résonne ça me fait prendre de vraies décisions… » peut-on t’entendre rapper dans « Isaiah), est-ce que ça veut dire que c’est dans tes phases de folie que tu parviens à créer ?
Pas forcément, je n’ai pas tendance à être torturer ou déprimer. Quand je parle de folie, c’est une folie naturelle, positive, toujours avoir des moments plus incroyables les uns que les autres. « Quand la folie résonne », c’est quand la création se met en place, c’est une folie qui se transmet…
On retrouve deux featuring sur ce nouveau projet, « Incroyable » feat. Brass et « DLS » feat. Malter…
Brass et Malter sont devenus des amis, je les ai connu en tant que artiste, j’ai aimé leurs morceaux. J’ai envoyé un message à Brass très vite on est devenu proche et on a fait un featuring ensemble sur « Fuego ». Malter est un très bon ami de Brass avec qui on fait des projets, on est dans le meme secteur à paris et on s’est très vite retrouvés en studio ensemble et la connexion est passée. A la base je ne voulais pas de featuring sur ce projet, ça s’est fait assez naturellement.
Même si rien n’est joué d’avance, toi tu n’es pas prêt de lâcher du laisse ?
Évidemment, je ne veux pas me voir arriver très vite quelque part où on ne m’attend pas, comme j’ai pas envie d’être pessimiste non plus. On se fait beaucoup d’espoir quand on est artiste émergent, mais on se rend compte très vite que c’est beaucoup de travail.
Est-ce que c’est évident de se faire son trou dans le milieu, surtout quand on est indépendant ?
C’est deux, trois fois plus compliqué, mais ça peut marcher. Je pense à Luidji par exemple qui n’a jamais changé de direction artistique, jamais fait des sons pour se mettre dans la mouvance, il a toujours gardé son style. Ça ne veut pas dire que j’ai pas envie de changer de style, je peux tenter des choses et faire des concessions, mais petit à petit.
Tes inspirations sont plutôt à rechercher du côté belge, le rap français ne t’intéresse pas ?
Si, j’adore le rap français, mais depuis quelques années je trouve que la vague belge m’inspire beaucoup. Je dis souvent que j’aimerais me faire naturaliser belge à cause du rap que je fais. J’aime bien quand c’est clair, quand je comprends ce que l’artiste veut me dire.
Le rap n’a pas forcément besoin de véhiculer un message …
Non, pas du tout. Tu peux faire de l’egotrip sans message, mais tant que tu comprends ce que tu dis et qu’il y a un minimum d’articulation… C’est mon rap de prédilection, après je peux aimer plein d’autres choses. J’aime bien quand c’est énoncé avec des phrases simples où l’image te vient directement en tête.
Tu n’es pas fermé à un genre, tu peux tout faire ?
Je ne sais pas si c’est légitime de dire que je peux tout faire, mais il y a plusieurs registres sur lesquels je me sens capable. Peut-être dans quelques années je me dirai que ça c’est mon style, je ne veux que faire ça, mais j’ai pas envie, j’aime bien toucher à tout.
Après la sortie de ce nouveau disque, tu as d’autres projets en vue ?
Après ce nouveau projet, il y en a d’autres projets en commun qui vont arriver avec Keno et d’autres artistes. Peut-être une mixtape ou une petite tape entre plusieurs beatmakers et plusieurs artistes… et on a pour projet avec Keno dans le futur de faire un projet dans lequel Keno est mis en avant, un projet en duo comme le Motel et Roméo Elvis.
Qu’est-ce qui est le plus dur pour un rappeur en développement comme toi ?
C’est de dépenser énormément d’énergie et de voir que les résultats ne suivent pas forcément. C’est le jeu. Je pense que tous ceux qui sont connus aujourd’hui, sont passés par là et si tu as un succès trop tôt, ça ne se termine pas toujours de façon heureuse. Si demain j’arrive à grimper, je serai prêt, je le dis dans « Isaeh » d’ailleurs. J’en ai eu de petites désillusions, je suis passé par beaucoup de chemins, ça fait quand même dix ans que je rappe, j’ai sorti pas mal d’EP et de morceaux, la manière de rapper et le fait de pratiquer, je l’ai fait. Après la déception on l’aura toujours, il faut croire en son projet et espérer que les autres y croient à leur tour.
Tu ne cherches pas forcément la gloire si je comprends bien, tu cherches à ce le message que tu délivres puisse trouver écho auprès du public …
Véritablement, la gloire ne m’intéresse pas … pour l’instant (rire), après peut-être quand tu as goûté un peu, tu veux toujours plus. Mais je veux que le message soit transmis beaucoup plus largement et que énormément de personnes en France et dans les pays francophones écoutent ma musique, soient touchées et viennent me voir en concert.
Actuellement tu jongles entre un boulot et ta passion, mais quel est le but final ? Vivre complètement de ta musique ?
C’est l’objectif final, c’est pourquoi l’année prochaine j’arrête de travailler. Comme je disais tout à l’heure ça fait dix ans que je fais de la musique et qu’à côté, je travaille pour payer mes factures. On le fait tous, le but c’est que la balance penche et que je ne travaille plus. L’année prochaine je vais me lancer à 100% dans la musique, il va falloir prendre des risques, mais c’est le moment ou jamais, si je ne le fais pas à ce moment-là, je ne le ferai jamais. Je suis dans une bonne dynamique, j’ai confiance, je suis mieux préparé, je sais de quoi je parle.