Le chanteur et compositeur américain Desmond Myers est la sensation pop soul de cet automne. Son premier album Shadowdancer, est le récit intense et réel d’un artiste qui sort de l’ombre pour jouer carte sur table. Rencontre avec le plus francophile des américains
Il y a quelques chose de James Blake dans la sensualité des chansons du soulman américain Desmond Myers, qui réfute le qualificatif de crooner. Son univers éclectique où ballades soul, pop et rock sur des rythmes groovy se rencontrent, à quelque chose de séduisant. Ce chanteur et guitariste originaire de Virginie dans le sud-est des Etats-Unis, qui partage sa vie d’artiste entre Atlanta et Paris, nous reçoit au Studio Lina Rossa situé rue Primo Levi dans le 13eme arrondissement parisien, pour un entretien autour de son premier album huit titres Shadowdancer, dévoilé le 8 octobre dernier
Un premier disque réalisé entre les USA et la France, malgré les restrictions imposées par les mesures de confinement et pour lequel l’américain a dû aller chercher l’inspiration dans les traumatismes de son enfance. Le résultat donne un projet personnel, dans lequel il ose l’autocritique en dénonçant l’environnement ultra viril dans lequel il a été élevé « Real man ». Sa fausse timidité qui disparaît lorsqu’il est en confiance, est aussi mis en avant dans l’un des titres phares du projet « Shadow », dont le clip a été tourné en mode plan séquence et en noir et blanc. Un opus à l’ambiance sobre en somme, produit par Mathieu Gramoli ( Gael Faye, Her…) et qui fait de l’artiste en provenance du pays de l’oncle Sam, l’une des révélations pop soul de cette année. Rencontre !
Et si on commençait par une petite présentation ? Qui est Desmond Myers ?
Demond Myers : Je suis un auteur compositeur et interprète américain de 29 ans. Je viens de Caroline du Nord
Quel a été ton parcours jusqu’ici ?
J’ai toujours fait de la musique depuis ma tendre enfance en Caroline du Nord. J’ai commencé à me produire sur scène à 18 ans, durant cette période j’ai rencontré un producteur allemand qui voulait monter un label en Europe. J’ai acceptation sa proposition de le suivre jusqu’en Allemagne où je me suis produit durant plusieurs années. Ce n’est qu’en 2014 que je suis arrivé à paris par le plus grand des hasards. J’ai rencontré Victor solf du groupe Her et j’ai joué dans le groupe pendant quelques années avant sa dislocation. Par la suite j’ai sorti un disque et donné quelques concerts. Je me suis également produit au Lido quelques années. Actuellement je vis à Atlanta avec ma petite famille.
Ton premier album s’intitule Shadowdancer, pourquoi un tel choix ?
Dans ce disque je parle de pas mal de choses intimes et en même temps je cherche un peu à me cacher, j’ai peur de devenir vulnérable. Je n’ai pas peur de danser, mais je ne suis jamais celui qu’on retrouve au milieu de la piste. Il faut que je sois entouré des personnes que j’aime pour me lâcher. J’essaie de me libérer et de parler sur certains sujets qui étaient un peu difficile pour moi. Je parle de mes doutes et insécurité dans le texte. Ça fait appel à un morceau qui s’appelle « Shadow ». Je voulais justement avoir un morceau qui casse cette ambiance, qui fasse danser et à travers lequel J’assume qui je suis. C’est un peu un hommage à l’acceptation.
Est-ce qu’il faut y voir un lien avec ton caractère qui est celui de quelqu’un de réservé ?
Je pense que je suis un peu bipolaire à ce niveau. Je suis musicien, il y a une envie d’être sur scène et en même temps je peux parfois être timide pour plein de raisons. Je suis le plus petit de ma fratrie, je pense que ça vient de là aussi.
À l’écoute de ton premier single on sent que tu as été très influencé par la soul et le rnb, c’est ce qui te définit le plus ?
C’est la musique qui a rythmée mon enfance, mes parents écoutaient énormément de musique des années 60-70. J’ai écouté pas mal de bleues, de rock de Jimi Hendrix à Marvin Gaye (qui reste l’une de mes influences principales). C’est ce genre de musique qui me définit le plus.
Est-ce qu’on pourrait parler ici d’un album soul ?
Je ne fais pas de la soul classique avec des cuivres, je ne fais pas non plus de la neo soul à la D’Angelo. Ce que je propose c’est vraiment à la limite de la pop, même si c’est toujours teinté de soul. Je ne présenterai pas ma musique uniquement comme de la soul, ça va bien au-delà avec un côté psychédélique qui tend vers le rock. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de Neo soul en ce moment, pas mal d’artistes se lancent dans ce style, surtout au niveau de la scène indépendante. C’est probablement l’une des musiques les plus populaires du moment.
