La 45ème édition du Printemps de Bourges Credit Mutuel s’est tenue du 22 au 27 juin dernier malgré une atmosphère plombée par la crise sanitaire. Retour sur cette édition un peu spéciale

Initialement prévue au mois d’avril dernier, la 45ème édition du Printemps de Bourges a eu lieu au début de l’été cette année. Habitué traditionnellement à lancer la saison des festivals au mois d’avril, le festival a dû repousser sa tenue cette année non seulement pour éviter une nouvelle saison blanche et sèche après l’annulation de l’édition précédente, mais aussi pour se conformer aux règles sanitaires imposées par les autorités : jauges à 65%, pas de concerts en plein air, tout le monde assis… Contrairement aux années précédentes où les allées grouillaient de monde venue de toutes les régions et même de l’étranger, cette année la ville semble vide sans ses concerts de rues.

La jauge limitée à moins de 1000 personnes par jour, évite aux festivaliers l’obligation de présenter un pass sanitaire pour pouvoir accéder à l’événement. Un poids en moins pour ces derniers, qui doivent porter un masque durant tous les concerts et rester assis à leurs places. Des règles drastiques qui n’ont pas empêchés les plus téméraires de célébrer ce retour des concerts de manière festive, après plusieurs mois d’arrêt.

Le Printemps dans la ville

Si le festival a débuté le mardi 22 avec le concert de l’ancien membre du groupe Téléphone Jean-Louis Aubert au Palais D’Auron, nous n’arrivons que le mercredi. La journée généralement consacrée à la scène hip-hop, RnB et rap dénommée Rap2Dayz qui prend toujours ses quartiers aux halles du marché couvert, n’a pas été prévue cette année. Toujours complète, cette scène très prisée par les jeunes est la grande absente de l’année, mais il faut aussi se l’avouer, en pleine période des épreuves du baccalauréat et celles du brevet, difficile d’attirer ce jeune public qui pourra jeter son dévolu sur la journée du samedi.

PDB21 (c) : Mathieu Foucher
PDB21 (c) : Mathieu Foucher

La place Séraucourt où est souvent dressé un grand chapiteau pour accueillir les concerts gratuits, entouré de stands pour manger, est pris d’assaut par la fête foraine qui s’y déroule chaque année du 21 juin au 14 juillet. Les festivités ont été délocalisé au pied de la Cathédrale Saint-Etienne dans le cadre du Village Demain le Printemps. Ici on peut manger, boire, se vêtir, rencontrer des associations et même écouter de la musique, le tout en y accédant gratuitement, même si la jauge est limitée à 200 personnes. Mais nous ne nous éternisons pas à l’extérieur, car de l’autre côté de l’auditorium, le show a débuté. On passe d’ailleurs devant la place Cujas, où une live zone a été installée pour permettre au public de suivre certains concerts du Palais d’Auron.

Place au show

C’est sa première vraie scène. Olivia Merilahti, la moitié du groupe The Dø, n’était pas remontée sur scène depuis la fin de son ancien groupe. Elle évolue désormais au sein d’un Girl band nommé Prudence, accompagné de deux talentueuses musiciennes qui maîtrisent à la perfection leurs instruments. Le girl power fait trembler l’auditorium avec sa dernière chanson de la soirée Good Friends « Merci à tous d’être là, nous sommes Prudence. C’est une première pour nous ce soir. Merci au Printemps de nous avoir donné cette occasion ».

Hervé sur la scène de l’auditorium le 23 juin pour le Printemps de Bourges
Hervé sur la scène de l’auditorium le 23 juin pour le Printemps de Bourges

Le shoman Hervé prendra ensuite la relève sur cette même scène pour nous faire si bien du mal avec son électro pop qui tabasse. Vous pouvez retrouver l’article consacré à son passage ici.

