Eliott jane défend jalousement sa Liberté chérie, dans un EP cinq titres dévoilé le mois dernier et pour lequel elle a bien voulu nous dire quelques mots.
L’artiste lyonnaise Eliott Jane nous a tapé dans l’œil en novembre dernier avec la sortie de son premier single « À la vie, à la mort », à travers lequel elle nous invitait à profiter de chaque instant comme si c’était le dernier. Un titre solaire, extrait de son premier EP Liberté chérie, dévoilé le 22 janvier dernier et dans lequel elle s’amuse des codes et genres en opérant un savant mélange entre électro pop et chanson française.
Trois semaines après la sortie de ce premier projet, nous avons bien voulu en savoir un peu plus sur cette artiste qui à la fois intrigue et suscite la curiosité. Sans langue de bois, elle a tenu à répondre à nos questions dans une franchise qui la caractérise.
Dans Eliott il y a « il » et il y a « elle » », peut-on lire sur ta fiche de présentation, une précision ?
Eliott Jane : Eliott est venu de façon évidente car c’est un prénom porteur de souvenir d’enfance pour moi, c’est un clin d’oeil à Billy Eliott, cet enfant qui se bat pour obtenir sa liberté de danser, mais aussi à Eliott le petit garçon dans E.T ou encore Eliott smith cet artiste que j’ai énormément écouté pendant l’adolescence et avec qui j’ai commencé la musique.
Qu’est-ce qui t’a poussé à vouloir évoluer en solo alors que tu étais au sein d’un groupe avant ?
Eliott Jane : Le besoin de liberté artistique, j’étais lasse des compromis que la vie de groupe exige. Et Cela faisait longtemps que j’avais besoin de prendre mon envol mais il y avait un fort affect. Et puis avec mon groupe on était aussi arrivé au bout de ce qu’on avait à faire ensemble sur le plan artistique, nous sommes toujours ami(e)s et proches dans la vie. J’ai choisi de me lancer en solo car cela m’a permis de faire un travail introspectif et d’aller au bout de ma vision, de tester des choses, de sortir du travail collectif pour entamer un travail plus personnel. Et oui notre histoire a tout de même duré 7 ans, c’est une durée de vie assez longue surtout qu’on n’en vivait pas du tout, on était très présent dans une scène underground qui chantait en anglais une très petite niche en France, on avait aussi fait le tour de ce milieu je pense.
Tu t’es rendu compte que le 7eme album de Calogero dévoilé en 2017 s’intitule aussi « liberté chérie » comme le tien ?
Eliott Jane : Oui je m’en suis rendu compte mais tardivement alors que j’avais déjà choisi « Liberté Chérie » comme titre pour mon disque depuis un petit moment. Quand j’ai vu ça j’ai donc fortement remis en question ce choix. J’ai tout de suite envoyé à mon éditeur un SMS pour le prévenir et il m’a répondu «on s’enfout ». Au final il a raison, tu n’imagines pas le nombre d’album qui porte le même nom. Si l’on est que 2 à l’avoir appelé comme ça alors ce n’est pas forcément un problème.
A l’image de ton premier single « à la vie, à la mort », tu nous invites à profiter de la vie tant que cela est encore possible. Ce titre est-il né suite à la disparition d’une personne chère ?
Eliott Jane : L’intention première de ce titre était en effet de communiquer avec des gens partis trop tôt ou perdus de vue. Ensuite est venu l’envie de partager l’idée que l’on peut se souvenir d’eux avec joie. On peut se souvenir de quelqu’un et pleurer mais aussi sourire. Raison de plus pour profiter des gens qu’on aime tant qu’il sont encore là, pour rassembler le plus de bons et beaux souvenirs possible. Ce que je veux dire c’est que la mort n’est pas obligatoirement triste. Puisque l’homme est condamné à disparaître, je pense que rares sont les personnes qui n’ont jamais perdu un être cher, alors je pense que cette chanson peut toucher n’importe qui.
En compagnie de qui aimerais-tu boire un dernier verre de trop ?
Eliott Jane : Oulala trop dur comme question. Peut-être quelqu’un que je n’ai pas eu la chance de connaître et qui a la réputation d’être drôle car j’aime beaucoup déconner mais qui pourrait aussi m’apporter un regard critique sur ma génération alors Coluche peut être ?
A la fin de ton EP très dansant, tu changes d’ambiance pour parler de violence dans l’amour passionnel. C’était important pour toi de t’exprimer sur ce sujet ?
Eliott Jane : Oui car ce disque est une déclinaison de la liberté sous plusieurs formes. « Va voir ailleurs » c’est la délivrance, la liberté retrouvée et violence aborde la violence conjugale et l’emprise, la liberté perdue. Il y a un lien très fort entre les deux chansons.
S’il fallait « aller voir ailleurs », quels artistes ou groupes nous conseillerais-tu ? Ceux qui t’inspirent ou se rapprochent plus de ton univers ?
Eliott Jane : J’ai vraiment beaucoup d’influences différentes. J’ai beaucoup navigué entre plusieurs styles. Mon premier coup de foudre enfant c’est l’album « Flaming Pie » de Paul MCartney. J’ai ensuite enormement écouté Sting, Peter Gabriel, et Eliott Smith. Ensuite je me suis tournée vers la scène new-yorkaise, PJ Harvey, Lou Reed, The Velvet Undergound, Nico, et The kills.
Puis à l’adolescence j’ai très vite accroché avec des groupes résolument rock comme Sonic Youth, Nirvana, Hole, Bikini Kills et puis j’ai eu ma période cold-wave avec des groupes comme joy division, Interpol, The Smith, The Organ.
