À l’occasion de la sortie de son tout premier EP, Naya Mö nous a ouvert les portes de son univers musical unique, mêlant noise pop, rock brut et textures sonores envoûtantes. Une interview intimiste où elle nous parle de ses influences, de ses créations et de son parcours. Rencontre !

Il y a encore trois mois, son nom nous était inconnu. Ce vendredi 28 mars au soir, au Trianon, Naya Mö a fait plus qu’ouvrir la soirée pour Orla Gartland : elle a imposé son univers. Vingt minutes d’une intensité rare, entre chaos et onirisme, où son emotional noise pop a happé un public qui, pour beaucoup, la découvrait. « Outsider », « Reverb Boy », « Wanderlust », des titres à la fois bruts et enveloppants, portés par des guitares superposées en strates hypnotiques. Et ce final qui a retourné la salle : un solo de guitare incandescent, Naya étendue sur scène, son instrument hurlant sous les ovations. Un moment de grâce et de fureur.

Naya Mö sur la scène du Trianon le 28 mars 2025

15h, loges du Trianon. Avant le tumulte de la scène, il y a la rencontre. Naya Mö parle comme elle joue : avec une spontanéité fiévreuse, des éclats de lucidité tranchants, une énergie qui oscille entre le rêve et l’urgence. « J’ai toujours su que ce serait mon métier. Il n’y a jamais eu d’alternative. » Un constat, pas une ambition. La musique a toujours été là. Une mère bassiste, un père guitariste, un oncle batteur, un groupe qui tourne en Europe et aux États-Unis avant même sa naissance. « Ma mère jouait sur scène enceinte de moi. Elle mettait un coussin entre son ventre et la basse pour absorber les vibrations. » Dès cinq ans, elle commence le piano. Quitte vite le conservatoire. « Je ne m’y retrouvais pas. » Alors elle apprend seule. Guitare, batterie, « pour me défouler », production. À 12 ans, elle est déjà en première partie de FØV. « C’est là que je me suis dit : OK, je veux faire ça tout le temps. »

L’empreinte du bruit, l’héritage des fantômes

Son ADN musical, c’est l’anglo-saxon. « Mes parents écoutaient tout le temps du rock noise, de l’indie. » P.J. Harvey, Fugazi, Mogwai, Girls Against Boys. Elle écrit d’abord en anglais. Puis en français. « Mais je reviens à mes racines. » À la recherche du son, avant tout. « Je suis obsédée par les textures. Quand je compose, je commence par ça. Les guitares superposées, les effets, la réverb. » Tout se construit autour du pédalboard, de cet univers sonore qu’elle sculpte avec minutie. « J’ai mon studio dans un grenier, je m’y enferme, j’enregistre, je produis. »

Cette obsession se retrouve dans « Reverb Boy », « C’est parti d’un délire. Mon ingé son me disait toujours : ‘tu veux encore plus de réverb’ ?’ Et en même temps, je lisais beaucoup Tim Burton, ses recueils de poèmes. J’ai imaginé un garçon dont la voix résonne sans fin, qui vit reclus, loin de tout. » Une image surréaliste, comme une métaphore du bruit qui persiste.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Son premier EP, Dealing With Ghosts, est peuplé de présences invisibles. « Pas des fantômes effrayants. Plutôt des regrets, des frustrations. Toutes ces pensées qui te hantent. Mais que tu peux transformer. » L’album a vu le jour à Baltimore, avec Bartees Strange, figure montante du rock indépendant. « On s’est parlé sur Insta. Il m’a dit : viens à Baltimore. Là-bas, on a retravaillé la production, réenregistré des batteries, des guitares. On a passé des heures sur le son. » Et puis il y a eu un tournant. Dealing With Ghosts, la dernière piste de l’EP, est le premier morceau qu’elle produit entièrement seule. « C’est fou, parce que je produis depuis longtemps, mais avant je collaborais toujours. Là, c’est moi, de A à Z. J’en suis fière. »

Composer pour survivre

La musique, pour elle, n’est pas un exutoire, c’est une nécessité. « C’est thérapeutique. C’est comme ça que je compose avec mes angoisses. Ça me permet de transformer ces pensées en énergie, en mouvement. » « Wanderlust » parle du syndrome de Peter Pan, ce refus de s’ancrer, cette quête d’ailleurs. « Je ne sais pas me poser. J’ai toujours besoin d’aventure. » « Outsider« , elle, est née du yaourt, ce langage instinctif qui précède les mots. « J’essaie de trouver les bons mots après. Mais tout commence par des sons, des textures. »

Cet imaginaire musical est cinématographique. « Quand je compose, j’ai toujours des images en tête. Moi qui cours. Peu importe où. La forêt, la plage. J’ai l’impression que tout est plus beau en courant. » Des morceaux en mouvement, en expansion, qui se dessinent en couleurs. « Personne ne comprend vraiment, mais dans ma tête, mes chansons ont des teintes précises. »

La scène, lieu de vérité

« La scène, c’est plus un défi pour moi. » Plus que l’écriture, plus que la production. « J’adore composer, mais la scène, c’est un autre rapport. » Ce 28 mars, au Trianon, ce défi s’est transformé en révélation. Une montée en puissance irrésistible, un crescendo d’énergie et de bruit. Elle joue des inédits, teste son public. « C’est comme ça que je sais si une chanson tient debout. »

Et puis ce final, ce moment où tout bascule. Les premières notes d’un solo enragé, la saturation qui grimpe, la guitare qui vibre comme un corps, le sien qui s’abandonne au sol, emporté par la dernière note, sous les acclamations d’un public conquis.

Et maintenant ?

Elle veut tourner. Beaucoup. « Jouer, jouer, jouer. » Tester ses morceaux devant une audience, sentir l’impact. Et puis, très vite, sortir la suite. « Avant l’été, je sors de nouveaux morceaux. Peut-être un deuxième EP. Ensuite, un album. »

Naya Mö avance sans plan B, sans hésitation. « C’est mon métier. Depuis toujours. » Elle ne pourrait pas faire autre chose. « C’est drôle, parce qu’à l’école, on nous faisait remplir des fiches d’orientation. Moi, j’écrivais : artiste. Je veux écrire des chansons et les jouer en live. » Une évidence. Une trajectoire sans détour.

Trois mois plus tôt, nous ignorions son existence. Maintenant, impossible de l’oublier.