Ma dernière rencontre avec le groupe de rock psyché Ceylon, remonte au mois d’avril dernier à l’International à Paris, où le groupe était en concert, à l’occasion de la Release Party de leur nouvel EP. Une soirée au cours de laquelle, j’ai pu découvrir l’univers du groupe fait de transe et de musique perchée.
Aujourd’hui j’ai décidé d’aller à la rencontre du duo de tête Louise et Tristan. Les cofondateurs du groupe m’ouvrent les portes de leur univers où tout n’est pas toujours rose. Dans les loges de l’Albatros à Montreuil où avait lieu le Fauché Fest (qui ressemble un collectif d’artistes dont ils font partie), les deux acolytes s’épancheront longtemps sur ce qui les anime, les moments de doute, leur prochain album, la précarité des jeunes artistes. Bref un long entretien à l’image de leur clip anti-cinématique sorti en février dernier.
Ma première question est toute simple, qui est Ceylon ?
Tristan : Ceylon c’est le nom du groupe, Louise et moi on s’est rencontré sur Avignon on a joué de la musique pendant un mois sans se parler. Elle est retournée sur Toulouse en me demandant de la suivre si l’envie me prenait. J’y suis allé, on a monté un groupe, on a rencontré Lucas et, de fil en aiguille, plusieurs musiciens qui ne font plus partie de la formation actuelle: ça fait presque deux ans qu’on joue dans la forme actuelle.
Louise : Moi j’allais à Avignon pour le théâtre et Tristan était musicien là-bas, ça fait vraiment cinq ans qu’on compose tous les deux, on a beaucoup joué en duo, ça s’est vraiment ouvert depuis trois ans. Ça a beaucoup tourné dans les musiciens et là je pense qu’on a vraiment trouvé la formule définitive. On s’entend tous très bien.
À l’image des Shaka Ponk, Louise tu es la seule fille du groupe, on t’a déjà fait la remarque ?
Louise : jamais, c’est marrant.
Justement tu es la seule fille comme Samaha, comment est-ce que tu le vis ?
Je le vis bien parce que j’aime les quatre personnes qui sont avec moi. C’est vrai que des fois c’est un peu particulier, dans l’ensemble plus général. Parfois je me sens très à l’aise avec tout le monde, parfois plus seule, mais sur scène je ne vois pas la différence. C’est plus en résidence où en travail que c’est sûr que ça me manque un peu ce rapport féminin.
Le 10 février dernier, vous avez sorti le clip anti cinématique, pourquoi il n’est pas sur le EP ?
Louise : Il ne sera pas non plus sur l’album qui sort. Parce que c’est vraiment le teaser d’un futur album, c’est 15 minutes qui se transformeront en 50 minutes.
Il ne sera pas sur l’album ?
Non. il sera sur un prochain, c’est un album à part entière. « Keep Smiling » c’est un album et là on a fait le teaser d’un autre album. L’anti clip c’est vraiment un teaser d’album, pour à mon avis dans un an. On est en train de le construire.
Tristan : C’est un morceau avec plusieurs parties qu’on a souvent tendance à développer. On s’est dit que ça allait trop bien et qu’on pourra le développer plus longtemps. Chaque partie deviendra un morceau.
Je vais vous citer les titres de votre opus et vous allez me raconter l’histoire derrière
Ceybon ?
Louise : C’est vraiment partie d’une impro ou on avait juste envie de danser et à ce moment-là on dansait beaucoup. J’avais juste envie de dire « c’est bon d’aller danser » et il y a Tristan qui arrive avec son rapport à la danse en anglais. Ç’est fait vraiment ainsi, chacun avait envie de donner plus ou moins son point de vue par rapport à la danse.
Hamlet Hollywood ?
Louise : J’adore le personnage d’Hamlet, j’avais envie de rentrer dans son personnage au féminin. Je me suis imaginée être Hamlet avec ce rapport un peu mélancolique, d’aller à l’école, apprendre à chanter tout le temps, essayant un peu de raconter l’histoire de ce personnage.
We Cry ?
Tristan : A la base c’est même en trois parties, avec Marrée Morte, qu’on a décidé de mettre à part. C’est une marche constante avec son tourbillon de questions qui s’enchaînent. Après il y a ce passage un peu instrumental qui fait penser au classique.
Outro We Cry ?
Louise : C’est super important la partie instrumentale, il y a Luc Blanchot qui est un pote de Toulouse, violoncelliste qui a également travaillé avec Big Flo et Oli, avec qui on travaille sur de petites choses. Ce passage instrumental est hyper important, on avait envie de ce violoncelle, on aurait bien aimé un orchestre, mais bon!
Comment définissiez-vous la transe ?
Louise : je le définis comme une répétition spontanée du mouvement, mais un mouvement qui peut se développer, qui n’est pas directement pareil. Pour moi c’est de la transe du désert, comme il y a dans le blues aussi.
Vos influences musicales ?
Louise : Elles sont très très variées, moi j’aime énormément la musique classique, la musique baroque, j’aime beaucoup le reggae, le rock. Je crois qu’on aime tous les styles de musique, ça passe par les plus connues comme Beyoncé à Bob Marley.
Tristan : j’ai l’habitude de dire que nous sommes une génération YouTube, on peut se faire une culture musicale sans se bouger. La culture musicale qu’on aime, on ne l’a pas encore retranscrite, il demanderait beaucoup plus de temps.
Louise : On nous dit souvent qu’on est influencé par les Borj, moi c’est une culture que je ne connais pas particulièrement, je pense que si on fait ce rapprochement c’est que dans les années 70 il y a eu aussi un mélange culturel sur scène. Dans le rap par exemple, ce qui fait que Ceylon pourrait se rapprocher des Borj, parce qu’il y a toute cette masse qui est venue dans la musique en même temps et qui a donné le rock 70s. Je pense que c’est ça qui fait que les gens font énormément de rapprochement alors que ça ne fait pas particulièrement partie de notre culture première, en tout cas pour moi.
D’où te vient cette voix Acidulée Louise ?
Louise : j’ai suivi un parcours très classique, toute la famille c’est l’usine classique ou jazz, théâtre aussi. J’ai eu un enseignement piano/voix classique de chœur qui s’est transformé au fil des années avec ce que j’aimais. J’essaie d’avoir plusieurs voix parce que j’aime énormément de choses différences.

