Raphael et Théo qui forment le duo de frères Terrenoire, ont accepté de répondre à nos questions autour de leur premier album Les Forces Contraires dévoilé le 28 août dernier.
C’est toujours le même schéma. En embarquant à bord du tgv pour regagner la capitale après le 15 août, je me suis demandé ce que j’allais écouter durant les 4h30 de trajet. Au même moment, je recevais un mail de l’attachée de presse du duo Terrenoire, rappelant la sortie de leur premier album Les Forces Contraires.

J’ai cliqué sur le lien permettant d’écouter l’album avant sa sortie et je me suis laissé bercer. Le visage collé à la fenêtre du train qui filait à plus de 260km/h, j’observais le couché du soleil à l’horizon pendant que dans mes oreilles résonnait le premier single « Baise-moi », extrait de leur premier album Les Forces Contraires dévoilé le 28 août dernier. Un premier titre très court qui parle de désir et d’amour, dévoilé en plein confinement et accompagné d’une lyrics vidéo en animation signée Vincent Ehrhart Devay. Une entrée en matière tonitruante avec un titre osé, qui a fait son petit effet.
Prix du Jury des Inrocks en 2018 et Inouïs du Printemps de Bourges la même année, le duo stéphanois voit son audience s’envoler à ces tremplins. Ce qui lui permettra de faire plusieurs scènes et se retrouver en première partie des concerts de Clara Luciani, Eddy de Pretto ou encore Voyou.
Après un premier EP sorti en 2018, le diptyque (De l’ombre à la lumière et Lâchons prise) de l’été dernier accompagné chacun d’un clip, le tandem nous offre un long format de dix pistes. Un premier opus hyper sensible dont les deux frères Raphaël et Théo Herrerias, se sont fait un plaisir de nous révéler les détails au cours d’une interview en fin d’été.
Vous êtes originaires du quartier Terrenoire à saint Étienne à qui vous rendez hommage à travers votre nom de scène. Une façon pour vous de rappeler d’où vous venez même si aujourd’hui vous vivez sur Paris ?
Théo : Oui en effet, on a utilisé ce nom de notre quartier d’origine, Terrenoire, parce qu’il symbolise notre fraternité. On a grandi ensemble dans ce quartier, on a joué ensemble dans ce quartier, on a bâti tout notre imaginaire commun, à l’intérieur de ce quartier. Et c’est aussi l’endroit où nos grands-parents sont venus et ont émigré, d’Espagne ou d’Italie, ou de Sicile, et c’est l’endroit où ils ont trouvé du travail, donc c’est le récit de notre vie et aussi des générations antérieures, de notre passé commun. On rend ainsi hommage à nos ancêtres et au futur.
Qu’est-ce qui vous a poussé à jouer ensemble ? Une même passion ou c’est plutôt l’un qui a embarqué l’autre dans cette aventure musicale à deux ?
Raphaël : A l’intérieur d’une famille, je pense que les gens s’inspirent énormément, quand ils s’entendent bien. On a six ans de différence avec Théo, moi je jouais de la musique avec mon oncle et mon grand-frère, donc je pense que Théo a eu ses grands-frères qui lui ont donné envie de faire de la musique. Il y avait également des instruments dans la maison.
Théo : En effet, et mes frères eux-mêmes ont été inspirés par leur tonton, notre oncle, qui leur a appris à faire de la musique, de la guitare par exemple pour Raphaël ou à écrire une comédie musicale pour notre frère qui s’appelle Romain.

Quels sont vos influences musicales ? Les artistes qui vous ont donné envie de faire de la musique ?
Théo et Raphaël : Oh nos influences musicales elles sont très très très larges, cela peut être la chanson française comme Bashung ou même Nougaro, Léo Ferré, Serge Gainsbourg. En termes de pourcentage, c’est quand même un grand 70 % de musique anglophone et 30 % de musique francophone. On a écouté plus de musiques anglophones : Frank Zappa, Prince, Radiohead, Bon Iver, Sufjan Stevens, Flying Lotus, Kendrick Lamar, Franck Ocean, Sade… Du hiphop, Doc Gynéco quand même, on ne l’oublie pas.
