Shelters, le premier album de Jahen Oarsman est paru le 26 novembre dernier, nous avons souhaité rencontrer l’artiste avant qu’il reparte sur les routes de sa tournée au printemps prochain.

Jahen Oarsman, une des voix les plus enveloppantes de la scène Caennaise, évolue à travers sa musique Folk depuis 2013. Après qu’il nous ait happé par son univers chaleureux au Cargö (Caen) cet été, nous avons souhaité le rencontrer pour en savoir plus sur ses inspirations, son parcours, ses passions.

Bonjour Jahen, tu es auteur compositeur interprète, tes chansons Folk et ton timbre de voix sont parfaits pour les moments de détente. Peux-tu nous expliquer les grandes lignes de ton parcours de musicien et l’évolution de ton rapport à la musique ? Comment la musique Folk est-elle devenue ton mode d’expression favori ?

Merci Julie, oui cet album a été conçu comme un véritable cocon pour moi, d’où sa douceur et la détente qu’il génère je crois.

Pour répondre un peu à tout ça en même temps, mon père m’a transmis sa guitare espagnole à cordes nylon pour mes 12 ans car j’étais un enfant assez agité et difficile à canaliser malgré le sport que je pratiquais intensément et ça a fonctionné. La guitare m’a permis ce défouloir instinctif et direct au niveau émotionnel, ça m’a fait un bien fou et ça le fait toujours. Les émotions ont un effet physique sur moi, la guitare me permet de les prolonger de manière immédiate et ça provoque un apaisement, ça m’apporte cet équilibre.

Au début des années 2000 mon père et un ami m’ont inscrit sur Myspace un peu contre mon gré, j’étais très dilettante, éparpillé et assez secret musicalement parlant, je faisais ça pour moi, pour les raisons que je t’ai expliquées. Ça a très bien pris mais je ne me suis pas lancé, j’ai continué des études de lettres, de traduction puis de commerce entre France Angleterre et Espagne. A chaque fois que je passais quelque part et qu’on m’entendait jouer ou chanter on m’encourageait à persévérer mais je n’en avais pas envie. Elle est venue en 2013 cette envie, je cherchais à mêler plaisir et travail dans mon quotidien, j’étais plus ouvert. Alors en quittant Paris pour retrouver ma Normandie natale, tout s’est enchaîné naturellement et avec évidence.

Depuis huit ans, pas mal de formules pour me trouver scéniquement, de belles premières parties et de festivals régionaux, des dates sur Paris et de plus en plus nationalement, pas à pas, le statut d’ intermittent du spectacle depuis 2014, des EPs, un premier album, de belles rencontres et encore quelques beaux projets.

Ton timbre de voix est vraiment magnifique, le travailles tu beaucoup ? As-tu pris des cours de chant, ou bien tu es complètement autodidacte ?

Le chant est quelque chose de vraiment naturel chez moi, j’ai toujours des mélodies dans la tête, c’est un vecteur direct avec mes émotions dans ses modulations et ses imperfections que je chéris de plus en plus. J’ai pris quelques cours pour gérer une fatigue vocale après les premières tournées, le corps et les cordes vocales c’est toute une machinerie qu’il faut dompter et respecter. Ces quelques heures m’ont permis d’explorer de nouvelles choses, de me comprendre et de m’exprimer en jouant avec mes limites, je conseille vivement de prendre des cours, ces rencontres font énormément progresser !

Pour l’instant je me sers de ce que j’ai appris tout en gardant l’instinct, j’y reviendrai peut être pour explorer d’autres choses.

Pourquoi as-tu choisi de t’exprimer en anglais à travers ta musique ?

L’anglais c’est un coup de cœur. J’ai étudié pas mal de sonorités selon les pays où j’ai vécu (dont l’Angleterre) et c’est jusqu’à maintenant ma préférée. Les musiciens anglophones (Tracy Chapman, Ben Harper, José Gonzalez, Fink, Tom Yorke…) ont aussi bercé mon enfance et adolescence. Je dis jusqu’à maintenant car je commence à écrire en français depuis peu et je songe à écrire en espagnol aussi… L’important dans le choix d’une langue comme pour tout autre choix, c’est qu’il raisonne en nous quand c’est le moment.

Jahen Oarsman sur scène (c) Michèle Davelu

Lorsque je t’ai vu sur scène, cet été, au Cargö (Caen), je me souviens d’une chanson nommée “Algiers” dédiée à ta maman. Cette dernière était présente dans la salle ce soir-là, ce qui a rendu ce moment très intense. Peux-tu nous parler de la signification de ce titre ?

