Après deux éditions blanches, le paléo festival Nyon a retrouvé son public à l’occasion de sa 45e édition qui s’est achevée dimanche dernier après six jours de fête endiablées avec une programmation de rêve où têtes d’affiche et artistes émergents ont fait le show devant 50.000 personnes tous les jours. Retour sur cette édition de retrouvailles absolument incroyable où soleil et bonne ambiance étaient au rendez-vous.
En quarante-cinq éditions, le Paléo festival de Nyon s’est hissé comme le plus grand festival de musique actuelle en Suisse. Un rendez-vous incontournable de six jours avec une programmation électrique de 250 concerts et spectacles, qui offre une chance unique au public Suisse et d’ailleurs, de pouvoir assister aux shows des plus grands artistes de la scène internationale et locale.
Durant six jours, 50,000 personnes ont ainsi foulé chaque jour la plaine de l’Asse pour un total de 250.000 festivaliers heureux de retrouver leur festival chéri dont ils avaient été éloigné pendant trois ans à cause de la pandémie de Covid. La canicule s’est invitée dès l’ouverture de cette 45e édition à 15h30 le mardi, en même temps que les premiers festivaliers qui franchissaient les grilles d’entrée. Les fontaines d’eau seront vite pris d’assaut par le public qui tente de se rafraîchir tant bien que mal face à cette météo un peu trop clémente.
Une nouvelle configuration
Annoncée depuis la dernière édition en 2019, le site du festival a bénéficié d’un nouveau lifting pour changer la physionomie du terrain. En plus de l’agrandissement du site, deux nouvelles scènes ont vu le jour. Exit la scène des Arches qui tournait le dos au Club Tent, place à la nouvelle scène Belleville à l’architecture impressionnante en forme de demi soleil et qui propose une programmation plus axée électro. Une première pour le festival qui a pris un risque qui s’est avéré payant, en proposant cette nouvelle scène comme l’expliquera en conférence bilan le programmateur Mathieu Monnier. Tout en haut plus au nord du site, à la place de l’ancienne scène du Détour, se dresse fièrement la nouvelle scène Vega, qui fait office de 2ème scène après la Grande, et propose une programmation éclectique.
L’Afrique de l’Ouest à l’honneur
Fidèle à ses valeurs d’ouverture et d’accueil, le festival avait comme invité d’honneur au village du monde cette année l’Afrique de l’Ouest, après le Canada en 2019 et avant le Brésil en 2023. Situé près de la scène du Dôme, l’espace magnifique décoré pour l’occasion accueille plusieurs restaurants proposant des mets en provenance du monde entier. Ici on peut se poser, manger, boire un verre et profiter de la programmation axée Afrique de la scène du Dôme. Rien à envier au Forum situé plus près de l’entrée, qui battra tous les records en terme de recette cette année.

On rallume le -M- du Paléo
Première halte au Club Tent où le boys band Suisse Broken Bridge provoque les premiers pogos de la journée sous un nuage de poussière étouffant sentant à la fois la bière et la sueur. Une belle mise en bouche loufoque en guise d’ouverture, qui ne laissait planer aucun doute l’ambiance de la semaine.

Accompagné de la bassiste américaine Gai Ann Dorsey connue pour avoir accompagné David Bowie durant une vingtaine d’année, Mathieu Chedid aka –M– a fait de la scène Vega son terrain de jeu, lui qui appréhendait d’y jouer au départ, après avoir fait le show sur la grande scène en 2019.

Tout comme lui, Feu ! Chatterton ne sera pas très emballé de jouer sur cette même scène dans la nuit de mercredi à jeudi, craignant de faire chou blanc juste après le concert de la tête d’affiche de la soirée sur la grande scène, l’Englishman Sting. Mais les cinq musiciens du groupe amené par Arthur Teboul, ont eu du mal quitter la scène Vega face à la ferveur du public resté massé devant leur show jusqu’à 2h du matin, et qui n’avait qu’un seul souhait, prolonger cette soirée électrique vers « Un monde nouveau ». Peut-être lors de leur 4e venue ?

kiss You Nyon
Le légendaire groupe américain Kiss était la tête d’affiche de la première soirée qui affichait complète. Et quelle affiche ! Une première pour les rockers new-yorkais au Paléo depuis leur début dans les années 70, même si la formation a déjà joué une dizaine de fois en Suisse. Le groupe qui effectue actuellement sa tournée d’adieu (promis cette fois c’est la dernière), a débarqué à Nyon avec pas moins de 12 semi remorques transportant le décor du show monumental et pyrotechnique qu’il a livré sur la plaine de l’Asse.