Est-ce que vous ressentez la précarité que vivent les jeunes artistes qui se lancent dans la musique ?
Louise : Il faut faire tout aussi, je pense qu’on a la chance d’être tourné vers le théâtre, le cinéma. Moi par exemple, j’ai travaillé en tant que assistance culturelle dans les écoles pendant un an pour faire chanter les enfants. Ça ouvre aussi vachement de choses et c’est quand même de la musique. Mais là, c’est de l’enseignement aux tout petits et pourtant je suis la même. Je chante ainsi avec les enfants. Oui c’est dur, c’est vrai que c’est très dur et pourtant en France on a vraiment la chance parce que l’intermittence c’est pas donné à tous les pays.
Tristan : l’exemple des salles qui ferment, c’est ça qui est dur aussi. Vu que les cds font moins recette, le live est l’un des meilleurs trucs pour vivre. Étant donné qu’il y a de plus en plus de lieux qui ferment, il y a moins de possibilités de jouer, alors que c’est là qu’on en a besoin.
Louise : c’est fou, c’est partout que les lieux ferment, à Toulouse c’est pareil, il reste à mon avis 3 ou 4 bars, tous ceux où on pouvait jouer avant ferment. On s’est fait arrêter plusieurs fois par la police, les bars ont eu des amendes parce qu’on dépassait de je ne sais pas combien de décibels le niveau, les voisins se plaignaient et la mairie n’était pas contente.

Qui a choisi le nom de groupe Ceylon ?
Louise : (longue réflexion) la vraie histoire de Ceylon vient d’un chat sauvage. On habitait dans un appartement à Toulouse au 1er étage et sur le toit il y’avait un chat qui est venu pendant un an, qu’on a nourri mais qu’on n’a jamais pu toucher.
Tristan : il avait une tête de mandarin.
Louise : on s’est dit c’est Ceylon à cette période, on commençait vraiment le groupe, les morceaux étaient longs. On s’est dit on ne va pas chercher midi à quatorze heure, ça sera Ceylon.
Comment se prépare le premier album ?
Louise : il est terminé et il va sortir en novembre. On vient de terminer de le mixer, on a passé un mois et demi dessus, c’est bon, il manque un morceau à faire, il passe au Mastering et il sort en novembre.
A quoi faut-il s’attendre ?
Tristan : est-ce qu’il faut s’attendre à un truc ? (rire)
Louise : je crois qu’il a évolué comme nous, on garde quand même cette idée d’ouverture musicale, on passe aussi de l’oriental, il y a une part de classique. Le premier titre est un tracé pop.

D’où vous vient justement cet amour pour les longs titres ?
Tristan : déjà dans la musique qu’on écoute les titres sont longs, même le côté classique, souvent les pièces c’est de l’opéra ou des symphonies. Dans les musiques que j’écoute perso, il y a cette culture du développé, j’ai l’impression que ça permettra, sans poser une idée, de parler à tout le monde. On aime bien jouer longtemps, il y a plein de groupes qui n’aiment pas. Nous c’est le contraire, c’est quand on n’a qu’une heure que c’est compliqué.
Louise : la radio par exemple c’est compliqué de passer un long titre de vingt minutes c’est quasiment impossible ou alors à deux heures du matin sur Fip. On a aussi des morceaux de cinq minutes, ça je m’en fiche, j’ai vraiment envie de donner ce qui vient de nous.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?
Louise : beaucoup de lives, c’est quelque chose de très important. Je pense que c’est une école et qu’on grandi avec. Plus on joue, plus on se sent construit, si on pouvait en sortir quatre par an ça serait génial (rire).
Tristan : avoir le luxe de pouvoir faire les choses suivant le temps qui est en lien avec nous.
Que conseillerez-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans la musique ?
Louise : je pense que je lui dirai vas-y, surtout s’il sent qu’il a quelque chose à dire. C’est difficile, mais quand on veut vraiment quelque chose, on finit par y arriver.
Tristan : je leur dirai de se lancer et de trouver des gens parallèles c’est important. Parce que même dans les meilleurs groupes qu’on connaît, ce n’est pas toujours la technique qui passe devant, même si c’est bon d’en avoir un peu. Je pense que ce qui fait l’osmose, ce sont les gens qui commencent au même niveau, même s’ils n’ont pas forcément un bon niveau technique, l’essence est là. Croire en soit et trouver des gens dans le même parallélisme.
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