Avec Animal[s], le festival Art Rock invite le public dans sa ménagerie. Au cœur du Musée de Saint-Brieuc, une faune d’artistes féroces et de curieux visiteurs forment un nouvel écosystème : il y est question de créations zoomorphes et de la place de la bestialité dans le processus créatif. Comme une célébration de toutes les créatures dans leur pluralité, Animal[s] mélange les espèces futuristes à celles en voie de disparition, les animaux volants aux rampants, les nuées de bestioles désorganisées aux colonies rythmées. Ici, pas de cage, de dompteur ou de ticket d’entrée, la ménagerie Art Rock est ouverte à tous, dans le respect de chacun.
Rhizome
Boris Labbé / France
De l’infiniment petit à l’infiniment grand, tous les éléments composant l’univers sont étroitement connectés les uns aux autres, en interagissant, en se recomposant, dans une combinaison de mouvements en perpétuel renouvellement. Dans le court-métrage d’animation RHIZOME, un système organique s’auto-génère, passant de l’unité au multiple par reproduction, connexion, rassemblement, séparation ou conflit entre les éléments. Les composants s’y détruisent pour mieux se renouveler. L’organique, le végétal et le minéral s’hybrident et se métamorphosent, créant toute une société faite de plantes inconnues, d’animaux étranges et d’architectures archétypales. Une sensation d’harmonie globale se manifeste dans la cohabitation de ces éléments mystérieux, rappelant les peintures de Jérôme Bosch.
Dessinateur de formation, Boris Labbé développe depuis ces dix dernières années une démarche expérimentale en vidéo d’animation. RHIZOME est ainsi créé à partir de 2300 dessins de l’artiste réalisés à l’encre de chine et à l’aquarelle.
LOOPERS

Sur une table, douze vers s’évertuent à faire des allers-retours entre chaque extrémité de celle-ci. Chaque ver avance centimètre par centimètre en courbant et dépliant son corps sans discontinuer. Sous la table, l’artiste a installé une matrice d’aimants, créant un champ électromagnétique qui attire et répulse les corps métalliques de cette nouvelle espèce. La position et les mouvements de ces créatures sont ainsi régies par ce champ magnétique opéré par ordinateur. Mais les vers ne sont pas totalement esclaves de cette organisation, leur environnement influençant également leurs comportements, tels des organismes vivants dans un écosystème donné. Cette colonie crée une symphonie incontrôlée, composée de différents sons, rythmes et bruits générés par le contact entre ces insectes métalliques et leur support.
Artiste numérique, Yasuaki Kakehi est aussi chercheur dans le champ des interactions homme-machine à l’Université de Keio. En 2012, en collaboration avec Michinari Kono, il publie dans une revue scientifique l’article « Expressions et interactions ressemblant à celles de créatures générées par le mouvement et la déformation d’un groupe d’aimants en forme de sphère. » avec pour exemple sa pièce Loopers.
PLASTIC ANIMAL

Carcasse de voiture, pneu éventré, tuyaux en plastique, ventilateur usé… l’artiste portugais Bordalo II (prononcer Bordalo Segundo) dénonce la pollution en transformant les ordures en œuvre d’art. Telles des créatures d’un bien triste futur, ses Plastic Animals sont aussi impressionnants qu’engagés : « ils dénoncent ce qui les tue : la pollution, les déchets en plastique. Au-delà de l’esthétique, je souhaite vraiment attirer l’attention du public sur les problèmes écologiques ». Entre deux voyages à la découverte de nouvelles espèces, l’artiste, fervent défenseur de la nature, crée des œuvres monumentales à partir de matériaux récupérés, qu’il agence ensuite dans son atelier à Lisbonne. Une façon de recycler, mais aussi de célébrer les espèces animales en voie de disparition en détournant les déchets qui les menacent.
Après des études à la Faculté des Beaux-Arts de Lisbonne où il étudie la sculpture, Arthur Bordalo développe rapidement son travail comme une critique de notre société matérialiste.
PEOPLE ON THE FLY