J’ai aussi beaucoup écouté de groupe de pop anglaise Oasis, Blur, The libertines,Gossip, Kaisier Chiefs. Baxter Dury est aussi un artiste de pop anglaise qui m’a beaucoup influencé.
Globalement j’aime les artistes intuitifs et sauvages. J’ai aussi eu ma période électro avec Air ou encore Crystal Castles. J’adore aussi les années 80, notamment l’énergie et l’efficacité mélodique, et la sonorité de ces années-là. J’ai beaucoup écouté tears for fears, axel bauer, blondie, Madonna. Aujourd’hui j’apporte beaucoup d’importance aux textes donc je découvre et écoute avec joie les grands auteurs de la chanson française : Serge Gainsbourg, Michel Berger, Véronique Sanson, Alain Bashung, ALain souchon. Ce qui fait que j’aime de plus en plus la nouvelle scène pop francophone qui mélange les genres comme Christine and The Queens,Thérapie Taxi, Eddy de Pretto, Stromae, Clara Luciani.
Sortir un projet en pleine pandémie pour de nouveaux talents ce n’est pas un peu osé, quand on sait que derrière on ne pourra pas vraiment le défendre. ?
Eliott Jane : Bien sûr qu’il sera possible de le défendre, plutôt deux fois qu’une ! En réalité j’étais flippée à l’idée de sortir ce disque en ce moment mais je ne suis pas la seule à prendre les décisions et c’est aussi une chance de pouvoir s’appuyer sur des équipes qui ont de d’expériences et qui maîtrisent tout ça beaucoup mieux que moi. En tant qu’artiste je me pose plein de questions stratégiques c’est bien mais il faut parfois savoir faire confiance aux autres qui sont là pour ça et se laisser guider car j’essaye déjà de garder la main sur beaucoup de choses et ça prends beaucoup de temps Maintenant je fais confiance, je me laisser guider sur tout ce qui n’est pas artistique c’est pas inintéressant car ça m’enlève une responsabilité sur ce plan là.
Et puis c’est pas vrai qu’on ne peut pas défendre son projet en dehors du live. Bien sûr qu’on peux le défendre, les médias sont encore là. La musique peut circuler sur internet, sur les réseaux sociaux et via les playlists.
Finalement le fait de sortir mon disque en ce moment c’est l’occasion de préparer le live sans stress et d’avoir de l’actualité et du contenu à partager tandis que certains artistes souffrent beaucoup plus car ils ne sortent justement rien.
Les gens ont besoin qu’on leur partage de la musique aussi c’est notre devoir en tant qu’artiste de partager des chansons et de continuer à faire vivre la musique en dehors des concerts.
Est-ce que tu as un plan b face à la pandémie qui prive nombreux artistes de scène ?
Eliott Jane : Je ne suis absolument pas inquiète quant au fait que les lives vont reprendre à partir de septembre prochain, parfois je me sens isolée c’est sur mais je n’ai pas de plan B car pour moi rien ne remplace le vrai Live, même pas un live stream, c’est pas la même chose car il n’y a pas l’ambiance de la salle de concert.
C’était important pour toi de garder tes influences punk du départ sur ce nouveau projet ?
Eliott Jane : Non au contraire il y avait une vraie volonté de départ de rompre avec le passé et avec ces années là. Donc si tu ressens des influences punk dans ce que je fais ce n’est pas du tout volontaire ni calculé en tout cas. Bien sur le rock coule toujours ma veine, ça fait partie de mon ADN car j’ai grandi au milieu des groupes de rock et dans les salles de concerts. Et puis un passé ne s’efface pas et a toujours de l’impact sur nos choix présents et futurs.
De mon point de vue j’ai l’impression que mes influences punk se ressentent plutôt à travers l’urgence des textes et de par l’interprétation désinvolte mais il ne me semble pas que cela se ressente dans la musique mais enfin ce n’est pas à moi d’en juger.

Quel combat es-tu prête à défendre aujourd’hui « à la vie, à la mort » ?
Eliott Jane : Je n’ai pas la prétention de dire que je suis prête à mener de grands combats. C’est très égoïste de ma part mais sincère de le dire. Beaucoup parlent sur les réseaux et défendent de grandes causes mais ne font en réalité pas grand chose à part un post assis dans un fauteuil, moi la première car nous vivons dans une société occidentale auto centrée, gâtée et privilégiée. Je suis pourtant très admirative des personnes qui partent en mission pour mener des combats. Je pense très fort à mon ami de jeunesse Pierre Lecorf parti mener un combat en Syrie, et qui vit au milieu des bombes, il voit ses amis et des enfants mourir ou perdre des membres. C’est de l’héroïsme pur. Il vit une vie incroyablement dur et il risque sa vie en ce moment même pour protéger les plus fragiles. Il a su délaisser son confort de vie pour sauver des vies. J’aimerais en avoir le courage mais je ne l’ai pas, alors que pourtant il y a beaucoup de grands combats à mener dans le monde je pense notamment à la condition dramatique de la femme dans certaines cultures, sans parler de la condition des enfants, j’ai aussi le coeur serré quand on me parle de violence faites aux enfants, aux femmes, mais aussi celle faites aux hommes qui est plus tabou.
Quand tout redeviendra à la normale, sur quelle scène rêves-tu de te produire ?
Eliott Jane : Toute vraie scène sera la bienvenue alors je dirais que je rêve de remonter sur scène tout court peu importe la salle, ou le festival, je prends même les mariages et les bar-mitzvah!
Plus d’infos
Liberté Chérie, le premier EP d’Eliott Jane est disponible sur toutes les plateformes.