44e édition des Trans Musicales : le festival renoue avec ses visages

C’est le festival de toutes les découvertes musicales et de toutes les émotions. La 44e édition des Rencontres Trans Musicales de Rennes s’est achevée dimanche dernier en battant un nouveau record de fréquentation. Retour sur quatre jours de fête et de découvertes animées par les 82 artistes/groupes à l’affiche

Depuis 44 ans, les Transmusicales enflamment la ville de Rennes avec sa programmation éclectique qui séduit les amoureux de découvertes musicales. A la différence des autres festivals, le public de ce dernier est curieux et ouvert à la découverte. Ils étaient d’ailleurs quelques 60.000 festivaliers à avoir répondu présents durant cette 44e édition qui s’est déroulée sur cinq jours dans onze lieux différents.

Bravant le froid et un quart de final décisif du mondial, les festivaliers sont allés à la rencontre des 82 groupes d’horizons et de sensibilités variés, et à qui le festival sans véritable grosses têtes d’affiche, offre une véritable vitrine pour la suite de leur carrière.

Entre découvertes et confirmations

On démarre cette 44e édition le jeudi 8 décembre au Liberté, où se tient une partie des 39 concerts gratuits prévus à l’affiche. Nous allons à la découverte des rennais de l’étape Beau Bandit, qui nous avait séduit à la rentrée en parlant d’écologie sous un ton léger et ironique dans leur premier single « The big kaboom ». Emmené par son chanteur emblématique Pierre Vital Gérard, le combo pop rock joue à domicile dans une salle comble qui boit les paroles de leur dernière sortie « Porcelain girl » ou encore le lancinant « All you people » qui nous raccompagne à regret jusqu’à la sortie.

Mais il faut se dépêcher pour rejoindre l’Ubu au Théâtre National de Bretagne (TNB), à 5 minutes à pieds du Liberté, où le quintet toulousain Ceylon est programmé pour ce qui représente son dernier concert de l’année. La configuration particulière de la salle et son étroitesse oblige beaucoup de monde à suivre le concert sur les écrans installés dans les allées. Sur scène, Louise et les garçons nous servent une transe psychédélique grâce aux titres (longs) en français et anglais de leur répertoire à l’image de « Hamlet Hollywood » ou encore « Le 5 » qui a plongé Louise dans une transe incontrôlable. C’est beau, envoûtant, ponctué d’envolées poétiques qui comblent un public qui en ressort conquis et désireux d’en savoir plus sur ce groupe qui leur en a mis plein les yeux.

A première vue, le sujet de sa majesté Lewis Evans, ex leader des Lanskies avec qui il s’est produit ici il y a douze ans, ne paye pas de mine, mais quel showman sur scène ! Jamais il ne se départi de son sourire contagieux qui fait son petit effet sur le public qu’il entraîne dans une ambiance un peu loufoque. Un vrai moment de partage convivial rythmé par des titres comme « Time To Let go » extrait de son dernier projet l’Ascension. Et que dire du solo envoûtant offert par la violoniste Émilie Corre qui accompagnait le normand d’adoption sur scène et à qui nous tirons notre chapeau, more woman on stage please….

Samedi en début d’après-midi, on retrouvait la pépite rennaise Jeanne bonjour, qui nous a fait autant pleurer que danser avec les « Regrets » de son nouveau single sorti le 14 octobre dernier. Amatrice d’une pop au rythme entêtant comme le prouve sa déclaration d’amour à sa plage favorite « Cancale », la jeune comédienne nous gratifiera de sa reprise pleine de fraîcheur de la chanson « Le temps de l’amour » de Françoise Hardy.

Le Parc Expo renoue avec ses visages

Au parc expo ce jeudi soir, on retrouve l’ambiance du festival où les concerts s’enchaînent les uns après les autres dans chacun des trois halls et la Greenroom prévus. Le festival renoue avec le public et ça fait du bien de voir tous ces visages sans masques. C’est l’effervescence dans les allées qui verra défiler plus de 32.000 personnes sur les trois soirées.

La première claque nous est offert dans le hall 3 par le collectif de post-punk Astéréotypie formé par de jeunes autistes. Le groupe qui avait déjà fait sensation au Mama Festival Le 14 octobre dernier, poursuit son périple en territoire breton, armé de son 3e album Aucun homme ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme. Mais ce soir, aucun groupe ne ressemblera à Astéréotypie qui, a vélo ou à kayak, a secoué le public avec l’ambiance libératrice de sa prestation, prouvant une nouvelle fois que la troupe sait transcender son vécu pour un moment de joie.

Le lendemain dans ce même hall 3, on fait la découverte du quintet anglais Porchlight. Originaires de Brighton, les cinq musiciens du groupe s’affrontent nerveusement sur scène à l’aide de leurs guitares dans un chaos électrique. Leur folie contagieuse aura eu raison du public qui succombe à leur dance music.

