Le 17 mai 2022, Vangelis Papathanassiou est mort à Paris d’une longue maladie. Son nom ne dit sans doute plus rien aux plus jeunes, et pourtant son histoire rencontre celle de la musique moderne
En mai 1968, trois musiciens grecs, Vangelis Papathanassiou, clavier, Demis Roussos, basse et chant, Lucas Sideras, batteur débarquent à Paris. Ils cherchent à aller dans le Swinging London, capitale de la musique mondiale à ce moment là. Ils ont eu une gloire locale en Grèce, mais le coup d’état des colonels a ramené un régime dictatorial peu propice à l’innovation. Et puis les jeunes musiciens ont d’autres ambitions que d’être des gloires locales.
Faute d’argent, ou du fait des évènements révolutionnaires, leur périple s’arrête à Paris. Heureusement la maison de disque Mercury, sous-marque de Philips, s’intéresse à eux, et leur fait enregistrer un premier disque deux titres. A l’époque, à l’approche de la belle saison toutes les maisons de disques cherchent le « slow de l’été », le titre imparable qui passera dans toutes les boites et bals de campagne. C’est le moment où les garçons se lèvent, arrêtent de picoler et se précipitent sur la piste pour essayer d’emballer les filles. On a eu Night in white satin des Moody Blues, A white shade of pale de Procol Harum, on aura Rains and Tears des Aphrodite’s Child. Les textes sont de Boris Bergman, futur parolier d’Alain Bashung et meilleur anglophone que les trois grecs. La musique est de Vangelis qui a largement pompé le Canon de Pachelbel musique composée au XVII° siècle par un obscur musicien allemand. La voix très particulière de Demis Roussos fait le reste.
Le groupe décroche la timbale d’argent, et envahie les hit parades de l’Europe entière. Il réédite l’exploit avec plusieurs slow d’enfer, It’s five o’clock, End of the world, etc. Le reste des deux albums publiés est assez indigeste, fait de titres de remplissage. Cela ne suffit pas à l’ambition de Vangelis qui souhaite être un musicien respecté. Il enregistre un double album, signe à l’époque de l’ambition des musiciens les plus célèbres. C’est 666, adaptation de l’Apocalypse de Saint Jean. C’est une œuvre personnelle du compositeur. Demis Roussos ne chante que sur quelques titres, remplacé par d’autres chanteurs. Le guitariste grec Silver Kouroulis s’illustre sur la plupart des titres donnant une sonorité « hard rock » à l’album. L’actrice Irène Papas vole la vedette à tout le monde en mimant l’orgasme sur fond de percussions dans « Infinity », ce qui vaudra quelques censures au disque.
Quoiqu’il en soit, Aphrodite‘s Child se dissout avant même la sortie de 666. Il est vrai que le look barbu, chevelu, velu des trois musiciens n’en faisaient pas des chanteurs pour midinette. Leur carrière dans les Hit Parades s’arrête là. Le succès de 666 sera limité du fait de cette dissolution, mais il reste une œuvre culte, régulièrement rééditée.
Vangelis se lance dans une carrière solo avec plusieurs disque instrumentaux. C’est l’époque de Mike Odfield et ses Tubular Bells, de Jean-Michel Jarre et d’Oxygène, C’est aussi l’époque de la musique planante allemande (Tangerine Dream, Klaus Schulze). Parallèlement il commence à faire des musiques de film. Il se fait connaître grâce aux musiques des documentaires animaliers de Frederick Rossif (l’apocalypse des animaux et d’autres ensuite). Et en 1983, il décroche à nouveau la timbale grâce à la musique de du film « les Chariots de feu ». Il n’aura plus de succès équivalent, mais il fera une carrière plus qu’honorable à la fois grâce à ses disques solo ou en duo (en particulier avec Jon Anderson, le chanteur du groupe Yes), et aux musiques de film dont certaines resteront dans les mémoires et seront resservies dans de nombreux documentaires. La musique de Blade Runner et celle de 1492 font une honorable carrière.
Ces dernières années, sa carrière avait ralentie. Il décède juste avant ses 80 ans. Les souvenirs ne sont que des larmes dans la pluie disait le réplicant de Blade Runner sur la musique de Vangelis, souvenir peut-être de son premier succès.
Plus d’infos
Essayez de trouver la musique de 666 sur les plates-formes.