La chanteuse toulousaine Lindçay Love sort le 12 décembre son EP Chasing Light. D’une belle voix grave, inhabituelle en France, elle interprète de magnifiques ballades. Elle a bien voulu nous accorder un entretien à la veille de cette sortie
On ne le dit pas assez, mais Toulouse est un vivier d’artistes qui regorge de jeunes talents prêts à faire la fierté de la ville rose au niveau national et international. On ne vous présente plus la jeune Jain, Foé ou encore le duo Cats On Trees, qui portent haut les couleurs de leur ville d’origine. A l’image de ces artistes, c’est une autre jeune, en la personne de Lindçay Love ( pas totalement inconnu au bataillon, puisqu’elle a passé 7 ans au sein d’un groupe), qui s’apprête à rejoindre cette liste avec un premier projet entre dream pop et ballades crooner, intitulé Chasing Light.
Le 12 décembre, le public pourra enfin découvrir le projet quatre titre de cette artiste, dont l’univers invite au voyage avec des chansons qui mêlent mélancolie et espoir. Les plus fidèles ont pu découvrir le 13 novembre dernier, un extrait à travers les images du single « Imaginary Romance », tourné au Mexique, son havre de paix.
La veille de cette sortie, Lindçay Love a bien voulu répondre à nos questions autour de ce projet qu’elle porte comme telle une couronne.
Il n’y a pas beaucoup d’information sur toi sur la Toile ; D’où viens-tu ? Comment en es tu venu à chanter ?
Linçay Love : Alors, j’ai grandi entre l’Ain, la Corse et Perpignan. J’ai été́ élevée par des parents assez anticonformistes, et j’ai beaucoup voyagé, dès mon plus jeune âge. A la sortie du bac, après deux ans de vagabondages j’ai étudié l’anthropologie pendant trois ans à Toulouse, avant de me lancer réellement dans la musique. J’ai toujours chanté, mais j’ai mis 25 ans à accepter l’idée que j’étais capable de pouvoir en faire mon métier.
Comment as-tu appris à chanter ? Tu es passée par une école de musique ?
Linçay Love : j’ai appris à chanter tout d’abord en essayant de copier Céline Dion, l’idole de mon enfance. Ensuite j’ai beaucoup chanté dans ma chambre, j’ai mis longtemps à chanter devant des gens, j’étais très timide étant plus jeune. Puis il y a dix ans j’ai commencé à le faire avec des amis, et quand j’ai intégré mon premier groupe en 2013 j’ai pris quelques cours de chant Jazz et Tzigane à Music’Halles (Toulouse), ça m’a donné une bonne base, mais j’avoue que j’aimerais beaucoup prendre des cours particuliers, pour améliorer ma technique.

Tu as une belle voix basse, ce qui est inhabituel chez les chanteuses françaises ; d’où te vient cette voix ?
Linçay Love : Merci ! Je suis ravie qu’elle vous plaise. J’ai toujours eu une voix grave, même enfant. Et j’aime l’explorer, jouer avec. Les fréquences basses touchent à quelque chose de l’ordre des profondeurs, de la caverne, il y a quelque chose qui me plaît beaucoup là-dedans. On me prend souvent pour un homme au téléphone, et je crois que ça me plaît en fait (rires)
Quelles sont les chanteuses que tu admires et qui t’ont influencées ?
Linçay Love : Il y en a tellement ! Etant enfant j’étais obsédée par Céline Dion, mais j’écoutais aussi beaucoup Mariah Carey, Whitney Houston, Dalida, Véronique Sanson, Patricia Kaas.. Puis, plus tard, les chanteuses de jazz et soul comme Ella Fitzerald, Nina Simone, Aretha Franklin, Irma Thomas. Ma muse pour la vie cependant, c’est Grace Slick. Peu de gens le savent mais à côté de Jefferson Airplane elle a écrit des morceaux très étonnants en solo, des grandes épopées musicales, très épiques. Pour ce qui est des chanteuses d’aujourd’hui, j’adore Lana Del Rey, Agnès Obel, Weyyes Blood, Fishbach, Pomme, Juliette Armanet. Là je viens de découvrir November Ultra, vous la connaissez ? Sa voix me fait vibrer. Ah aussi, il y a beaucoup de chanteurs qui m’ont influencé en fait, Timber Timbre, Leonard Cohen, Johnny Cash, Elvis Presley, Thom Yorke, Michel Polnareff, Patrick Watson.
La guitare et les autres instruments sont très présents son ton EP, as-tu un groupe permanent qui t’accompagne ?
Linçay Love : Non pas encore. Pour l’enregistrement de cet EP, je suis accompagnée du guitariste et du bassiste de mon ancien groupe, avec qui j’ai gardé de très bonnes relations. Après 7 ans en groupe, ça me tenait à coeur d’entamer ce projet seule, afin de rester fidèle à mes désirs, car je peux avoir tendance à m’éparpiller ou m’oublier au profit du groupe.
Je suis en train de commencer à constituer une équipe avec laquelle préparer les futurs lives, ça me tient à coeur de garder ce son très organique et instrumental. Et puis, j’adore la guitare…