L’hommage de Jeanne Added à son Prince

C’est l’une des créations de cette édition, ce mercredi soir, Jeanne Added rend hommage à Prince, l’idole de sa vie, à travers un spectacle intitulé « I feel for you ». D’abord réticente au départ, ne voulant pas s’attaquer à « l’inattaquable », Jeanne fini par céder aux sirènes du festival. Et elle a eu raison. Sa performance sur cette scène très épurée du théâtre Jacques-Coeur, vêtue de rouge, restera gravée dans la mémoire de ceux qui ont eu la chance d’assister à ce moment magique.

Jeanne Added (c): Mathieu Foucher
Jeanne Added (c): Mathieu Foucher

Accompagnée de Bruno Ruder au piano, elle plongera la salle dans une ambiance émotionnelle grâce à sa voix qui file le frisson. Elle sera rejoint par le public qui l’accompagne en chœur sur « Nothing to compares to you ». L’émotion est à son comble et le sera encore plus à la fin lorsqu’elle conclut sa prestation sur « I Would Die For You ». L’assistance est debout pour saluer ce moment exceptionnel que nous venons de vivre. Prince est mort, vive Prince.

Feu! Chatterton transforme le Palais d’Auron en Palais d’Argile

Autre lieu, autre ambiance, on file au Palais d’Auron où les cinq membres du groupe Feu ! Chatterton, amené par le chanteur Arthur Teboul, sont déjà sur scène pour défendre leur dernier album treize titres Palais d’Argile dévoilé en mars dernier et produit par Arnaud Rebotini. Nous arrivons au moment où le groupe joue « Ecran Total » dans une ambiance religieuse qui ne tardera pas à changer sur les recommandations de Arthur, qui trouve qu’on est assez resté assis depuis bientôt deux ans pour ne pas se lever ce soir.

Feu ! Chatterton (c) Mathieu Foucher
Feu ! Chatterton (c) Mathieu Foucher

Changement d’ambiance pour entrer dans « Un monde nouveau », celui que les garçons nous ont promis en début de concert. La salle est vent debout et accompagne le groupe tel un orchestre en chantant en chœur cet hymne à l’espoir. Le spectacle sera encore plus beau et fou à la fin avec « La Malinche », sur lequel le public se déchaîne, délaissant les chaises de l’avant pour danser devant la scène. Une entorse aux règles qui passera inaperçue ce soir, tant le public ressentait le besoin de danser sur ce Palais d’Argile, pas du tout fragile.

Les winouis sous le chapiteau 

Le soleil est au rendez-vous cet après-midi, les festivaliers ont presque tous chaussés leurs lunettes de soleil et les gilets se retrouvent au niveau de la taille. Il est temps d’aller faire un tour du côté de la scène du W où semble provenir de la bonne musique. À l’extérieur des chaises et tables ont été installés en face des stands où le public fait la queue pour un verre ou un sandwich. Ça rigole pas mal, tandis que d’autres se dirigent directement vers l’endroit où provient une voix nerveuse.

Sous le chapiteau W où jouait habituellement les têtes d’affiches devant 10.000 personnes, se déroule cette année le show des Inouïs du PDB baptisé Winouis. Ici le public est plongé dans le noir pour découvrir des artistes émergents. A l’image de la jeune Kt Gorique, en provenance de Suisse, qui va lancer les hostilités de manière frontale ce jeudi après-midi. Suivi du jeune multi-instrumentiste Achille, qui derrière ses machines, prouve à l’assistance que malgré son jeune âge, il peut faire des merveilles derrière ses machines. Avant que ne suivent les prestations de Ekko, Vikken, ou encore le duo féminin Ottis Coeur pour ne citer qu’eux.

