Retour sur les soirées des 27, 28 et 29 juillet au Festival Grandes Marées à Jullouville. Avec, entre autres Jean-Louis Aubert, Catherine Ringer et Hervé.

Anciennement Jazz en Baie, le Festival Grandes Marées se tenait du 24 juillet au 1e août dernier, en baie du Mont-Saint-Michel. Certains concerts avaient lieu à Avranches ou Genêts, la plupart à Jullouville. Nous étions sur place pour les soirées des 27, 28 et 29 juillet sur la scène Tamaris, scène unique devenue finalement double (une grande scène et un chapiteau) en raison de la mise en place du pass sanitaire, autorisant les mouvements de foule et rendant facultatif le port du masque.

L’ambiance des festivals retrouvée

Le mardi, dès notre arrivée sur le site du festival, nous ressentons comme un vent de liberté : la notion de masque facultatif est clairement interprétée par la plupart du public comme “enfin des concerts sans masque”, si bien que rares sont ceux qui le portent. La moyenne d’âge n’est pas vraiment à la prime jeunesse, mais on distingue quelques enfants et adolescents accompagnant leurs parents. Il faut dire que les deux artistes les plus attendus aujourd’hui ont plus de 60 ans : Jean-Louis Aubert et Paul Personne. Mais la soirée accueille également deux autres groupes sous le chapiteau : Bafang et Nobody’s Cult.

Bafang, Festival Grands Marées, 27 juillet 2021. (c): Didrik Launay Derain

Un mardi Rock n’Roll sous le chapiteau

Bafang, un duo composé de deux frères, l’un à la guitare, l’autre à la batterie, ouvre la soirée. Le public, curieux mais encore timide, reste aux abords du petit chapiteau, attentif. De sa grosse voix, le batteur, coiffé d’un chèche, nous invite à approcher de la scène, nous nous exécutons même si, à priori, il nous fait quand même un petit peu peur. Le groupe chante en fe’efe’e, et leur musique mélange habilement le Rock n’Roll et le Makossa. La chaleur et l’énergie qui émanent de ces deux excellents musiciens nous emporte facilement loin du quotidien. Pour ma part, ce projet caennais est la plus belle découverte du festival.

Lena Woods, la charismatique chanteuse que certains reconnaîtront pour avoir participé à l’émission The Voice en 2016, emmène son groupe Nobody’s Cult, armée de sa harpe électrique. Le quatuor offre une prestation efficace, alternant morceaux énergiques et moments plus calmes. Il aurait mérité un public plus fourni, être programmé entre les deux artistes de la scène principale, mais sur un autre scène ne semble pas avoir joué en leur faveur.

Nobody’s Cult, Festival Grands Marées le 27 juillet 2021. (c): Didrik Launay Derain

Les seniors sur la grande scène

La grande scène, malheureusement restée en configuration assise numérotée alors qu’un grand nombre de festivals avait switché en version debout, accueille la prestation soporifique de Paul Personne avant de faire place à celui que tout le monde attend ce soir : l’inégalable Jean-Louis Aubert.

Aujourd’hui en grande forme, l’artiste qu’il n’est nul besoin de présenter, introduit son set avec une version confinée de la chanson Plâtre et ciment où l’on saisit des mots tels que “déconfinement” ou “Pass sanitaire”, s’ensuit un trio de titres sur le thème de la traversée : Les plages, New York avec toi et Bien sûr. Heureux de retrouver son métier, il s’émerveille encore de pouvoir vivre de sa passion et cite Confucius 600 av. J.-C. “Trouve un travail que tu aimes tu ne travailleras jamais”

Sans décor, tout habillé de noir comme ses musiciens, Jean-Louis illumine l’espace de son aura teinté d’un émerveillement et d’une insouciance préservés au long de ses quelques quarante-cinq années de carrière. Le set fait la part belle aux grands classiques du groupe Téléphone, ou de sa carrière solo, parmi lesquels Alter ego, Argent trop cher, Puisses-tu ou Temps à nouveau. Ce soir, les citations sont de sortie, l’artiste déclame une version modifiée d’un célèbre extrait de la chanson Voilà, c’est fini : “Je n’ai pas eu tout ce que voulais mais j’ai voulu tout ce que j’ai eu”. Contre toute attente, le chanteur choisit un autre titre pour clôturer le set en nous servant une version extra longue et enivrante de Ça c’est vraiment toi, au cours de laquelle il marque une pause pour s’émerveiller des herbes qui applaudissent dans les dunes et nous demander notre avis sur la légalisation des substances hallucinogènes du même nom.

