La 47e édition du Printemps de Bourges s’est achevée ce dimanche 23 avril sur une belle note après avoir battu son plein durant six jours autour d’une programmation axée sur la création. Retour sur les temps forts de ce rendez-vous annulé incontournable, qui donne le La de la saison des festivals de musique.
Entre le off et le in, ils étaient plus de 250.000 personnes dans les allés du Printemps de Bourges cette année, selon les chiffres communiqués par les équipes du festival lors de la conférence de presse bilan samedi soir, « 30% des festivaliers venaient pour la première fois grâce à l’effet pass culture. Il faut d’ores et déjà prévoir la suite. Ces festivaliers continueront-ils à acheter des places de concerts quand elles ne seront plus gratuites ? » confiait ainsi le directeur du festival Boris Vedel. Une édition réussie de l’avis même des festivaliers et des différents publics rencontrés au cours de ses six jours de fête.

Placée sous le signe de la création, cette 47e édition avait une saveur particulière pour la ville de Bourges qui se rêve en capitale européenne de la culture à l’horizon 2028, avec le soutien entier de son festival de cœur. Mais l’atout charme de cette année, est sans contexte le rap, qui a tenu le haut de l’affiche dans un nouveau décor à la hauteur de son plébiscite. Une nouvelle génération de talentueux rappeurs, prêts à prendre leur revanche sur un milieu qui les a très souvent regardé de travers, et qui se retrouve dans l’obligation de composer avec eux aujourd’hui, au risque de faire un bide.
En haut de l’affiche
Il faut dire que pour cette édition 2023, le PdB a du revoir les plans de sa scène principale sous le grand chapiteau, le W. Plus imposante que les précédentes saisons, la nouvelle configuration offre plus de places debout suite à la suppression des gradins. Exit également la Halle au blé, plus excentrée du cœur du festival et où étaient délocalisées les soirées raps durant l’événement. Un aparté critiqué à la fois par les festivaliers et certains artistes qui y voyaient une mise au banc de leur style de musique. Rajouté à cela la mauvaise qualité de la sonorisation du lieu qui donnait un rendu pas du tout terrible pour nos pauvres tympans.
Disiz a sans doute livré l’une des plus belles prestations de cette édition du PDB sur la grande scène vendredi. Toujours élégant, le « beaugarçonne » a offert une vraie folie douce au public qui n’en espérait pas moins, en le mettant « All in » avec sa prestation sous le signe de « l’amour ». Un amour qu’on retrouve comme fil conducteur de son chef-d’œuvre de 3e album sorti l’année dernière, et qu’il défend d’une manière criante de sincérité. Comparant la vie à un « poids lourd » qu’on ne fait que traverser avec des hauts et des bas, dans une scénographie en forme d’escalier blanc que l’artiste monte et redescend, comme pour symboliser les doutes exprimés dans son nouvel opus. Du Grand Disiz, qui prouve au public du PDB qu’il a fait table rase de sa période « jpete les plombs », pour ne laisser entrevoir que du beau, du vrai et du « sublime » à travers ses textes. Cerise sur le gâteau, « Midnight », un inédit de son prochain album en guise de conclusion.
Avec son « Mauvais ordre » de 3e album sorti en 2022, Lomepal a signé son retour ce 19 avril au Printemps de Bourges. Le rappeur qui s’était éloigné des podiums après le succès de ses deux précédents albums, et dont le dernier concert au Pdb remonte à 2018, était attendu de pieds fermes par milliers de spectateurs jeunes. Auréolé par le succès de sa tournée des zéniths qui s’est achevée à Strasbourg le 14 avril avec trois dates sold out à l’Accor Arena le mois dernier, il a clôturé en « beauté » la soirée du mercredi au W, faisant passer le public par plusieurs émotions durant 90 minutes. Une putain de fête à 1000 degrés, qui allait très « Decrescendo »
Olivia Cadon est aux anges ce soir d’ouverture, elle vient de partager un duo avec le grand M sur « Nombril ». Lui au ukulélé et elle au micro devant de milliers de spectateurs lors de la soirée d’ouverture. Infirmière à Châteauroux, et chanteuse amateure, elle avait gagné le droit de donner la réplique à l’artiste grâce à un concours lancé par ce denier depuis le début de sa tournée. Mais bien avant cette minute de gloire, le chanteur très proche de son public et de ses musiciens, à fait preuve d’une grande créativité dès son entrée sur scène. Un concert de folie et sans fausse note dans un monde de « Rêvalité » qui aura duré plus de deux heures, ponctué des moments magiques comme son duo inoubliable avec Gail Ann Dorset sur « A toi ». M a rempli valablement la mission qui était la sienne ce mardi soir, celle de donner le top départ de la saison 2023 des festivals.
La pop avant le rock
Les amoureux de rock avaient rdv cette année du côté du 22 où ils pouvaient espérer entendre gronder les riffs de guitare de nos amis de la gratte, avec notamment The Psychotic Monks qui célébraient leur retour sur le festival dans la nuit de vendredi à samedi. On aurait aimé assister à la carte blanche donné au compositeur et saxophoniste Thomas de Pourquery au Palais Jacques, mais on s’y est pris trop tard, toutes les séances étaient complètes. Parce que Le Printemps de Bourges, c’est aussi l’occasion de (re)découvrir les artistes qu’on n’a pas le temps d’aller applaudir en temps normal, on n’a pas hésité à se faire plaisir.
