Axel Deval est auteur-compositeur-interprète. Originaire de Rouen, il vit actuellement à Paris où il peut se produire régulièrement sur scène. Quelques semaines avant ses nouvelles dates de concert, il a accepté de répondre à nos questions.
Ce jour-là, je pensais parcourir rapidement ce compte Instagram, puis passer à autre chose. Mais cet univers, celui d’Axel Deval, je m’y suis sentie bien : il y avait quelque chose de confortable et d’interpellant à la fois. Une sorte de résonance qui m’a donné envie d’en savoir plus et partager mon coup de cœur. À l’écoute de ses deux albums “Humains malgré tout” et “Transgenèse“, plusieurs questions me sont venues à l’esprit. Nous avons donc organisé une rencontre “Covid-free” en appel visio, quelques semaines avant sa reprise de la scène, pour évoquer ses racines normandes, ses inspirations, ses modes de création, son nouveau clip, ainsi que son amour pour la scène et le partage avec le public. Axel Deval sera en concerts quatre samedis de suite, les 10, 17, 24 et 31 octobre prochains à 18h, au Théâtre La Croisée des Chemins (Paris).
J’ai lu que Queen et les Beatles t’ont inspiré l’envie de faire de la musique, mais d’où te vient le goût de manier les mots ?
Axel : La façon dont sonnaient les textes des Beatles me fascinait tout autant que leurs mélodies, même si je n’en comprenais pas le sens. Mes parents m’encourageaient beaucoup à lire aussi.

Et pourquoi tu écris en Français?
Axel : Étant français, je ne me sens pas la légitimité à écrire en anglais. C’est comme si, peintre, je me mettais devant la tour Eiffel et que je peignais le Wold Trade Center. Je vis dans un environnement qui est francophone, je m’en nourris au quotidien, et j’essaie de décrire ce que je ressens dans le contexte dans lequel j’évolue, qui, en l’occurrence, n’est pas anglophone. Je pense que les Beatles (pour y revenir) ne se sont jamais posés la question s’ils devaient chanter en Allemand ou en Italien. Cela ne m’empêche pas d’avoir beaucoup de respect pour les artistes français qui écrivent en anglais, ça ne me pose pas de problème.
Y-a-t-il des chanteurs français dont tu te sens proche ou qui t’inspirent, et dont tu pourrais avouer ou revendiquer l’influence ?
Axel : Il y a quelques années, je me reconnaissais beaucoup dans l’univers d’Alex Beaupain. Maintenant, plutôt Christophe et Etienne Daho. Mais, actuellement, je ressens moins ce besoin d’identification. Mon inspiration se situe entre Paris, ville latine, très chanson française et Rouen qui est une ville assez Rock, et se rapproche plus, culturellement, de l’Angleterre. Je revendique de plus en plus mes racines normandes.
Tu as, actuellement, deux albums à ton actif, “Humains malgré tout” sorti en 2015 et “Transgenèse” sorti en 2019, je crois savoir que tu as commencé à écrire ce deuxième album à la sortie du premier ?
Axel : Je n’attends pas vraiment la sortie d’un album avant de commencer l’écriture du suivant, je ne m’arrête pas d’écrire. Généralement, la fin de l’album correspond à la fin d’une réflexion, mais je me lance tout de suite sur le projet suivant, il n’y a jamais de vide. Pendant le temps de production d’ “Humains malgré tout“, j’avais déjà bien avancé l’écriture de “Transgenèse“.
Ce qui sous-entendrait que le troisième album est déjà écrit ?
Axel : Oui, j’ai vingt maquettes, et pour l’instant, j’en ai gardé onze. Je suis dans la phase de réalisation. Si tout va bien, j’espère une sortie en 2022, mais rien n’est officiel. L’autoproduction, c’est long à mettre en place, il faut faire des choix, on est limité au niveau du budget, tout doit être pesé.
Ton regard sur tes chansons évolue-t-il avec le temps? Est-ce qu’il t’arrive, quand tu réécoutes une chanson datant de plusieurs années, de te dire qu’elle ne te ressemble plus trop, que tu la vois sous un autre angle… ?
Axel : Pas tellement, en fait. J’essaie d’être le plus sincère possible avec la période que je traverse au moment de l’écriture. Je n’oublie pas les émotions que j’ai traversées au moment où les chansons sont nées.