Au total, 33 artistes venus de toute la France se succéderont sur la scène des Winouis durant trois jours. A l’issue de ces prestations, trois Prix seront attribués. Le Prix du jury à Vikken (Île-de-France), celui du Printemps de Bourges Crédit Mutuel à Annael (Île-de-France) et enfin celui du Public à Ekko (Poitou-Charentes)

Vidéoclub des années 80

Avec le logo du groupe inscrit au fond de la scène, impossible de ne pas se rendre compte qu’on va assister à un concert de VidéoClub. Accompagné de deux musiciens, tous de blancs vêtus, Adèle Castillon mène la danse au micro en nous servant sa pop acidulée. Elle fait tomber la chemise pour nous ramener dans les années 80 avec Enfance 80, l’époque dorée des boums, ce qui incite le public à se lever et à danser sur ce son électro pop qui nous rappelle de vieux souvenirs.

Suzane fait rêver le public du printemps de Bourges 

Quel bonheur de retrouver Suzane au PDB. Il est 18h, Le décor est déjà planté et toujours pas de signe de Suzane, le public s’impatiente dans la salle de cette petite minute de retard et se met à frapper dans les mains pour réclamer l’artiste. Il faut dire qu’elle est très attendu en cette fin d’après-midi et elle ne tardera pas à s’en apercevoir. C’est sur « Tu rêves » que Suzane fait son entrée sur scène dans un décor digne de grands show et du rêve, elle en vendra au public ce soir.Contrairement aux autres concerts, A peine a-t-elle ouvert la bouche sur la première chanson que la salle est vent debout. Elle s’en étonnera d’ailleurs « j’espère que vous resterez ainsi jusqu’à la fin ».

Suzane sur la scène de l'Auditorium (c): Antoine Monegier du Sorbier
Suzane sur la scène de l’Auditorium (c): Antoine Monegier du Sorbier

Elle enchaîne avec sa chanson pour les accros aux réseaux sociaux, avant de demander à l’assistance qui est toujours debout d’allumer leurs téléphones sur « Anouchka ». Un petit tour en Provence s’impose, puisque c’est sa région qu’elle met à l’honneur dans cette chanson. « Je vous vois derrière vos masques sourire et ça me fait plaisir ». Vu l’ambiance et le public endiablé, on a du mal à croire que certains auront recours au « SAV » pour se plaindre de quoique ce soit.« Juin c’est le mois des fiertés ? en fait c’est juste pour dire que le mois des fiertés c’est tous les jours ». Après « P’tit gars » Standing ovation de presque deux minutes, du jamais vu depuis le début de cette édition.

Terrenoire Out, Yseult In

« Ça va aller » semble nous promettre Terrenoire depuis la scène du théâtre Jacques Coeur. Bloqué à l’extérieur avec d’autres confrères, nous n’auront malheureusement pas la chance d’assister à leur concert, mais ce n’est que partie remise.

Mais nous sommes aux premières loges pour la prestation en mode piano-voix de Yseult. Vêtue d’une longue robe noire, elle filera le frisson au public avec sa prestation tout en sobriété accompagné de Nino Vella au piano. Celle qui a envie de faire rêver les gens jusqu’à son dernier souffle, n’aura pas trop d’efforts à fournir. La simplicité du moment contraste avec l’image que beaucoup peuvent avoir d’elle, notamment après son altercation avec la journaliste du monde qui a pondu un portrait d’elle au vitriol. Mais ces deux EPs salués par une Victoire de la Musique, témoignent du talent de cette artiste dont on n’a pas fini d’entendre parler.

Pomme et Gael Faye en osmose au Palais d’Auron

On file au palais d’Auron où la jeune lyonnaise Pomme est déjà sur scène pour son 3ème concert a bourges. L’auteure des Failles semble sur un petit nuage dans sa tenue à poids noirs, son synthé en bandoulière et les deux musiciennes qui l’accompagnent. Elle nous racontera avoir fait un tour à la fête foraine et surtout avoir fait une entorse à son régime alimentaire en tant que vegan « J’ai mangé des churros, je les sens passer. Je suis vegan depuis quelques mois et je crois que les churros c’est pas vegan ». Vers la fin de sa prestation, elle fera monter sur scène deux artistes qu’elle admire : November Ultra et Fabien Berger pour un morceau en trio avec chapeaux pointus sur la tête. C’était « Grandiose ».  