Qui dit deux frères dans un même groupe, dit aussi deux caractères qui doivent parfois s’affronter pour trouver un équilibre ou prendre une décision. En ce qui vous concerne, ça se passe comment ?
Raphaël : On n’est pas trop dans la conflictualité avec Théo, on est plutôt de nature résiliente, on s’entend assez bien et on est plutôt confiant dans les décisions de l’autre, donc on se fait confiance et on ne passe pas notre vie à nous battre pour prendre des décisions. Ca nous fout la paix, on se fout la paix quoi !
Théo : On se fout la paix !
Les opposés s’attirent, pareil pour Les Forces Contraires ?
Théo : Oui, puisque les forces contraires sont des opposés un peu, donc oui.
Vous nous replongez dans nos émois les plus intimes avec le passionnant « Baise-Moi », un nom de titre osé, qui interpelle. C’était le but recherché en choisissant de l’intituler ainsi ?
Raphaël : C’est le texte du refrain donc naturellement « Baise-Moi » est répété plein de fois, donc ce n’est pas de la provocation. « Baise-Moi » c’est beau, le baiser quoi… ensuite dans le langage c’est devenu quelque chose de plutôt sexuel. Bien sûr il y a une forme de crudité dans cette chanson, elle parle de sexe, assez crument, elle s’appelle “Baise-Moi”… mais ce n’est pas spécialement pour choquer car finalement la morale de l’histoire c’est de dire qu’il y a quelque chose de plus grand que le sexe lui-même, à l’intérieur de l’amour, c’est la vie même. Le sexe nous renseigne quelque part sur la vie même.
À l’écoute des premiers titres de votre premier album, on se rend compte que nous sommes en présence des chansons très intimes, quelque chose d’unique que vous avez voulu offrir à votre public.
Raphaël : Oui, je pense que le travail, quand on créé, c’est quand même de se servir de cette intimité, de ce qu’on traverse et d’essayer de l’embellir ou d’en faire une dorure… trouver une forme de vérité à l’intérieur d’un intime. Se tenir à distance de cela, ce n’est pas être forcément sincère de ce qui traverse la création. Chaque chose qu’on traverse, plus elle est vécue et expérimentée de près, plus elle donne quelque chose de singulier, et comme on recherchait la singularité à l’intérieur de ce disque – dans la forme, dans les textes, et dans la musique – on s’est servi de cette intime et toutes ces choses un peu éprouvantes, belles… de les traiter avec sincérité.
Le très émouvant « Ça Va Aller », le 2ème single a été dévoilé en mai dernier sous forme d’hommage après le décès de votre papa. Le clip mêle d’ailleurs des images d’archives personnelles aux images plus récentes où on vous voit sur scène. Moralité : après le deuil c’est « le temps de revenir à la vie » ?
Raphaël : Très belle moralité, après le deuil, il faut revenir à la vie… il y a de cela bien sûr, mais c’est un peu ce qui traverse tout le disque de toutes façons. La mort nous coûte de l’énergie, et pourtant il faut continuer à vivre, alors comment on fait pour continuer à vivre ? Il faut affronter l’épreuve, s’en servir comme un marchepied pour s’élever et ne pas s’effondrer. Il y a vraiment de la beauté à proximité de la mort et de la joie, ça on nous le dit jamais, mais il faut accepter de le vivre aussi comme tel. C’est une expérience de vie totale, bizarrement, la mort est une expérience de vie totale.
On retrouve beaucoup de poésie dans vos textes, cela découle de vos différentes lectures ?
Théo : On n’a pas beaucoup lu, personnellement j’ai lu Les Orientales de Victor Hugo, mais à vrai dire, c’est plutôt le travail de Raphaël, d’écrit, d’artisan, de se mettre devant une petite feuille de papier, d’écrire tous les jours… qui l’a plus inspiré, que la poésie. La poésie inspire toujours mais, je veux bien écouter les plus grands génies de la musique du monde, dix ans d’affilée, je ne pourrais quand même pas faire de la musique. C’est quand même toujours faire qui fait qu’on devient plus ou moins bon.