Ton premier album “Humains malgré tout” a été écrit dans des circonstances assez particulières, peux-tu nous expliquer?
Axel : Suite à une remise en question, j’avais écrit un album qui ne me ressemblait pas, j’avais essayé de me formater, et à la veille de l’enregistrement, j’ai décommandé, et décidé soudainement de repartir à zéro. J’ai choisi de me couper des réseaux sociaux et me suis plongé volontairement dans une période de solitude quasiment totale qui a duré presque un an. Je me sentais comme dans un tunnel, mais je voyais la lumière au bout. Le but était de partir du doute (“Je doute” est le titre de la première chanson) et arriver à une forme d’harmonie à la fin de l’album. C’était intéressant de ne pas chercher à monter en altitude, mais, au contraire, descendre au fond de soi, là où on trouve une sorte d’universalité. J’ai nourri cet album uniquement de littérature, notamment de livres comme “Lettres à un jeune poète” de Rilke. J’avais la conviction qu’il y avait la lumière au bout du tunnel, et c’est pile au moment de la finalisation du disque que j’ai trouvé un distributeur pour cet album, qui a donc été disponible partout en France.
Peux-tu décrire, en cinq mots, les émotions que tu as voulu transmettre à travers l’album “Transgenèse”?
Axel : Je dirais renaissance, réalignement, apaisement, métaphore, émerveillement…
Y-a-t-il autre chose que tu souhaites exprimer à propos de “Transgenèse” ?
Axel : Après cette année de solitude, “Transgenèse” marque vraiment la naissance d’un nouvel état d’esprit, une nouvelle connexion, un nouveau cycle, basé sur l’observation, l’ouverture sur le monde. J’ai regardé beaucoup de films pendant l’écriture de “Transgenèse“.
Tu as sorti, en janvier dernier, le clip d’un nouveau morceau “Je profite de toi” qui n’est pas sur l’album “Transgenèse”. Ce titre sera-t-il sur le troisième album ?
Axel : Oui, il y a de fortes chances qu’il soit sur le prochain album. C’est une période différente. “Transgenèse” était nourri de beaucoup de films et de livres, avec beaucoup plus d’expériences sociales. Pour le nouvel album ce sont des expériences de vie successives et très rapides ces dernières années qui m’inspirent des chansons, toujours dans une idée de communion spirituelle. Je pense que l’amour en fait partie. Ce clip, c’est un peu mettre en avant la place de l’amour dans les relations humaines. Casser un peu les clichés et les questions de genres. J’avais réfléchi là-dessus, et j’aimais l’idée de remplacer dans cette histoire, dans ce duo, une femme par un homme à travers une drag-queen.
Comment as-tu croisé la route de cette drag-queen, Enza Fragola ?
Axel : J’ai mis des mois à la trouver, à sortir pour essayer de trouver des drag-queens, je ne connaissais pas bien, j’ai découvert tout un milieu. J’ai rencontré ce personnage que je trouve magnifique, ensuite, il est rapidement venu enregistrer ce duo. J’ai ressenti le besoin de réaliser ce clip assez vite, car il s’agit d’un personnage évolutif, et peut être très différent un an plus tard, et j’avais envie de capter le personnage tel qu’il était quand je l’ai rencontré. J’aime bien l’ouverture que dégage ce clip. Ces questions sur le désir, sur l’attribution de caractères féminins ou masculins. Et arriver à trouver un homme suffisamment féminisé pour qu’on puisse comprendre l’idée. Je trouve que c’est un message d’ouverture humaine, j’aime bien que ça ait du sens.
Tes textes sont principalement des images et des métaphores, est-ce important pour toi de laisser une capacité de libre interprétation à l’auditeur?
Axel : J’aime bien qu’il y ait une double lecture, c’est de la musique, on peut l’écouter de manière spontanée sans se poser de question. Par ailleurs, je ressens le besoin qu’il y ait un message, qu’il y ait une cohérence à la fois visuelle, musicale, au niveau des textes et que, derrière, il y ait une résonance avec ce que notre société peut traverser. Ça me parait intéressant d’illustrer des débats de société en musique, j’aime bien l’idée que mes chansons puissent ouvrir sur une réflexion.
Dans ton processus créatif, en général, ce sont les mots qui arrivent en premier, ou la musique ?