Après une tombée de rideau tout feu tout flamme sur « Detroit Rock City », la bande composée de Paul Stanley (guitariste et chanteur), Gene Simmons (bassiste et chanteur), Eric Singer (batteur) et Tommy Thaver (guitariste), nous replonge dans les souvenirs de leur début avec « Deuce », extrait de leur premier opus Kiss sorti en 1974. Durant deux heures, le show sera mené de main de maître par le duo fondateur formé du talentueux guitariste Paul Stanley et l’excentrique à la longue langue Gene Simmons. Vient enfin le tube « I was made for lovin’ you » que le public reprend en chœur avant le final arrosé de ballons et confettis sur « Rock and roll all nite », et l’adieu des quatre membres maquillés. « kiss You Nyon ! »
Les femmes tiennent l’affiche
Après la grand-messe du rock donnée par les américains de Kiss en ouverture du festival mardi, place aux femmes à l’affiche avec notamment la présence de la révélation de la scène électro pop française Suzane qui a mis tout le monde k.o en début de soirée le mercredi sur la scène Vega, en passant par la Queen Omega le jeudi ou encore la reine du disco Juliette Armanet, qui a livré un show étincelant de paillettes le vendredi.

Angèle quant à elle était de nouveau sur la grande scène où elle avait déjà brillé en 2019, un an après son premier passage au club Tent en 2018 comme elle l’a fait remarquer durant sa prestation. L’artiste pop belge était étincelante dans sa tenue vert pomme, qu’elle troquera pour une petite robe noire en fin de soirée, après avoir promis au public qu’il allait avoir « encore plus chaud » ce soir. Convoquant à la fois les titres de son premier album Brol comme « Tout oublier » en duo avec son frère qui joue juste après sur une autre scène, mais ne la rejoindra malheureusement pas pour partager ce moment. Pour le reste, Angèle fait du Angèle, enchaînant chorégraphies réglées dans les moindres détails à l’image d’un show de pompom girls à la mi-temps d’une rencontre de basket. « Fever » en duo virtuel avec Dua Lipa et le final sur « Bruxelles, je t’aime », ne transformera pas la donne. Angèle a changé et son public moins.

Un nuage de poussière devant la Grande scène
A défaut de pluies diluviennes cette édition, on a eu droit à plusieurs tempêtes de poussières à différentes occasions devant la grande scène. Le combo stéphanois Dub Inc y est pour quelque chose puisque le public n’a pu résister à l’envie de taper du pied durant leur show explosif jeudi dernier en début de soirée sur la grande scène. Une heure et quinze minutes plus tard, c’est Francis Cabrel, l’un des tauliers de la chanson française, qui s’appuiera sur une chorale de 35.000 âmes, pour déclamer les plus beaux poèmes d’amour de son riche répertoire.
Il est tout à fait normal que la plaine de l’Asse tremble lorsque Dj Snake débarque au Paléo pour un set autant visuel que sonore qui a bluffé plus d’un. Le dj français le plus streamé au monde en a mis plein la vue et les oreilles au public durant plus d’une heure en alternant ses tubes planétaires et nouveaux succès, avant de clôturer son show sur un remix de « One more time » des Daft Punk qui a électrisé la foule, transformant la plaine en plus grand dancefloor à ciel ouvert de suisse ce soir là.

Entre rap et slam
Précédé sur scène par Thibault derrière ses platines, le rappeur Michel mettra le public du Club Tent en « PLS » avec les titres de son répertoire. Contrairement à leur habitude lors de leurs shows en France, le duo PNL formé par les deux frères N.O.S et Ademo, était ponctuel comme une horloge suisse le jeudi soir. Chose très rare pour le tandem de rappeur français qui nous avait habitué à des retards interminables et des concerts au rabais. Le rappeur SCH quant à lui profitera de son concert sur la scène Vega le vendredi en fin de soirée pour célébrer le disque d’or qu’il a reçu pour le titre « Fade up » en featuring avec Zeg P et Hamza.