Gaël Faye et Oui. (c): Mathieu Foucher
Gaël Faye et Oui. (c): Mathieu Foucher

C’est le premier concert de sa tournée et il est complet. Gaël Faye ne pouvait pas mieux rêver « on est à un concert et c’est fou » lance le rappeur sur scène, accompagné de ses trois musiciens et devant un public tout ouïs qu’il n’arrêtera pas de remercier d’avoir fait le déplacement. Dans une ambiance qui se veut à la fois chaleureuse et familiale, il lance les hostilités avec « Lundi Méchant », titre phare de son dernier album, avant de délivrer un beau discours sur la tolérance. Au total, trois invités se succéderont sur scène à ses côtés Mélissa Laveaux, Pomme qui l’a précédé sur la même scène il y a quelques minutes et Obi avec qui il fera lever la salle comme un seul enfant.

Vendredi tout est permis

Après une courte nuit de sommeil, on démarre cette journée à l’auditorium avec le concert de Silly Boy Blue qui vient de sortir son premier album Breakup Songs. Entre son nouveau single « Teenager », « The Fight » ou encore « 22 », le cœur de l’assistance balance. Ses textes servis en anglais n’empêchent pas le public de faire corps avec elle sur scène, entourée de ses deux musiciens. Un retour réussi pour celle qui deux ans plus tôt, était lauréate du Prix des Inouïs du Printemps de Bourges 2019.

Silly Boy Blue (c): Mathieu Foucher
Silly Boy Blue (c): Mathieu Foucher

S’ensuit le concert de S+C+A+R+R, l’autre moitié du duo The Dø, qui malgré un souci technique en début de concert, ne se laissera pas démonter et offrira au public une création inédite.

Plus tard dans l’enceinte du théâtre Jacques Coeur, la jeune Clou et la Grande Sophie vont sceller notre soirée. Après la courte nuit dernière, il n’est pas question de jouer aux malins, demain est un autre jour.

Samedi, un tour et puis on s’en va

C’est notre dernière journée au festival et on commence déjà à être nostalgique, mais on ne va pas laisser cet état d’esprit nous gâcher la fin de la fête. Direction l’auditorium où le concert de Lala&Ce a débuté depuis un quart d’heure. La salle semble acquise à sa cause à notre arrivée, certains se risquent même à danser sur les mots de cette rappeuse qui n’a pas froid aux yeux.

Georgio & PLk en final au Palais d’Auron

Avant de s’installer au Bataclan pour une série de trois concerts les 30 novembre, 1er et 2 décembre 2021, Géorgio a repris sa tournée le weekend dernier en faisant une halte au PDB. Armé de son 6ème album, il n’aura pas beaucoup de mal à mettre le public dans sa poche.

Georgio (c): Mathieu Foucher
Georgio (c): Mathieu Foucher

En clôture de cette soirée du samedi, PLk ne fera pas les choses à moitié, puisqu’il a littéralement retourné la salle. Véritable coqueluche auprès des jeunes venus en masse ce soir, il ne leur fera pas regretter leur présence en interprétant notamment « Petrouchka », son morceau en duo avec Soso Maness qui fait un tabac sur la toile. Comme une envie d’en découdre, le public s’affranchira du protocole sanitaire pour pogoter comme à son habitude dans la fosse, vidée de ses chaises. Un premier concert aux allures de test pour le rappeur qui n’est pas remonté sur scène depuis presque deux ans, avant sa tournée de l’été et celle des Zéniths l’année prochaine.

La 45ème édition du PDB s’est achevée dimanche 27 juin avec le concert d’Alain Souchon au Palais d’Auron. Une édition très spéciale qui a vu le public ne pas bouder son plaisir après tous ces longs mois où la culture a été taxé de « non essentielle ». Rendez-vous du 19 au 24 avril pour la 46ème édition du PDB.