« Mon âme sera vraiment belle pour toi » est notre titre préféré, une manière de mettre le sentiment amoureux en musique. Y a-t-il une histoire derrière ?
Raphaël : On sentait qu’on avait besoin de chansons très très légères, pas qui ne racontent rien, mais légères dans le sens qui jouent avec la légèreté, car on est souvent graves et intenses… Et « Mon âme sera vraiment belle pour toi » c’est les débuts de l’amour, la promesse de quelque chose qui sera très beau, avec les interrogations aussi « mon amour est un infini de pourquoi », à quelle sauce on va être mangé en quelque sorte, et puis la dimension de l’âme qui est importante. C’est un mot qui me tient à cœur, l’âme et l’amour sont liés, et je pense que l’amour, s’il est sincère, réel ou travailler, peut nous permettre d’élever notre âme d’une certaine manière. Et cette chanson dit un petit peu tout ça.
On se trompe ou sur certains titres (« La fin du Monde »…) on peut entendre une voix féminine ?
Théo : Vous ne vous trompez pas.
Raphaël : Il y a plusieurs voix sur ce disque, la mienne, celle de Théo (sur « Dis-moi comment faire », « Derrière le soleil », et puis plein de chœurs partout de Théo), et puis il y a aussi la voix de November Ultra, sur la chanson « Le Temps de revenir à la vie », il y a aussi la voix de Barbara Pravi sur « La Fin du monde » et il y a la voix de Felower, qui est un artiste et un ami, donc il y a plein de voix en fait sur ce disque.
La période de confinement que nous venons de traverser a-t-elle été bénéfique pour la préparation de votre premier album ?
Théo : Le confinement est arrivé après le mixage et le mastering des titres, donc il n’a pas joué sur la préparation de l’album, en revanche il a joué sur la création des clips, puisque nous étions enfermés chez nous quand nous avons dû clipper les morceaux. C’est pour cela que pour « Baise-Moi » on a choisi un clip en animation, qui était possible à faire, tout comme « Ça Va Aller », qui mélangeait des images d’archives, comme vous le dîtes si bien… c’était fait de bric et de broc, du do it yourself comme on dit. Mais dès qu’on a pu sortir « Mon âme sera vraiment belle pour toi », on a pu faire des clips incarnés, dehors, en Corse. Pour la préparation des clips, le confinement nous a demandé de trouver d’autres solutions, mais cela n’a pas impacté l’album puisqu’il était déjà derrière nous à ce moment-là.
Avec la crise sanitaire et les mesures de distanciation imposées par les autorités, avez-vous peur de ne pas pouvoir le défendre comme prévue ?
Théo : Roselyne Bachelot l’a dit le 20 août…
Raphaël : Apparemment, on pourrait jouer devant des salles assises, sans trop de mesures de distanciation. Il y a un geste qui est fait de la part du gouvernement, de nos ministres, notamment de notre Ministre de la Culture. Les concerts c’est donc a priori autorisé, en assis, sans distanciation sociale, à partir de septembre. Nous, nous avons une vingtaine de dates, on va jouer à travers la France et peut-être bientôt à travers l’Europe !
Dans quelle situation vous trouvez-vous aujourd’hui entre les reports et les annulations ? Les annonces du gouvernement vous semblent-elles claires ?
Raphaël : Là ça commence à se clarifier oui.
On a hâte de vous découvrir sur scène, ça sera une première pour nous car il y a tellement eu d’occasions manquées. Un conseil ? « Dites-nous comment faire ».
Théo : Eh bien prendre vos petites guiboles et aller au spectacle.
Raphaël : Si vous trouvez la distance trop lointaine par exemple, pour le faire décemment à pieds, je dirais plus de 30 minutes de marche, voire 45 minutes, prenez les transports en commun. Prenez un billet de transports en commun, un véhicule si devez être véhiculé.
Théo : Si c’est Madagascar, c’est l’avion. Si c’est les Îles Marshall, le bateau. Et si c’est la Vendée, le cheval.
Raphaël : Enfin bref, tous les chemins mènent à Rome, tous les chemins mènent à Terrenoire !
Plus d’infos
Les force Contraires, le premier album du duo Terrenoire est disponible sur toutes les plateformes.