Algiers, c’est la ville où est née ma mère en 1949. L’Algérie était française à ce moment là, elle y a commencé sa vie, son ADN est là bas. En mai 1962 elle a dû partir, le climat était trop explosif. Sa mère infirmière a soigné notamment les blessés de la rue d’Isly, la famille a senti l’urgence de se mettre en sécurité. Son père est rentré plus tard, quand le bateau est parti ma mère a entendu en s’éloignant une fusillade sur le port, elle n’a su que le lendemain qu’il était sain et sauf. Je parle de ce déracinement, je fais partie de cette génération d’enfants d’exilés d’un pays en guerre dont on ne parle pas ou peu. Derrière tout ça, il y a des gens, des vies, des familles, j’aurais souhaité qu’elle ne vive pas tout ça. Toute ma tendresse pour elle est dans cette chanson.

Ton premier album Shelters est sorti le 26 novembre dernier. Quelle signification as-tu voulu donner à la pochette, son visuel ?

Shelters signifie les abris, comme le sont chacune de ces dix chansons. Le moment est venu d’en sortir, de sentir la caresse du soleil (voir la pochette). Ces chansons sont celles de l’apaisement, je me sens plus fort maintenant. Derrière moi un long chemin parcouru et le calme intérieur d’un océan (arrière du cd physique).

Arrière du CD physique (c)Alban Van Wassenhove

Dans les deux clips extraits de cet album :  “Easy Road” et “First Son”, il y a de beaux paysages et de grandes étendues d’eau. Peux-tu préciser tes inspirations pour ces images ? 

Tout est parti d’une session photo avec Alban (Van Wassenhove), je cherchais l’inspiration et il a trouvé le lieu parfait près de Caen, ça collait parfaitement à la musique, j’affectionne particulièrement les lieux où l’eau est présente. Puis j’ai bossé sur les clips avec Benjamin (Juhel), on a repris les codes des photos en tournant cette fois du côté de Bordeaux, il a trouvé des spots assez incroyables. Un lieu désertique, de l’espace, de l’eau et un côté cinématographique, c’étaient les codes choisis. J’aime les thrillers, les films mystérieux, même fantastiques c’est ce que j’ai voulu transmettre. Les gens avec qui j’ai collaboré ont fait ça avec beaucoup de talent.

Il y a aussi la session live du titre Jungle mise en ligne récemment par Le Cargö

La vidéo s’est faite après un concert lors du O Festival, festival hors les murs organisé par les équipes du Cargo l’été dernier au Calvaire St Pierre. Il y avait un joli jardin partagé, un beau soleil, une atmosphère très bienveillante et familiale, moment idéal pour un morceau en acoustique. J’y ai pris beaucoup de plaisir !

Tu as fait le choix de vivre de ta musique, c’est un parcours difficile, tu abordes ce sujet dans la chanson “Easy Road”. Que voudrais tu dire aux jeunes qui envisagent de suivre cette voie ?

On a chacun nos raisons de se lancer, on a pas tous la même chance non plus au gré des rencontres et du parcours. Je me suis lancé assez tard alors je me vois mal conseiller un jeune avec toute son insouciance, sa persévérance, ses rêves, son élan. Mon conseil sera donc qu’il s’accroche quoi qu’il arrive et s’il fait de la musique pour les bonnes raisons ça n’aura jamais été en vain, qu’il reste lui même.

Tu es rattaché à la scène Caennaise, quels sont tes trois derniers coups de cœur parmi tes collègues régionaux ?

Je vis à Caen, scène pas très folk mais j’ai malgré tout été soutenu dans mon parcours par les structures locales. Elles m’ont permis de me construire et de devenir indépendant, c’est précieux. Atheba (Franck) est un jeune au gros potentiel que je suis de loin, Hada (Manon et sa bande) est un très chouette projet aussi, il y a pas mal de talent. Enfin je dirais You Said Strange qui sont bien partis pour tout déboiter, une musique à la forte et belle personnalité.

Dans tes stories sur Instagram, on te voit souvent présenter de pizzas maison, elle ont l’air trop bonnes, c’est ton autre passion ?

Je confirme qu’elles sont excellentes (rires) et ma grand mère maternelle d’origine napolitaine n’y est pas pour rien. Je fais ça depuis que j’ai 10 ans, c’est très simple une fois qu’on a les bases. La cuisine est une de mes passions, c’est le bien être, le partage, la générosité, la simplicité et la qualité, tout ce que j’aime dans la vie. Alors on ne sait jamais et quoiqu’il arrive je ferai toujours mon possible pour mêler passion et vie professionnelle, je crois que c’est extrêmement important dans le monde dans lequel on vit pour y mettre du sens.

Plus d’infos

Jahen Oarsman sera en concert à Paris X au café disquaire WALRUS, le mercredi 13 avril. Un rendez-vous à ne pas manquer pour les parisiens en recherche de beaux paysages, d’émotion douces et de grandes étendues d’eau. Vous trouverez également plein d’infos (et notamment les dates de la tournée) sur le site jahenoarsman.com récemment mis à jour.

Shelters, le premier album de Jahen Oarsman est disponible sur toutes les plateformes depuis le 26 novembre dernier.