Programmé sur la grande scène le samedi en fin d’après-midi, Gaël faye a conquis l’auditoire grâce à la force de la poésie sincère de ses mots entre rap, slam, chant et rumba congolaise. Son « histoire d’amour » fera chavirer le cœur du public jusqu’à faire « Chalouper » un agent de sécurité qui ne résistera pas à l’envie d’esquisser quelques pas de danse avec lui . Un style urbain que cet amoureux de beaux textes partage avec son confrère et aîné dans le même style Grand Corps Malade, programmé sur la scène Vega la veille.

Quelle époque !
« Paléo aide-moi… marche avec moi… » lance le rappeur normand OrelSan à l’adresse du Public Nyonnais pour qui il adapte le titre phare de son 4e album Civilisation. Si lors de son dernier passage ici même en 2018 le rappeur déclarait « la fête est finie », il semble avoir grandi en maturité. L’électricité des premières années dans la petite salle de La Boule Noire à paris, a laissé place à plus de profondeur dans ses textes. Dans cette nuit de samedi à dimanche, c’est du propre qu’il propose au public en guise de « dernier verre », accompagné de toute sa troupe, Manu, Eddy, Ablaye, Phazz et Skread. Une odeur semblable à celle de l’essence parcours la plaine de l’Asse à la fin de ce concert qui fut tout sauf simple et basique.

Stromae fait sa fête au Paléo
« Je n’oublierais jamais l’ouverture des portes du festival mardi après-midi … Cela restera l’un des plus grands moments dans l’histoire de paléo » déclarait la larme à l’œil en conférence de presse dimanche dernier le directeur du festival Daniel Rossellat. Avant d’abonder quelques minutes plus tard « si on me propose une météo pareille pour les 20 prochaines éditions, je signe tout de suite… » c’est dire si cette édition fut une réussite sur tous les points.

Le concert événement de cette dernière soirée aura lieu juste après le feu d’artifice et sera assuré de mains de maître par le maestro belge Stromae. Un retour triomphal après son dernier passage en 2014 qu’aucun festivalier présent sur la plaine de l’Asse ce dimanche soir là ne voulait louper. Plus d’une heure avant le début de ce concert exceptionnel, la place était déjà noire de monde, impossible de circuler entre les allées. Pour son unique date en Suisse avec son « Multitude Tour », l’artiste peut se targuer d’avoir suscité à la fois envie et curiosité. On aura rarement vu autant de monde, toute génération confondue, communier d’une même et seule voix devant la grande scène.
Toujours invaincu
Le show fut impressionnant autant sonore que visuel dès l’apparition du belge sur scène devant son micro à pied, dans une position d’« Invaincu » qui tétanise le public. Un public qui l’accompagnera sur « Tous les mêmes » provoquant la première envolée de la soirée, avant d’être tout ouïe durant la reprise de « quand c’est ? », extrait de son précédent album Racine carré, accompagné d’un très beau tableau sombre représenté en fond de scène par quatorze écrans. Avant d’enchaîner sur ses anciens tubes « Papaoutai », « Formidable », « Ta fête » que la marrée humaine reprend en chœur. Ses nouveaux succès ne sont en reste, comme « l’enfer » dont l’intensité de l’interprétation provoque un mini malaise à un spectateur ou encore « santé » qu’il dédie à tous les bénévoles.

Et avec Stromae quand n’y en a plus, il y en a forcément encore… en guise de rappel il embarque le public dans tourbillon de poussière en le faisant transpirer sur « Alors on danse », avant de demander un silence religieux afin d’interpréter a cappella « Mon amour », entouré de ses quatre musiciens. « la Suisse, Nyon, merci ! » seront ses derniers mots avant de disparaître sous un tonnerre d’applaudissements. Stromae, Toujours invaincu !
Et c’est avec beaucoup d’émotion que se termine cette 45e édition après une semaine de fête où le festival a de nouveau affiché complet. Un merci tout particulier aux 5.200 bénévoles sans qui rien ne serait possible, et rendez-vous du 17 au 23 juillet 2023 pour la 46e édition.