Il y a un titre dénommé́ Mexico sur ton EP ; sur Facebook tu annonces que le clip d’Imaginary Romance a été́ tourné dans les montagnes magiques du Mexique ? As-tu des attaches particulières avec ce pays ?
Linçay Love : J’y suis allée pour la première fois en 2009, j’en suis tombée profondément amoureuse, j’y suis donc retournée presque chaque année. C’est un pays très fort, mystique, puissant. Plein de contrastes, et d’une grande beauté́. J’y ai plusieurs de mes meilleurs amis, dont Léa qui a réalisé́ plusieurs de mes clips. Le Mexique est dans mon coeur, je rêve souvent que je suis là- bas.
Pourquoi chanter en anglais ?
Linçay Love : C’est une question qui revient souvent, et même si chez nous le français est plus à la mode actuellement, le fait est que mon imaginaire musical s’est beaucoup construit avec cette langue. Je veux dire, j’ai commencé à apprendre l’anglais à 8 ans, en traduisant des chansons de Mariah Carey avec mon petit dico. Et c’est une langue que j’adore, dont j’aime les sonorités, les nuances et subtilités. Mais j’écoute beaucoup de chanson française aussi, j’adore le français et j’aimerais un jour me mettre à écrire en français.
Tous les titres de l’EP sont des blues lents ; tu n’aimes pas danser ? Tu n’aimes pas faire danser ?
Linçay Love : Alors, que les choses soient claires, danser est une de mes activités préférées !
En fait avant de lancer Lindçay Love, j’étais dans un groupe de rock 50’s (les Jerry Khan Bangers), et donc pendant 7 ans tout ce que j’ai fait, c’est faire danser les gens. Et j’adorais ça, vraiment, il y avait quelque chose d’extrêmement cathartique là-dedans. Mais au bout d’un moment j’ai eu besoin d’exprimer d’autres émotions, de sortir des choses peut-être moins joyeuses, plus souterraines. Car contrairement à ce qu’on pourrait penser de moi en écoutant ma musique, je suis quelqu’un d’extrêmement joyeux, et donc mes chansons sont un peu l’endroit où je dépose les sentiments que j’ai plus de mal à exprimer ailleurs.

Ton EP sort en pleine période de confinement du fait de la pandémie ; comment vis- tu cette période ?
Linçay Love : C’est une période très difficile, mais fascinante, car je pense que nous vivons un moment charnière en tant que civilisation. Cette année aura été́ une année de révélations et de profondes remises en question, sur ce que l’on croit permanent, sur ce qui compte vraiment aussi. Le climat politique ambiant provoque souvent de la colère en moi, car on voit nos libertés de plus en plus restreintes, et sous couvert de la peur de la mort, on accepte beaucoup de choses que l’on ne tolèrerait pas en temps normal. Il y a un tabou très présent par rapport à ca, et ça me rend triste de constater que trop peu de personnalités influentes osent parler de ce qui déconne. Et en même temps on les comprend, car c’est une véritable chasse aux sorcières qui s’opère lorsque quelqu’un ose défier la pensée dominante. Là par exemple, je me demande si je devrais vous dire tout ça, si vous allez le publier même, mais je sens que je me dois d’en parler un minimum. Et d’ailleurs je pourrais en parler des heures, car c’est un vaste sujet. Quoi qu’il en soit, continuer de créer me semble très important, car nous avons tous grand besoin de réconfort, d’inspiration, et d’espoir.
Tu as un titre dénommé « Fear » sur l’EP ; Sur ta page Facebook, tu cites longuement un poème de Gibran en terminant par ces mots « Toujours choisir l’amour plutôt que la peur » ; ensuite tu as écrit « Fear n’est plus une option » ? Cette peur dont tu parles a-t-elle des raisons personnelles ? vient-elle d’un environnement climatique et sanitaire que nous subissons tous ?
Lindçay Love : C’est marrant car j’ai écrit cette chanson en septembre 2019, bien avant la pandémie, et elle est plus que jamais d’actualité́. Vous savez, je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup, à ce qu’il se passe dans le monde et en moi, ça constitue le terreau de base de mon inspiration. Et pour compléter ce que je disais à la question d’avant, la peur, et notamment la peur de la mort, qui est en jeu avec le virus, peut provoquer un enfermement, une paralysie qui nous empêchent de faire preuve de discernement. Je suis à la fois très optimiste quant à l’avenir car je crois en l’être humain et sa capacité́ de résilience, tout en étant très réaliste sur ce que traverse notre époque ; et si l’on veut s’en sortir et évoluer en tant que civilisation, il va nous falloir être forts et ne surtout pas laisser gagner la peur. La peur c’est l’inverse de la foi, c’est l’inverse de l’espoir. C’est bien sur un sentiment important car il nous permet de savoir quelles sont nos limites, de définir les contours de notre zone de sécurité́ ; mais c’est aussi un puissant instrument de manipulation, car quand on a peur, on perd facilement toute rationalité́. La peur est froide, elle divise. On se doit de la rencontrer, de l’apprivoiser, mais on ne peut pas la laisser gagner.
Plus d’infos
Chasing light sera disponible sur les plates-formes partir du 12 décembre et peut être réservé sur la page bandcamp de la chanteuse.