Ce fut le cas au Triangle du son, le nouvel espace où étaient proposés 9 showcases du mercredi au vendredi. C’est ainsi que l’on a pu faire une immersion dans le monde de Martin Luminet, qui y présentait notamment les titres de son nouveau projet Deuil(s). Ou encore le combo canadien Clay and Friends qui a fait bouger le chapiteau avec sa Musica popular de Verdun. La communion fut intense avec la franco camerounaise Sandra Nkaké samedi soir au MCB où elle nous a fait part de ses blessures et failles, mis en musique dans son nouvel opus Scars sorti le 14 avril. Jeudi c’est dans l’univers tourmenté du jeune rappeur stéphanois Zed Yun Pavarotti, que nous avons trouvé refuge. Avant de tomber sous le charme des chansons teintées de mélancolie douce du chanteur à la gueule d’ange et au sourire ravageur, Johan Papaconstantino.
Malgré un retard de 25 minutes sur l’horaire initialement annoncée, le public familial présent ce jeudi 20 avril pour le show de Juliette Armanet, n’a visiblement pas regretté son attente. Prenant la suite d’un Benjamin Biolay qui a fait plaisir aux anciens, la reine du « dernier jour du disco » a poussé le public dans ses retranchements avec un show réglé « à la folie » qui lui permettra de brûler le feu sur cette grande scène où elle est programmé pour la 2e année consécutive.
Une scène que le pétillant Hervé a eu le privilège d’ouvrir ce même jeudi à 19h, armé de son nouvel album Intérieur vie. Les allées du festival, l’artiste commence a bien les connaitre puisqu’il a été Inouïs du PdB en 2019, avant de revenir à l’auditorium en 2021 avec son premier opus Hyper, auréolé de la révélation masculine aux Victoires de la musique la même année. Aujourd’hui c’est sur la grande scène qu’il revient défendre son Interieur vie de 2e album, et nous rassurer en même temps, « tout ira mieux demain ». Mais en attendant il faut se faire « Si bien du mal » en profitant de l’instant présent et c’est ce qu’il fait hyper bien sur scène, en entraînant la salle dans son sillage.
Plébiscite autour du rap !
Le rap reste largement plébiscité par les jeunes même si sa présence au sein de la programmation suscite souvent des remous, d’aucuns accusant le festival de céder à l’appât du gain. Mais comment faire autrement ? N’en déplaise aux opposants les plus farouches, les festivals ne peuvent plus se “permettre” de faire l’impasse sur cette génération d’étoiles montantes du rap, dont le style soulève les foules. Un hommage était d’ailleurs rendu au rap à travers une exposition « Rap ! Un scratch,un beat… », avec comme parrain un certain Disiz et une création sous le patronage d’Oxmo Puccino.
Mais ce qui reste le plus frustrant dans ce genre d’événements pour les artistes, c’est le risque de jouer devant un public de marbre, qui n’est là que pour le suivant. Izïa en a un peu fait les frais jeudi soir, devant les fans de Biolay et Juliette Armanet, tout comme Doria D. au début de sa prestation samedi, avant d’inverser la tendance vers la fin. Seule présence féminine à l’affiche de cette soirée urbaine au milieu de confrères masculins BB Jacques, Tiakola, Hamza, Gazo, ou encore Lorenzo, qui ont fait un raz de marré. Meryl quant à elle, a fait trembler le W avec l’ambiance à la « Jack Sparrow » de sa prestation, confirmant ainsi un retour dans le Game avec son nouveau projet « Ozoror ».
Extinction des feux à guichets fermés !
Il y avait foule pour Vladimir Cauchemar qui a clôturé le festival samedi sur la Grand scène. Dernier à prendre d’assaut le W après les rappeurs, on s’attendait à ce qu’il y ai moins de monde, mais c’était le contraire, ils sont restés en nombre, malgré l’abandon de certains après le concert de Gazo. Une occasion qui a permis au festival de remettre 200 places en vente pour le concert de Lorenzo et Vald. Le dj et producteur n’a pas eu beaucoup de mal à emballer le public avec son set sous fond de techno. Une ambiance de folie qui a fait défaut la veille, où malgré le set majestueux de Bob Sinclar qu’on ne présente plus, beaucoup restaient statiques au fond de la salle. Mais samedi soir c’était l’apothéose pour ne pas dire l’apocalypse, Vald a géré tel un « God » et fait couler beaucoup de sueurs.
La scène Riffx sur la grande place Séraucourt a fait battre le cœur de la ville en mode électronique chaque soir avec une jolie programmation éclectique et le tout gratuitement. C’est sur cette même place qu’était prévu des concerts gratuits de la Riffx party le dimanche après-midi. Si le côté payant du PdB a fermé ses portes le samedi soir, des concerts étaient prévus dans la ville le dimanche. Du côté des Inouis cette année, 34 artistes et groupes se sont produits durant une semaine intense soldée par l’annonce des lauréats. Le Prix du Printemps de Bourges Crédit Mutuel – Inouis 2023 revient au stéphanois Brique Argent, le Prix du jury – Inouis 2023 à Demain Rapides, et le Prix Public Riffx – Inouis 2023 à Aghiad. Le rendez-vous est dore et déjà pris pour la 48e édition l’année prochaine et mettra à l’honneur Françoise Hardy qui célébrera ses 80 ans en 2024.