La composition de cet opus s’est déroulée à distance entre Atlanta et paris, c’est la raison pour laquelle tu parles d’un travail de groupe ?
J’ai composé les morceaux chez moi à Atlanta avec des maquettes, après je suis revenu sur paris pour bosser avec les musiciens. Cet album est vraiment le résultat d’un travail de groupe et le choix des musiciens était important. Ce sont des personnes avec lesquelles j’ai bossé quand je suis arrivé sur paris. J’étais habitué à jouer en équipe notamment quand je suis passé chez Her. Quand tu as trouvé une bonne équipe ça vaut le coup de garder cette relation et de continuer le travail ensemble. Le but de ce projet c’était de faire un album et le choix des musiciens était vraiment important. Ces mecs étaient hyper important sur le disque, c’est pourquoi nous l’avons enregistré en France.
C’est pour cette raison aussi que vous avez repoussé la sortie de l’album ?
On était sensé sortir cet album en 2020… Quand la crise du Covid est arrivé, l’album n’était pas encore terminé. On a essayé de faire des morceaux à distance, ça prenait plus de temps. Finalement on a monté un dossier pour que je puisse venir en France. J’ai fait trois aller-retour entre Atlanta et Paris pour terminer l’album. Ça nous a pris deux ans en fin de compte.
Dans l’album on retrouve le titre Chinatown. Est-ce un hommage au quartier chinois du 13eme arrondissement parisien ou à celui de New-York ?
C’est plutôt le Chinatown parisien. C’est vrai que le Chinatown new-yorkais me fascine aussi, mais c’était plus simple pour moi de l’intituler ainsi parce que je chante en anglais. J’ai vécu à Belleville quand je suis arrivé à paris, j’ai beaucoup de nostalgie pour les soirs où il pleuvait et que des panneaux à néon caractéristique de ce quartier éclairaient toute la rue. Je pense que tout le monde connaît cette ambiance de fin de soirée, pour moi c’était ça Paris, les nuits, la pluie, la nostalgie…
Étant donné que c’est une sorte d’hommage rendu à paris, pourquoi ne l’avoir chanté fait en français ?
C’est une super question ! Quand je suis arrivé sur Paris, j’ai essayé de composer en français et j’ai aussi bossé en tant que co-auteur de paroles pour les artistes français qui souhaitaient chanter en anglais. J’ai découvert à travers cette expérience que c’est hyper difficile de faire passer un message dans une langue qui n’est pas la sienne. C’est pas naturel pour moi d’écrire et de chanter en français. Peut-être un jour, mais pas tout de suite.
Au niveau créatif, tu travailles en équipe ou en solo ?
Pour la création je suis automne, mais au niveau de l’arrangement je dépends beaucoup du groupe. Je fais des maquettes, je programme des batteries, je joue de la basse, mais je ne suis pas expert en la matière, je préfère le laisser à ceux qui s’y connaissent bien. Pour la création je suis tout seul, mais pour l’arrangement j’ai besoin d’autres mains.
Actuellement tu partages ta vie entre les USA et la France, comment tu arrives à jongler entre ta vie de famille et celle d’artiste ?
C’est difficile, c’est pour ça qu’on va essayer d’être plus présent aux USA dans l’avenir. Actuellement je suis à Paris pour trois semaines, j’essaie toujours de venir sur de courtes périodes. Je suis papa de deux enfants et je me sens un peu coupable parce que j’aime beaucoup être avec mes enfants.
Est-ce qu’il n’arrivera pas un moment où il faudra faire un choix ?
L’idée c’est de vraiment développer les deux options parce j’ai plus d’audience en France qu’aux USA. C’est plus difficile quand on a une famille, ce qui est mon cas avec deux enfants en bas âge, mais je suis un peu obligé, ainsi est faite la vie d’un artiste.
Elles viennent d’où tes influences ?
Comme je disais plus haut, mes influences viennent de mes parents. Quand j’étais au lycée, j’ai découvert le rap, c’était enfin une musique à moi, parce que je baignais encore dans l’univers de mes parents.
Quel est ton instrument fétiche ?
En fait il y en a plusieurs. A la base je suis guitariste, mais il y a un instrument que j’utilise depuis six ans et qu’on retrouve sur chaque morceau de l’album, c’est le Juno.
Parmi les salles parisiennes, laquelle te fait le plus rêver ?
La Cigale, sans aucune hésitation. Je suis allé voir plusieurs concerts dans cette salle, j’aime bien, c’est juste la taille parfaite et en plus c’est à Pigalle, un quartier que j’adore.
Plus d’infos
Shadowdancer, le premier album de Desmond Myers est disponible sur toutes les plateformes.