Premier rugissement pour Lola Sauvageot. Entre poésie crue, tension électrique et éclats de tendresse, L’animale dévoile une artiste entière, singulière, qui transforme ses fêlures en force sonore. Un premier EP comme une griffure douce et nécessaire.
Quelque chose rôde dans les cinq titres qu’on s’apprête à vous proposer. Une bête douce et nerveuse, un feu qui couve sous les cendres. L’animale, premier EP de Lola Sauvageot, ne se présente pas, il s’impose, lentement, mais profondément. On ne l’écoute pas d’une oreille distraite. On y entre comme dans un lieu intime, un territoire mouvant où les émotions n’ont rien de linéaire.
La lionne et la mer
Derrière ce nom qui claque comme un totem, une artiste complète, insaisissable. Formée aux lettres, au cinéma, au dessin, passée par Montréal pour le théâtre avant de s’ancrer au Havre, Lola Sauvageot compose ici une œuvre totale. Visuelle, textuelle, sonore. Tout est pensé. Tout est instinct. Elle écrit comme on respire sous l’eau : lentement, intensément, avec la sensation constante que le souffle pourrait manquer.
La force de ce premier disque, c’est sa manière de tenir en tension la fureur et la pudeur. Il y a du bruit, oui, des guitares granuleuses, des refrains qui explosent à la bonne seconde, mais jamais pour faire joli. Le rock ici est organique, presque animal, tendu comme une corde sensible. Et toujours, cette voix. Franche, grave, fiévreuse parfois, mais jamais dans la démonstration. Elle charrie des images, des paradoxes, des vérités bancales.
L’animal(e) qui chante en nous
Au centre du disque, deux morceaux qui brûlent : « La Vague », qui monte, roule et frappe sans prévenir, et « Le Lion et Moi », ode ambivalente à l’amour obsessionnel, aussi séduisante que destructrice. L’une avance en battements réguliers avant de déborder. L’autre gratte l’obsession avec un groove entêtant, fait grincer les cordes, fait vriller les nerfs. Le désir n’est jamais simple chez Lola, il est dévorant, changeant, parfois effrayant.
Mais c’est dans ses silences, ses instants suspendus, qu’elle touche juste. « La Mer Imaginaire » résonne comme une confidence noyée, un poème à un enfant fantôme, un manque viscéral chanté avec une grâce désarmante. Ici, la chanson flirte avec le rêve, le théâtre, l’abîme. Une émotion rare, nue, qui ne cherche pas à convaincre, seulement à exister. Enfin, « En amour avec toi » clôt l’EP comme une dernière caresse après la tempête. Plus dépouillé, plus fragile, il laisse un écho persistant, une impression de déjà-là et de jamais-entendu.
Difficile, après ça, de refermer l’écoute comme on ferme une parenthèse. L’Animale laisse des traces. Comme une griffure élégante. Comme un murmure qu’on continue d’entendre une fois le silence revenu. Lola Sauvageot ne fait que débuter, mais elle entre, déjà, dans une ligue singulière : celle des artistes qui ne trichent pas.