Face à un écran blanc, le visiteur observe son reflet virtuel, il pose. Soudain, une nuée de mouches envahit l’écran et transforme l’humain en un essaim de milliers d’insectes en quelques secondes. Surpris, interloqué ou parfois dégoûté, il se déplace pour les éviter. La nuée le suit, il ne peut y échapper. Sauf si, patient, il s’arrête, immobile. Dans ce cas, les mouches fuient hors champs. Clin d’oeil à la Musca Depicta, la mouche en trompe-l’œil dans la peinture flamande et italienne des XVe et XVIe siècle, le duo intègre ces insectes à l’aspect repoussant dans leur oeuvre interactive. Questionnant la culture du selfie tout en traitant la question de l’éphémère dans l’Art, People on the Fly est une critique de notre amour propre et de cette constante volonté de se représenter sous son meilleur jour dans la société.
Artistes et chercheurs reconnus au niveau international, Laurent Mignonneau &Christa Sommerer sont des pionniers de l’art interactif. Leurs installations font appel à la science et à ses prouesses, comme l’intelligence artificielle, pour générer des systèmes complexes présentés sous forme d’interfaces qui réagissent aux actions du public. Art Rock avait présenté leur oeuvre Eau de Jardin en 2005 au Musée de Saint-Brieuc.
READY TO CRAWL

Nées grâce à l’aide d’une imprimante 3D, les bestioles READY TO CRAWL rampent, grouillent, et envahissent le Musée de Saint-Brieuc. En imprimant la créature en une seule pièce (excepté le moteur), les robots prennent vie tels de nouvelles espèces. Ready to Crawl, pour « prêt à ramper », tel un clin d’œil à cette faculté qu’ont ces créatures à se mouvoir dès leur naissance. Créés en 2015 par Hiroshi Sugihara, alors étudiant à l’université de Tokyo, ces automates ont la « carapace » flexible et peuvent effectuer différents mouvements selon les manipulations des visiteurs. Ces œuvres, au-delà de questionner la création d’un nouvel écosystème, montrent les possibilités qu’offrent l’imprimante 3D dans la recherche sur le design motion et les mécanismes de transmission. Les READY TO CRAWL de Hiroshi Sugihara et Shunji Yamanaka ont déjà envahi les villes de Londres, Sao Paulo, Los Angeles, mais c’est la première fois qu’elles sont présentées en France… et c’est à Saint-Brieuc !
Hiroshi Sugihara est doctorant à l’Université de Tokyo. Il a rejoint le Yamanaka Laboratory – spécialisé dans les nouvelles technologies – en 2015, au sein duquel il a commencé à développer son projet de robots imprimés en 3D.
πTON/ 2

À l’étage du musée, pas un bruit, pas un crissement : la bête est endormie. Lorsque πTon / 2 se réveille, ce reptile 3.0 à la longue mue commence à se mouvoir dans l’espace, tournant sur lui-même, rampant jusqu’à ce que la pièce lui appartienne. La bête murmure, crisse, émet des sons énigmatiques et inquiétants. La créature rampante est une installation sonore et cinétique qui résulte d’une expérience sur la déformation d’une forme élastique et son incidence sur l’évolution d’une œuvre instrumentale. L’anneau flexible fermé sur lui-même est mis en mouvement par des efforts de torsion créés par des moteurs répartis à l’intérieur de son corps. Les sonorités sont basées sur un son grave de clarinette basse, évoluant au gré des mouvements. L’animal à sang froid est autonome, l’algorithme qui régit ses mouvements est dorénavant totalement indépendant. Prenez garde ! Qui sait si elle n’apprendrait pas à mordre ?
Sous le nom de Cod.Act se cache un duo d’artistes suisses : le premier étant musicien, compositeur et plasticien du son et le second architecte et plasticien.
Photos : Gwendal Le Flem
Plus d’infos
HORAIRES
Hors festival : MAR. > SAM. : 10H > 18H / DIM. : 14H > 18H
Pendant le festival : 10H > 23H
VISITES GUIDÉES EN LANGUE DES SIGNES FRANÇAISE
Samedi 8 juin de 14h à 15h et samedi 15 juin de 11h à 12h.
En collaboration avec Surditude 22.
VISITES GUIDÉES DESCRIPTIVES ET TACTILES À DESTINATION DES PERSONNES MALVOYANTES ET AVEUGLES
Dimanche 9 juin à 16h et dimanche 16 juin à 16h.
En collaboration avec l’association Voir Ensemble.