Jean-Louis Aubert (c): Didrik Launay Derain

Le set s’achève, on en voudrait encore, mais nous savons qu’en festival, tout est minuté, et la plupart du public se dirige rapidement vers la sortie. Quelques fans insistants se pressent debout contre la scène et hurlent le nom de l’artiste avec détermination. C’est alors que se produit cette magie dont seul Jean Louis a le secret : il revient, guitare acoustique en main. “Je suis revenu parce que vous partiez tous au bar et je ne voulais pas que vous alliez boire”. Nous serons quelques centaines de privilégiés à profiter d’une poignée de titres en version acoustique, mini session clôturée cette fois, par l’indétrônable Voilà c’est fini, suivi d’une dernière citation pour la route : “Même si on se fait beaucoup de soucis en ce moment, souvenez vous que tout ce qui n’est pas prévu est extraordinaire. Ne suivez personne écoutez tout le monde”.

Un mercredi plus éclectique

Aujourd’hui, nos contraintes de la journée ne nous permettent pas d’arriver suffisamment tôt pour découvrir Jaïa Rose, première à jouer sous le chapiteau. Nous nous pressons à l’entrée pour espérer profiter d’Astonvilla, qui ouvre la grande scène ce soir. Nous connaissons peu ce groupe dont le titre phare Raisonne, résonne pourtant dans nos souvenirs adolescents. Les quarante cinq dernières minutes du set auxquelles nous aurons pu assister nous laissent le temps de prendre une claque Rock n’Roll, nous faisant regretter de n’avoir jamais franchi le pas de les écouter attentivement plus tôt. L’énergie bienveillante dégagée par le groupe nous accompagnera pour le reste de la soirée.

Aston Villa, Festival Grands Marées, 28 juillet 2021. (c): Didrik Launay Derain

Changement de style : la Funk Disco de Macadam Crocodile retentit sous le chapiteau, emmenant dans son trip un public qui se densifie rapidement, bien décidé à se trémousser même en étant un peu serré. Il faut dire que les artistes qui composent ce duo ont déjà fait leurs preuves sur scène, puisqu’il s’agit de Xavier Polycarpe (Ex-membre de Gush) et Vincent Brülin (Ex-membre de Fortune). Leur prestation vitaminée embrase littéralement la petite scène.

Macadam Crocodile, Festival Grand marées, 28 juillet 2021. (c): Didrik Launay Derain

En tête d’affiche ce soir, Catherine Ringer chante une sélection de titres du duo qu’elle partageait avec son compagnon Fred Chichin, Les Rita Mitsouko. Elle annonce la couleur : elle interprètera des chansons très connues et d’autres moins, mais qui lui sont chères. Fraîchement remise du Covid – heureusement vaccinée, elle en a fait une forme bénigne – la chanteuse remonte sur scène ce soir pour la première fois après quelques dates annulées. L’énergie déployée par l’artiste ne laisse présager d’aucune fatigue résiduelle. Elle est entourée de six excellents musiciens, parmi lesquels nous reconnaissons les deux guitaristes : son fils Raoul Chichin et le charismatique Paul Pavillon qui accompagne généralement Gaëtan Roussel sur scène. Ce combo incroyable nous offre un show puissant, la mise en scène est fidèle à l’univers des Rita Mitsouko et la présence scénique de Catherine Ringer est époustouflante. Parmi les tubes interprétés ce soir, nous retiendrons particulièrement Marcia Baila, C’est comme ça, et Andy au rappel.

Catherine Ringer, Festival Grands Marées, 28 juillet 2021. (c): Didrik Launay Derain

Un jeudi raccourci

Notre emploi du temps personnel a dû jouer les contorsionnistes pour nous permettre d’être présents ce soir. Nous voulions impérativement découvrir Hervé sur scène, et nous avions raison ! Un article complet est d’ailleurs consacré à son incroyable prestation, à retrouver ici.

Avant de quitter le festival (nous ne pourrons pas assister, ce soir, au concert de Selah Sue en tête d’affiche), il nous reste un peu de temps pour applaudir l’intégralité du set de Kosko, un groupe aux sonorités RnB et Electro chanté en anglais, originaire de Saint-Malo. Les décors écrus, de même teinte que les tenues des quatre membres du groupe, portent un ambiance cotonneuse qui s’accorde à merveille avec la douce voix et la fluidité des gestes de Chloé, leur chanteuse qui semble tout droit sortie d’un dessin animé pour enfants. Comparaison amusante, puisqu’elle nous confiera un peu plus tard aimer les œuvres de Hayao Miyazaki. Entre les chansons, la jeune artiste partage avec nous ses sources d’inspiration : Interstellar, la pluie qu’elle aime beaucoup, ou les petites choses simples que l’on oublie souvent de regarder dans la vie. Un set réussi qui nous enveloppe dans la douceur du coton, jolie découverte.

Kosko, Festival Grand marées, 29 juillet 2021. (c): Didrik Launay Derain

Nous remercions le Festival Grandes Marées d’avoir maintenu coûte que coûte leur programmation pour ce mois de juillet 2021, et de l’avoir enrichie, au dernier moment, de groupes locaux tels que Bafang (Caen), Nobody’s cult (Rouen) ou Kosko (Saint-Malo). Un seul bémol : nous aurions vraiment préféré une fosse debout devant la grande scène, bien conscients cependant que l’organisation à fait de son mieux pour nous permettre de vivre des émotions en musique en cet été si particulier.