Axel : Les deux en même temps. Ça arrive d’un coup, en fait, je sens quand une chanson qui va arriver, il se crée comme une tension et quand j’accouche de la chanson, elle sort d’un coup. Je ne travaille jamais deux heures sur une chanson : quand ça vient, elle est écrite en vingt minutes. Avant, il y a comme un trou d’air pendant deux semaines, je ne peux pas sortir de chez moi. Ça m’arrive de marquer un mot sur une feuille au mur, je sais que ça va être la direction, la thématique et comme ça, je la vois tous les jours, et les documentaires que je regarde, mes expériences du quotidien vont venir s’agglomérer autour de cette thématique.

Sur Instagram, tu partages certains de tes dessins, que, personnellement, je trouve absolument fascinants. Tu ne dessines pas tes chansons?
Axel : Je dessine avant les chansons. Là, pendant le confinement, j’avais le temps de dessiner, mais sinon, c’est plutôt des gribouillis dans mes carnets d’écriture. J’écris plein plein de mots dans tous les sens, puis il y a des formes qui émergent, des images, j’essaie de repousser un peu les limites mon inconscient, pour voir où j’en suis et aider la création des chansons.
Sur Instagram on peut également voir de jolies photos de toi jouant de la musique dans la rue, tu fais ça souvent?
Axel : Habituellement, je joue environ quatre fois par semaine dans des bars, pour des scènes ouvertes. Il y a aussi des concerts annoncés, j’aimerais en faire plus souvent, mais c’est plus compliqué, je dois les organiser. J’ai commencé à jouer dans la rue à la sortie du confinement, car à ce moment-là, il n’y avait plus de bar, il n’y avait plus rien. J’ai joué dans la rue pendant deux mois jusqu’à ce que la police m’arrête. C’était une super expérience, je me sentais en harmonie complète avec l’environnement, j’ai adoré. Les textes résonnaient, il n’y avait pas beaucoup de bruit, car au début du déconfinement, il y avait peu de monde dans les rues, mais j’ai eu beaucoup de retours de plein de gens différents. C’est un peu le sentiment que j’ai quand je joue tous les soirs. Vraiment le mot, c’est “harmonie”. Deux semaines après le début du déconfinement, il y avait une sorte d’osmose : même la police s’arrêtait pour m’écouter. Deux mois plus tard, c’était contrôle d’identité et menaces de me donner une amende. La période du confinement est assez sombre avec le covid, mais j’ai ressenti une sorte de connexion, je trouve dommage qu’elle ait si vite disparu…
Tu seras en concert prochainement au “Théâtre La Croisée des Chemins”, ce sera quatre samedis de suite à 18h : les 10, 17, 24 et 31 octobre. Pourra-t-on y entendre des chansons qui seront sur ton troisième album ?
Axel : Oui, je joue des chansons du troisième album. En principe, je jouerai “Tes zones d’ombre“, entre autres, dont on peut écouter un extrait sur mon compte Instagram. J’adore aussi interpréter “De l’homme à la femme” (sur l’album “Transgenèse“), qui ne cesse d’évoluer sur scène, grâce à la relation avec le public. Nous serons deux ou trois selon les soirs, en guitare, piano, voix, accompagné de Mathilde à l’alto et Mathieu à la basse. Ça va être très joli.
Ça rejoint un peu ma question plus haut sur le regard évolutif que l’on peut porter sur les chansons. En fait, ce sont plutôt les chansons qui évoluent au fil du temps et des interprétations sur scène ?
Axel : “Le soleil et la lune” (de l’album “Transgenèse), par exemple, la session acoustique pour “Du son dans mon salon” est très différente de la version de l’album, elle a mûri avec le public. “Mon ange bizarre” (de l’album “Humains malgré tout”) a également beaucoup évolué, j’aime beaucoup la jouer. Je dissocie vraiment l’album de la scène : l’album, c’est vraiment une unité, il correspond à un univers, une période particulière. Alors que jouer les chansons, je me sens plus interprète, on me donne quelque chose et les chansons peuvent sortir du contexte de l’album et évoluer.
Plus d’infos
“Humains malgré tout” et “Transgenése“, les deux premiers albums d’Axel Deval sont disponibles sur toutes les plateformes.
Si vous brûlez d’envie de découvrir cet artiste sur scène, vous pouvez réserver vos places en cliquant ici ou là-bas