Un peu plus tard, on s’est laissés séduire, comme le reste de la salle, par l’hommage à la psyché turque des années 70 rendu par le groupe israélien Sattelites. Entre reprises et chansons originales, ce collectif de rock oriental emmené par une chanteuse et qui puise son inspiration dans la vague turque de cette époque là, n’est pas sans nous rappeler leur confrère d’Altin Gün programmé ici même en 2017. Entre reprises et titres originaux comme l’accrocheur et groovy « Big baglama », le public à apprécié le voyage.

On avait loupé le quartet réunionnais Mouvman Alé au Mama festival en octobre dernier, mais on les retrouve ce soir, animée par une vibration collective qui fait plaisir. La bande à Franswa, qui mélange les genres et les influences, nous transportera dans un quotidien réunionnais qui va bien au-delà de la musique, avec une prestation au carrefour des styles musicaux.

Premières françaises et européennes

Fidèle à sa mission de « montrer des groupes que personne n’a jamais vu » de l’aveu même de son boss Jean-Louis Brossard, les Trans Musicales ont permis à plusieurs artistes et groupes de présenter leurs projets pour la première fois sur une scène européenne.

S’érigeant en justiciers des classes populaires britanniques, le groupe de rock anglais Kid Kapichi va chanter sa haine d’une caste dirigeante qu’il méprise. Faisant rugir leurs guitares sur scène, le groupe pour qui la musique est politique, nous sert une tuerie agrémentée de « Fuck Brexit ». De passage pour la première fois en France, le duo estonien Puuluup qui se sert d’un talharpa sur scène, est venu présenter au public français son projet folk singulier. Assez atypique, fun et drôle, ce tandem de virtuose un peu déconcertant sur les bords formé par Ramo Teder et Marko Veisson, a de quoi intriguer…

En provenance de La Nouvelle-Orléans dans le sud-est des États-Unis pour une mini tournée en France, le collectif américain 79rs Gang va endiabler le parc expo avec son ambiance afro-caribéen. Après leur prestation au Musée du Quai Branly à paris la semaine dernière dans le cadre de l’exposition « Black Indians de La Nouvelle-Orléans », le gang fait un stop ce samedi aux Trans Musicales. C’est parés de leurs plus belles tenues que les membres du collectif vont convier le public d’ici ou d’ailleurs à rentrer dans leur danse folklorique.

Comme l’indique le nom de leur groupe, les Nana Benz viennent du Togo et contrairement à l’origine de leur nom, elles ne sont pas des femmes d’affaires ayant fait fortune dans le textile. Leur fortune à elles, c’est leur musique aux ambiances rock et engagée, à travers laquelle elle s’élèvent contre la société patriarcale africaine. A défaut de grosses berlines allemandes, c’est à l’aide des instruments recyclés qu’elles vont animer ce premier concert en France et en Europe, le tout dans une ambiance girl power.

C’est totalement par hasard que nous sommes attirés par l’énergie folle qui provient du hall 3 dans la nuit de samedi à dimanche. Sur scène, quatre garçons sont en trans devant un public tellement déchaîné qui met les agents de sécurité sur les dents. Eux c’est le jeune groupe de rock anglais SONS qui a décidé de mettre toutes les chances de son côté pour cette première date en France.

Freed from Greenroom

Si le hall 9 s’est transformé en véritable dancefloor géant le samedi soir avec des performances comme celle du producteur Birrd ou de la techno qui tabasse de Vanille. De l’autre côté du Greenroom, des choses sérieuses s’y passaient déjà depuis quelques soirs.

Vendredi, le public a par exemple eu la vision troublée par le set des sœurs jumelles parisiennes Aurore et Salomé qui forme le tandem Double Trouble. Ou encore le collectif Nze Nze né de l’union du duo rennais UVB 76 et du producteur parisien Sacred Lodge, sans oublier La lyonnaise Saku Sahara qui nous bien secoué durant 120 minutes dans la nuit de samedi à dimanche.

Le béton coule Place des Fêtes

Une dernière halte à la Place des Fêtes, devant le hall 3 où le jeune groupe breton Dalle béton a installé son chantier en plein air dans le froid hivernal du parc expo pour des happenings où le béton coule à flot. La bande à Theo Muller n’a décidément pas peur de la température qui frôle les moins deux degrés cette nuit là, tout comme le public qui l’encourage fortement. Une performance électronique à base de batterie, guitare et basse, qui ponctuera les trois soirées au parc expo, en se prolongeant jusqu’à 7h du matin le vendredi et le samedi.

Notre 44e édition des Trans s’est achevée dimanche soir par un stop au théâtre de l’Aire Lire où la résidence de Zaho de Sagazan, accompagnée du duo estonien Rutt, a fait le plein durant cinq jours. D’une sincérité à toute épreuve et sans se prendre au sérieux, la jeune artiste dotée d’une voix puissante, se raconte à travers les paroles de ses chansons comme « La symphonie des éclairs ». Alternant entre des instants piano voix qui filent le frisson et ambiance plus festive où le public est invité à donner du sien. Rendez-vous est d’ores et déjà pris du 6 au 10 décembre 2023 pour les 45es Rencontres Trans Musicales de Rennes !